Isotope - Golden Section (rééd.)

Sorti le: 25/11/2008

Par Christophe Manhès

Label: Cuneiform Records / Orkhestra

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Bienvenue dans le monde des excités du rythme, au point de fusion de l’énergie rock et de la virtuosité jazz. Nous sommes entre 1974 et 1975, la dextérité électrique du Mahavishnu Orchestra et l’élégance canterburienne de National Health et Soft Machine font des émules. Le guitariste anglais Garry Boyle lance alors sa propre formation, Isotope, après avoir obtenu ses lettres de noblesse en jouant pour des artistes aussi divers que Julie Driscoll, Keith Tippett ou Brian Auger. Dès le premier album, les critiques font un excellent accueil à cette musique adepte des montagnes russes et de la mitraille tout en étant revêtu d’un gracieux velouté british. Composé de Nigel Morris à la batterie et Laurence Scott aux claviers, le groupe ne prendra pourtant son envol qu’au moment de l’enregistrement du second album, Illusion en 1974, quand Hugh Hopper (ex-Soft Machine) les rejoint pour ajouter à leur porridge la force tranquille de sa fameuse basse aux effets « fuzz ». La bonne idée de Cuneiform Records, c’est de nous proposer des enregistrements live inédits de cette période emblématique extraits de trois concerts donnés en Allemagne, à New York et Londres.

Le premier est une déception. Malheureusement, ce concert donné à Bremen en 1975 ne représente déjà plus que la face dévoyée de ce jazz-rock élaboré. Le groupe, surtout Garry Boyle, y tricote trop dans le vide et donne à cet enregistrement une impression de bavardage vain. Comme pour beaucoup d’autres formations à succès portées sur la technique, au début de cette période — en gros à partir de fin 1974 —, les prestations stériles se répandent au détriment du feeling. Même si Hopper est encore membre d’Isotope, sa légendaire probité artistique lui fera tout de même quitter le groupe cette même année pour se lancer dans une carrière solo passionnante, à la vigueur créative jamais démentie (pour preuve le superbe live de Brainville 3 sorti également chez Cuneiform en 2008). On pourra néanmoins écouter la belle version de « Mr. M’s Picture » qui clôture le show et qui n’apparaîtra sur un album studio qu’un an plus tard, en 1976, sur Deep End. Trop bref et d’un son plus médiocre, les deux titres du second concert donné en Allemagne la même année, n’apportent pas grand-chose.

Les connaisseurs ne s’y tromperont pas, 1974 fut l’année où Isotope brilla. En plus de l’excellent album Illusion, le concert de Londres de cette année magique le prouve et donne donc tout son intérêt à l’édition de Golden Section. Si le son est un peu moins bon, la musique s’y révèle d’un sacré calibre. La basse du flegmatique Hopper est tout simplement royale, comme le sont également les injonctions d’adrénaline de la guitare de Boyle encore maîtrisées et à l’unisson du feeling de ses camarades. Les versions des trois classiques « Spanish Sun », « Golden Section» et « Illusion » surpassent d’ailleurs celles des versions studio. Terriblement groovy et intense, la musique d’Isotope prend ici tout son sens. Dommage seulement que ce soit si bref : vingt petites minutes !