Protest the Hero – Protest the Hero

ENTRETIEN : PROTEST THE HERO

 

Origine : Canada
Style : metal emocore progressif
Formé en : 1999
Composition :
Rody Walker – chant
Tim “Timba” Millar – guitare
Luke Hoskin – guitare
Arif Mirabdolaghi – basse & chœurs
Moe Carlson – batterie
Dernier album : Fortress (2009)

Difficile d’accaparer les cinq tigreaux en novembre dernier après la sauvagerie perpétrée à la Locomotive (Paris). Un chasseur sachant chasser sait néanmoins patienter pour capturer sa proie. Pour leur seconde venue parisienne, le filet était tendu pour recueillir les propos du quintette. Pris dans le piège, Rody Walker et Moe Carlson (arrivé quelques dizaines de minutes plus tard) se sont délectés d’une agréable fin d’après-midi sur le pont du Batofar en notre compagnie.

Progressia : Rody, tu dois te douter qu’une présentation de Protest the Hero s’impose. Notre équipe vous suit depuis un moment mais notre lectorat vous connaît encore peu…
Rody Walker
: Nous sommes originaires du Canada, plus précisément de Whitby, dans la province de l’Ontario. Le groupe existe depuis 1999… 

(coupant) 1999 !? Mais quel âge aviez-vous ?
Nous avons commencé très jeunes, vers onze-douze ans quand nous étions au collège. Oui, je sais, la plupart des gens sont surpris. (rires)

C’est le moins que l’on puisse dire ! Mais quelle musique jouiez-vous à l’époque ?
En ces temps anciens (rires), nous étions très influencés par le punk et des groupes comme NOFX et Propagandhi, qui, pour ma part, constituent l’essentiel de mes racines. Nos goûts ont évolué vers des formations comme Dream Theater, Symphony X, Pantera ou Meshuggah, concernant principalement Luke et Timba.

Votre musique possède une très grande richesse stylistique. On pense par exemple à des groupes comme In Flames, Pantera ou Faith No More. Comment équilibrez-vous les doses ?
(réfléchissant) Je dirai qu’il existe un tronc commun constitué de punk et de metal. Précisons toutefois qu’on joue ensemble depuis si longtemps qu’on se connaît par cœur. Cette connivence est la clé de voûte de ce mélange. Je reste néanmoins bien incapable d’en approfondir la description.

Vous avez enregistré votre mini album A Calculated Use of Sound en 2003. Si nos calculs sont bons, vous n’aviez que seize ans de moyenne d’âge !
Absolument, et il faut savoir que nous avions participé à un concours que nous avions remporté, qui donnait droit à une session en studio d’enregistrement. Nous en avons donc profité au mieux. A Calculated Use of Sound a donc jeté les bases de ce qu’allait devenir Protest the Hero. Pour être honnête, nous traînons un peu ce mini album comme un boulet. Non pas que nous le renions, au contraire, il nous a permis de nous faire connaître. Mais quand on le réécoute, nos poils se hérissent. (rires)

A Calculated Use of Sound vous a toutefois ouvert les portes de la notoriété bien plus tôt que prévu.
Nous étions les premiers surpris. Les critiques étaient incroyables. Jamais nous n’aurions pensé que cela prendrait une telle proportion. Comme je le mentionnais plus haut, suite à ce tremplin auquel nous avions participé, l’idée était que cinq lycéens enregistrent un mini album, rien de plus. Mais le fait est que les résultats s’avéraient bien au delà de nos attentes.

Les bases étaient donc jetées votre premier album Kezia, qui a en outre également reçu les louanges de la presse spécialisée.
Kezia possède une couleur plus punk dans l’esprit, avec cette touche de mathcore que beaucoup semblent apprécier. Les commentaires étaient encore une fois aussi inattendus que gratifiants. C’était un peu surréaliste, du pur bonheur car nous n’attendions rien d’extraordinaire. Nous avons ainsi franchi un palier qui nous a permis de tourner en dehors du Canada et de se faire un nom hors de nos frontières.

Votre second et dernier album en date, Fortress, est indiscutablement plus progressif que son prédecesseur. Est-ce une évolution naturelle de votre processus d’écriture ?
Probablement, car tout s’est fait naturellement. La couleur est effectivement plus progressive et plus heavy. C’est la traduction de l’état d’esprit du groupe au moment de composer.

Vous aviez publié les titres « Sequoia Throne » puis « Bloodmeat » sur votre page MySpace. Au vu du retour très enthousiaste de la part de vos fans, cela vous a-t-il rassuré avant de sortir l’album ?
C’est toujours intéressant d’avoir le retour des fans. Nous avions voulu prendre la température et nous avons ainsi constaté que nous étions sur la bonne voie.

Ce site communautaire vous a-t-il substantiellement aidé à élargir votre public ? Comment percevez-vous ce phénomène de réseau social ?
Difficile de nier que MySpace est un atout non négligeable. En revanche et toute objectivité, je n’en suis pas friand. C’est un bon moyen de se faire connaître et de bénéficier d’une certaine exposition, toutes proportions gardées bien entendu. Il est néanmoins facile et courant désormais de tomber sur un artiste qui a tout d’un professionnel, le son et le matériel mais qui, en vérité, a enregistré chez lui dans sa chambre.

Et quelle est votre sentiment à propos du marché actuel du disque ?
Moe Carlson (nous salue et s’installe) : Les jours des maisons de disques sont comptés à présent.

N’est-ce pas un avis quelque peu tranché ?
Rody : C’est la vérité car les maisons de disques, telles vous les connaissez et que nous les connaissons, sont amenées à disparaître, ce n’est qu’une question de temps. Le travail et la politique des grandes majors sont lamentables. Plus aucun moyen n’est mis en œuvre pour promouvoir correctement un artiste de qualité. J’encourage pour ma part fortement au téléchargement illégal en masse. En mettant la clé sous la porte, les labels récolteront ainsi le fruit de leur politique mercantile à la fois outrancière et attentiste. (NdlR : et paf dans les dents !)

Malgré l’état pathétique du milieu, parvenez-vous à vivre de votre musique ou êtes-vous tenus d’avoir un boulot à coté ?
Moe : Nous entretenir avec vous fait partie de notre boulot. Effectivement, nous arrivons bel et bien à vivre des ventes de nos disques et des tournées.

Au même titre que vos influences, votre public est assez varié. On y trouve entre autres fans de punk, de metal et de progressif. Mine de rien, vous pourriez tout aussi bien partir en tournée avec Dream Theater qu’avec Faith No More. Quitte à choisir, vers quel groupe irait votre préférence ?
Moe
: Pas évident de répondre à ce que vous nous demandez !
Rody : (réfléchissant) Très dur effectivement. Si on nous laisse le choix, je signe pour partir avec Faith No More. J’adore Dream Theater et James LaBrie, mais Mike Patton représente une plus grande influence dans mon chant et partir en tournée avec lui… ouais, ce serait le pied ! D’ailleurs, je pense que le public de Faith No More est plus ouvert et plus éclectique que celui de Dream Theater qui contient une grosse quantité de puristes. Je ne doute pas que certains apprécieront mais certains risqueraient de nous huer copieusement.
Moe : Sans paraître arrogant, nous nous sommes rendus compte qu’à propos de Protest the Hero, c’est très simple : soit on adore, soit on déteste.

Avez-vous des idées pour votre prochain album ? Avez-vous porté votre choix sur une éventuelle direction artistique ? Existe-il un facette de votre musique sur laquelle vous aimeriez vous penchez davantage ?
Moe : Tout se passera de la manière la plus simple : Luke ou Tim se pointeront avec un ou deux riffs. Avec un peu de chance, Arif suivra derrière avec une de ses idées. A partir de là, nous verrons comment rendre l’ensemble cohérent. C’est ainsi que nous composons. Un nouveau titre, encore à l’état embryonnaire, est actuellement en chantier. Nous ne sommes pas des adeptes de l’écriture pendant une tournée, on préfère prendre notre temps. Disons que nous sommes plutôt longs à la détente.
Rody : Le prochain disque sera de nouveau orienté vers le punk. Propagandhi sort un nouveau disque et c’est clair que l’influence du groupe sera présente au travers de notre musique.

Ce prochain album pourrait-il détenir un concept ?
Moe : Arif détient la réponse !(rires)
Pouvez-vous nous éclaircir à ce propos des thèmes évoqués à travers vos textes ?
Rody : (rires) Il faudrait demander à Arif. Quand il est écrit ses textes… il est dans un état second, vraiment très haut… si vous voyez ce que je veux dire (sourire).
Moe : Cette remarque est également valable pour l’écriture de la musique. Généralement, nous ne sommes pas dans notre état normal quand nous composons. J’irai même plus loin : la musique de Protest the Hero est composée et s’écoute dans un état second !

Le succès de Rush – qui est à ce jour le plus grand groupe de rock du pays – nourrit-il encore aujourd’hui des vocations auprès de jeunes apprentis musiciens canadiens ?
Rody : J’espère car si cela peut contribuer à donner des idées à la prochaine génération, pourquoi pas ? J’imagine que les jeunes emprunteront les éléments les plus progressifs et que les guitaristes les plus tordus sont à naître. Il faut savoir qu’au Canada, le Ministère de la Culture subventionne des programmes destinés à la jeunesse. Beaucoup de jeunes travaillent ainsi leur instrument d’arrache-pied.

Il est tout de même surprenant de constater actuellement le nombre de musiciens en herbe à posséder une telle maîtrise instrumentale. En regardant en arrière, les cadors de la technique comme Yngwie Malmsteen, Paul Gilbert ou John Petrucci ont fait l’objet d’études et d’objectifs en termes d’évolution de la pratique musicale. Or, ces dernières années, il existe une réelle émergence quasiment pris au berceau…
Rody : (rires) Je ne suis pas si pressé que des gamins de treize ans arrivent à reprendre nos titres. (NdlR : c’est pourtant déjà le cas sur des vidéos présentes sur Internet)
Moe : Ce que faisaient les guitaristes que vous avez cité, un gamin de treize ans peut aujourd’hui le faire et pousser encore plus l’étude de la pratique instrumentale. A l’avenir, je pense que le niveau sera techniquement de plus en plus haut et surtout, que des musiciens émergeront de plus en plus tôt.

Votre musique est présente au générique de bandes-sons de jeux video. « Bloodmeat » et « Sequoia Throne » ont par ailleurs fait l’objet d’adaptation sur le jeu Guitar Hero
Moe : C’est une bonne publicité car c’est un bénéfice pour nous. On ne va pas faire la fine bouche. Là encore, nous ne nous attendions pas à un tel engouement.
Rody : A propos de Guitar Hero, je sais que Luke et Tim s’y sont essayés… Ils n’ont absolument rien compris ! (rires)

Le mot de la fin ?
Moe : Je tenais à dire que les musiques progressives et Star Trek cohabitent très bien ensemble ! Nous sommes de très grands fans et nous attendons J.J. Abrams et son film de pied ferme !

Propos recueillis par Dan Tordjman et Antoine Pinaud
Photos de V.Chassat

site web : Protest the Hero

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