ENTRETIEN : BRAVE

  Origine :Etats-Unis
Style : metal progressif
Formé en : 1997
Composition :
Michelle Loose – chant et piano
Scott Loose – guitares
Matt Kozar – guitares
Ben Kelly – basse
Trevor Schrotz – batterie
Suvo Sur – violon et claviers
Dernier album : Monuments (2008)

Monument n’est pas un coup d’essai pour Brave. C’est en effet leur deuxième album après Searching For the Sun. La formation américaine a réussi un joli tour de force en proposant une musique à la fois énergique et mélodique, servant de support idéal à la voix de Michelle « Ma Belle » Loose. Progressia s’est entretenu avec la vocaliste, toute jeune maman d’un petit Aiden Trevor et corrige ainsi une grossière erreur, celle de ne parler qu’aujourd’hui seulement d’un groupe talentueux.

Progressia : Avant de rentrer dans le vif du sujet, pourrais-tu revenir sur la genèse de Brave ainsi que sur l’époque à laquelle le nom du groupe était Arise From Thorns ?
Michelle Loose: Arise From Thorns a été monté en 1997. Il s’agissait à la base d’un trio articulé autour de mon frère Scott, notre ami d’enfance Trevor et moi-même. Au début, je n’en faisais pas partie mais j’ai vite été attirée par ce projet ; j’ai commencé à jouer des claviers dans le groupe, tandis que Scott s’occupait du chant. J’ai ensuite chanté sur quelques titres et cela leur plu. Nous avons ensuite enregistré notre premier album éponyme Arise From Thorns puis nous avons sorti Before an Audience of Stars en 1999. En mars 2000, nous avons changé de nom pour adopter celui de Brave. Après coup, nous nous sommes aperçus qu’Arise From Thorns était teinté d’une consonnance assez « mélo-dramatique » et que les gens avaient du mal à retenir le nom. Pourquoi Brave ? Parce que le fait de jouer en public – et pour moi de chanter devant une audience – relève du courage. Dans la foulée, nous avons mis en boîte le mini album Waist Deep in Dark Waters. En mars 2003, nous avons sorti notre premier véritable album, Searching For the Sun. En 2004, nous avons composé Passages et venons tout juste de sortir Monuments.

Quels ont été les retours sur vos précédents disques ?
Les critiques ont globalement été assez positives. Waist Deep in Dark Waters a séduit un public porté sur le progressif, par exemple sur des groupes comme Dream Theater. Searching For the Sun a été composé dans cet esprit mais les maisons de disques ne nous ont pas trouvés suffisamment « metal » pour leur catalogue. C’est un problème récurrent que celui d’être catalogué et réduit à un seul style musical. Non pas que les labels n’étaient pas intéressés, ils l’étaient, mais ils recherchaient une musique plus sombre, proche du doom. Parallèlement, nous avons été les lauréats d’un concours local à Washington D.C., qui nous a permis de gagner quelques jours en studio que nous avons mis à profit pour enregistrer Passages. Nous nous sommes dès lors dit que plus aucune critique ne nous atteindrait, que nous resterions fidèles à nos principes sans remettre en cause notre intégrité et sans avoir un label qui nous imposerait une quelconque direction artistique. Ce sont ces petites contraintes qui peuvent remettre en cause le plaisir que l’on a à composer et jouer de la musique. Nous sommes très fiers d’en être arrivé jusqu’ici.

Parlons maintenant de Monuments. Jusqu’à présent, on pouvait percevoir dans votre musique au travers de titres comme « Dark Waters », « I Believe » ou « Words », une forme d’équilibre entre puissance et calme. Or là, l’album démarre par « Hold On » un titre très puissant qui prend littéralement à la gorge. Vous avez mis l’accent sur le côté heavy de votre musique sans crier gare. C’est un sacré changement, il faut bien l’avouer !
Nous avons tous grandi en tant que musiciens et compositeurs. Certains titres ont requis une ambiance plus « rentre-dedans ». Nous étions tous d’accord pour que « Hold On » ouvre l’album dans la mesure où il permet d’entrer tout de suite dans le contexte. Ça faisait près de quatre ans que nous n’avions rien sorti, il fallait bien qu’on marque les esprits ! D’autres titres comme « Forgiveness », « Sleepless » ou « Here » rappellent un peu nos débuts avec Arise From Thorns, avec des tempi plus lents et des thèmes plus mélodiques. Je pense honnêtement que le mélange est assez réussi.

Selon toi quelle serait la marque de fabrique estampillée Brave ?
(Réfléchissant) Mmmm… ça devient dur là. (rires) Je dirais que nous jouons une musique mélodique et passionnée. Mais pour vendre un peu plus le produit, j’ajouterais que Brave interprète une musique progressive, mélodique, passionnée avec du chant féminin. Si je devais dresser une forme de comparaison, ce serait peut-être avec Evanescence pour le côté « rock avec chant féminin » ou je citerais également Rush ou Dream Theater. J’essaie de ne pas perdre les gens avec des groupes inconnus.

Quelles sont les erreurs commises par le passé que vous avez chercher à gommer sur ce nouvel album ?
Sans hésiter, je dirais notre approche de la production. Nous avons eu la chance de travailler avec de très bon ingénieurs du son qui connaissent réellement leur métier. Nous ne sommes pas très calés concernant la production et l’enregistrement. Nous avons vraiment pris notre temps et fait en sorte que tout sonne comme nous le souhaitions. Dans le passé, nous avons eu tendance à précipiter les choses. Nous n’avons pas, par exemple, cherché à peaufiner le mixage ou travailler nos sons. Cette fois-ci, c’est mission accomplie.

Si l’on s’attarde sur votre biographie, vous clamez votre admiration pour des groupes comme Queensrÿche, Fates Warning, Pink Floyd, des influences perceptibles dans votre musique. A l’inverse, on est surpris de voir que vous aimez des groupes comme Cynic, Anathema ou The Police.
Je trouve ça assez intéressant. Compte tenu du fait six personnalités différentes coexistent dans le groupe, on pioche un peu partout et on écoute de tout. Trevor, par exemple, est fan de jazz et adore Allan Holdsworth ainsi que des artistes plus anciens comme Miles Davis. En ce qui me concerne, j’aime beaucoup Tori Amos, Bjork et Depeche Mode. Ben, quant à lui, est très branché metal de même que Suvo et Trevor, qui sont fans des premiers albums de My Dying Bride pour citer un groupe ; mine de rien, tout ceci se mélange assez bien et rend, je pense, notre musique intéressante.

Les textes et la musique sont signés d’une plume commune par le groupe. Est-ce ainsi depuis le début ?
J’en ai écrits bien plus ces derniers temps. La première chanson pour laquelle j’ai fourni les paroles est « Blue Skies » qui figure sur Before an Audience of Stars. Au fil des albums, j’ai contribué de manière plus conséquente aux textes, qui sont rédigés après la musique.

Pourrais-tu évoquer brièvement les thèmes relatés au travers des titres de Monuments ?
De nombreux thèmes sont évoqués. J’ai écrit les textes de « Hold On » après avoir eu un conflit avec quelqu’un. Je me suis alors imaginée en plein combat et devais donc m’accrocher, un peu de la manière dont on s’accroche à une montagne. « Hurt » et « Forgiveness » sont pour ainsi dire liées, on y parle de gens qui se sentent blessés, trahis ou oubliés. Il est question d’une forme de frustration. Pour conclure sur la question, je dirais qu’il y a énormément de sentiments personnels dépeints à travers les paroles de Monuments.

Ta récente grossesse t’a-t-elle influencée pour l’écriture des paroles ?
C’est amusant que tu me poses la question. J’ai appris que j’étais enceinte pendant l’enregistrement de l’album, alors que tout était déjà écrit. Mais pour être honnête, cette heureuse nouvelle m’a redonné des forces ! Mon fils a déjà une très grand expérience en studio (rires) , mais pour l’instant, il dort dans la pièce à coté.

Y-a-t-il des chutes de studio issues des sessions d’enregistrement de Monuments ?
Nous avons toujours eu, par le passé, des morceaux inachevés et la majorité d’entre eux a fini à la poubelle, nous n’avons utilisé que peu de matériel restant. Cette fois-ci nous avons tout utilisé.

Quelles sont les réactions de la presse et des sites spécialisés concernant ce nouveau disque ?
Jusqu’ici, nous touchons du bois, les journalistes ont l’air d’apprécier le disque. Certains étaient même visiblement surpris de nous voir de retour pensant que nous avions arrêté le groupe. Beaucoup ont insisté sur la production du disque, ce qui nous conforte un peu plus dans notre idée que le fait de prendre du temps est vraiment nécessaire. C’est évidemment très gratifiant pour nous car nous avons sué sur cet album. Aujourd’hui à travers ces retours, on se rend compte que cela paie et c’est ce que nous recherchions.

Selon toi, comment ces nouveaux titres s’intègreront-ils dans le cadre de la scène ?
Nous aimons varier les plaisirs et couvrir l’essentiel de notre discographie. Cela passe donc par les tout premiers titres d’Arise From Thorns et de Brave jusqu’aux plus récents. Nous changeons régulièrement de set-list de manière à rafraîchir un peu les choses, ajouter une reprise, etc, … Aujourd’hui nous avons progressé et donnons de meilleurs concerts qu’auparavant.

De la même manière que Rush a pendant des années joué « Closer to the Heart » sur toutes ses tournées, Brave a-t-il son titre phare en concert ?
Pendant longtemps, nous avons joué « Trapped Inside » à chaque concert. Nous avons également eu beaucoup de demandes pour « Words ». A l’inverse nous n’avons jamais joué « Candle In The Dark » mais allons bientôt conjurer le sort lors d’un prochain concert en octobre. Nous avons interprété plusieurs versions de « Before Nightfall » : avec le groupe au complet et en version acoustique plus épurée.

Quel est ton point de vue sur la scène progressive américaine ?
J’ai tendance à penser qu’aux Etats-Unis la scène est essentiellement locale et composée d’artistes non signés, mais qu’il existe également un public d’acharnés particulièrement friands de progressif. Il ne sera jamais important numériquement, mais il n’empêche que beaucoup de gens ici apprécient les vieux disques de Genesis et appartiennent à cette frange underground du rock progressif. Ces personnes sont très actives et présentes : certaines d’entre elles avalent parfois des kilomètres pour un concert. Ce sont de réels passionnés, qui recherchent constamment la nouveauté. Hélas, à moins d’un miracle, cette scène, commercialement parlant, ne marchera jamais aussi bien que la scène mainstream; cependant le public est bel et bien présent et c’est l’essentiel.

Peut-on également dire que les radios américaines ont leur importance, au même titre que d’autres médias pour faire décoller la carrière d’un groupe ou d’un artiste ?
C’est effectivement le cas, beaucoup de gens écoutent les radios. Personnellement je ne les écoute plus, j’ai un iPod ca me suffit amplement ! (rires)

Pour un groupe de la stature de Brave, Myspace a-t-il changé quelque chose ?

Absolument, c’est un sacré coup de main pour un groupe comme le nôtre, que ce soit en terme de contacts ou de ventes, en particulier venant de l’étranger.

Bien que Monuments vienne de sortir, avez-vous des idées pour du nouveau matériel ?
Lors des répétitions, nous testons quelques nouveautés mais ce ne sont généralement que de brefs bouts de chansons à l’état embryonnaire que nous essayons de faire évoluer. On a surtout répété pour jouer les nouveaux titres en concert. Chaque chose en son temps.

Envisagez-vous de presser à nouveau des exemplaires du premier album d’Arise From Thorns, aujourd’hui introuvable ?
Ce n’est pas prévu mais cela dit, ce devrait être disponible prochainement sur des plate-formes légales de téléchargement. Nous avons parlé de réenregistrer ce premier album car, si les morceaux sont bons, la production me hérisse ! Certains titres mériteraient d’un léger lifting ou dépoussiérage. Cependant, ce n’est pas pour tout de suite car l’enregistrement de Monuments a creusé un gros trou sur le compte en banque du groupe.

Ne serait-il pas intéressant pour vous d’avoir votre propre studio afin de vous épargner d’importantes dépenses ?
Nous avons notre propre matériel et sommes équipés en MAO. Mais la technologie évolue tellement vite que nous sommes vite dépassés et aucun d’entre nous n’est réellement calé dans le domaine. Par conséquent, c’est plus intéressant d’avoir quelqu’un extérieur au groupe qui soit réellement compétent concernant les dernières nouveautés en termes de logiciels et matériel, ainsi qu’en techniques de production.

Une question rituelle chez Progressia : quels sont tes artistes ou disques du moment ?
Dernièrement, j’ai écouté Crash du Dave Matthews Band (NdlR : célèbre groupe de jazz rock acoustique américain qui cartonne littéralement outre-Atlantique)… quoi d’autre ? Je me suis refait un trip années quatre-vingts : j’adore écouter quelques perles de l’époque, comme Duran Duran ou encore Survivor. J’ai trouvé pour mon fils des adaptations pour bébés du répertoire de Metallica, c’est véridique. Imagine « And Justice For All »… pour gamins ! (rires)

Que souhaiterais-tu ajouter en guise de conclusion ?
Au nom du groupe, je vous remercie infiniment de l’intérêt que vous nous portez. Nous espérons vraiment que vous apprécierez Monuments. N’hésitez pas à nous rendre visite sur notre site et sur notre page myspace. Nous voulons vous connaître. Encore merci à vous.

Propos recueillis par Dan Tordjman

site web : http://www.bravemusic.com

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