Viret / Ferlet / Moreau - Le temps qu'il faut

Sorti le: 30/10/2008

Par Mathieu Carré

Label: Mélisse Music

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Jean-Philippe Viret est fidèle. Fidèle à l’inamovible formule piano / contrebasse / batterie qui n’en finit plus de rajeunir, fidèle au pianiste Edouard Ferlet, et surtout fidèle à une esthétique musicale limpide et envoutante. Pour ce dernier album, où le batteur Fabrice Moreau a remplacé Antoine Banville qui officiait sur les précédents enregistrements (Considérations, L’indicible et Etant donné – tous recommandables), le contrebassiste joue encore sur la corde de la sensibilité.

L’introduction hypnotique de « Peine Perdue », sur deux minutes de vagues ascendantes à l’archet associées à une mélodie d’une évidence discrète au piano, permet de plonger sans retenue au cœur de cette musique. Un sens aigu de l’équilibre, de l’interaction permanente transpire à travers les compositions. Par cet aspect presque cinématographique de la musique, tout en rondeurs et harmonies, on peut rapprocher intuitivement le travail de Jean-Philippe Viret de celui de Vincent Artaud, autre contrebassiste français maître dans l’art d’apprêter et de rendre plus accessible un jazz réputé austère. Toujours au diapason de son compagnon, Edouard Ferlet manie à merveille les motifs de quelques notes, les fait évoluer et permet ainsi à l’ensemble de s’envoler en douceur (« Les arbres sans fin », « Ailée au Sud ») quand Fabrice Moreau soutient le tout avec brio, même si « 7 à dire » qui commence par un saisissant solo de batterie, plus énergique et joyeux jure avec le reste de l’enregistrement.

Porté par un lyrisme et une capacité à faire évoluer les morceaux toute insaisissable, le trio livre ici un disque à la hauteur du talent déjà reconnu de ses membres. Un piano, une contrebasse et une batterie, depuis longtemps, on suppose la formule trop vieille ou moribonde, mais elle semble plus moderne chaque jour. Avec (entre autres) Yaron Herman et son art juvénile du piano, David King et son emprise rythmique sur le trio, Jean-Philippe Viret démontre que la contrebasse, à l’image de ces formes voluptueuses peut-elle aussi jouer les premiers rôles grâce à un charme profond et inquiétant.