ENTRETIEN : PALLAS

  Origine : Royaume-Uni
Style : rock néo-progressif
Formé en : 1980
Composition :
Niall Mathewson – guitares
Graeme Murray – basse
Colin Fraser – batterie
Ronnie Brown – claviers
Alan Reed – chant
Dernier album : The Dreams of Men (2005)

Profitant de la sortie du DVD Moment to Moment, Progressia s’est empressé de combler une lacune : réaliser une entrevue avec Pallas, l’un des groupes vétérans du néo-prog. Le très loquace Alan Reed a accepté de répondre de façon très exhaustive à un flot de questions, avec une bonne humeur évidente et une grosse louche d’humour.

Progressia : Depuis la naissance du néo-prog au début des années quatre-vingt, de nombreux groupes ont disparu, d’autres ont ressuscité et Pallas est l’un de ces derniers. Comment cette résurrection a-t-elle eu lieu ? Que pensez-vous de la santé et de l’évolution de cette scène ?
Alan Reed : Qu’est-ce que le néo-prog ? Si tu fais référence à la pléthore de groupes anglais à cette époque qui ont été influencés par le rock progressif, alors oui, évidemment, il y en encore un certain nombre en activité. Je ne sais pas s’il s’agit simplement de pure obstination de la part des groupes ou de la loyauté et de l’enthousiasme des fans. Même Solstice et Twelfth Night se sont reformés ! Concernant Pallas, nous avons toujours considéré que quelque chose était inachevé lorsque nos routes se sont séparées à la fin des années quatre-vingt. Petit à petit, nous nous sommes retrouvés à travailler ensemble à nouveau et Beat the Drum a vu le jour. A notre grande surprise, il semblait y avoir encore des gens – et des labels – intéressés par ce que nous proposions. Nous voici donc, dix ans plus tard, en train de faire de la musique encore et toujours. Concernant le néo-prog en général, il est assez impressionnant de constater que cette petite scène, essentiellement autoproduite et indépendante a réussi à fleurir et même à grandir ces dix dernières années. Aucun de ces groupes n’en a tiré fortune, mais ils ont survécu et continué à développer leur propre style. Je pense que la plupart ont écrit et enregistré leurs meilleurs travaux récemment. C’est probablement vrai pour nous aussi. Le futur est assez incertain. Internet, s’il fut l’un des mécanismes qui nous a permis de trouver et de garder un certain public, s’avère être aujourd’hui une lame à double tranchant. Le téléchargement illégal, et le peer to peer en particulier, s’est tellement généralisé qu’il devient difficile pour nous d’amortir les coûts de base, et je ne parle même pas de gagner un peu d’argent pour le réinvestir dans d’autres projets. Je ne veux pas faire de morale, parce que nous avons tous commis un peu de piratage en notre temps, mais lorsque tu découvres (et c’est mon cas) que tes albums sont en téléchargement avant même qu’un quelconque membre du groupe en ait une copie finalisée, c’est que clairement, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

Ecoutez-vous toujours du rock progressif et penses-tu qu’il y a un avenir pour ce genre de musique ? 
Je n’écoute pas vraiment ce qui se fait dans le genre actuellement, bien que j’apprécie quelques titres ici et là. J’écoute encore les classiques de temps en temps, tout comme, dans un autre registre, AC/DC ou Muse. Je pense qu’il y a un avenir pour cette musique. Les musiciens ont toujours quelque chose à dire, et il existe encore des gens pour les écouter. Un public plus jeune commence à découvrir le genre, alors, bien qu’il ne perce pas dans le grand public, je ne le vois pas davantage flétrir sur sa vigne.

Quel genre de musique écoutes-tu ? Quelles ont été tes influences par le passé et quelles sont-elles aujourd’hui ? 
Comme je te le disais précédemment, j’écoute beaucoup de groupes avec lesquels j’ai grandi, ainsi que d’autres comme Led Zeppelin et Deep Purple. J’apprécie également un certain nombre de formations heavy des années quatre-vingt comme UFO, AC/DC, etc., et d’autres plus récentes comme Muse et Radiohead. Je dirais que Rush est le groupe qui m’a le plus influencé. Ils ne se sont jamais tus, ont toujours évolué avec leur temps, mais sont néanmoins restés fidèles à eux-mêmes. J’aimerais qu’il en soit de même pour Pallas. En ce qui concerne nos influences, celles que j’ai citées ont eu leur importance, ainsi que les auteurs-compositeurs comme Neil Young, Paul Simon et Roy Harper. J’ai toujours admiré l’homme et sa guitare face au reste du monde. J’ai également été exposé à de la musique folklorique écossaise dans ma jeunesse (je jouais dans des salles locales) et au rock celtique comme Runrig ou Clannad. Actuellement, je suis moins conscient de ce qui m’influence. J’essaie simplement de faire la musique que j’aime entendre.

Quels étaient tes rêves lorsque tu as commencé à jouer dans Pallas ? Quels sont tes sentiments sur la période EMI ? Enfin, quelles sont les principales différences entre une major comme EMI et un label plus modeste comme InsideOut Music ?
C’est évidemment le style de vie sex, drugs and rock’n’roll qui m’a amenée dans Pallas ! Honnêtement, tout ce que je voulais, c’était faire de la musique que j’aime avec des gens partageant le même état d’esprit, et gagner assez d’argent pour pouvoir continuer éternellement. J’aime tourner, rencontrer du monde, me réveiller ailleurs chaque jour. Mais par-dessus tout, j’ai envie qu’on me respecte en tant que musicien, de la même façon que j’ai respecté mes héros. Malheureusement, j’ai dû me contenter de prendre un tas de cachets et de dormir avec une femme différente chaque nuit (rires). La période EMI reste toujours et encore un peu floue. A un instant donné, j’étais un bassiste débutant qui essayait de faire jouer son groupe dans des pubs, et l’instant d’après, j’étais chanteur dans un groupe prometteur, avec un gros contrat, qui tournait sans cesse et enregistrait dans les meilleurs studios du monde, rencontrant mes idoles sur un pied d’égalité. C’était à la fois excitant et terrifiant. Mais à l’évidence, les relations entre EMI et le groupe étaient déjà tendues. Le label était en pleine restructuration et nos interlocuteurs changeaient sans cesse. EMI n’a jamais réellement compris les groupes comme nous. Ils comprenaient et géraient à merveille ceux qui sortaient des singles. Les groupes de rock à succès maintenaient leurs engagements avec la compagnie au minimum syndical car ils savaient qu’on ne pouvait lui faire confiance. Nous ne pouvions nous permettre ce luxe-là. Avec le recul, il y aurait eu de nombreuses choses à faire pour améliorer notre situation, mais nous étions jeunes et stupides, et trop peu de gens chez EMI se préoccupaient de notre sort. Nous étions simplement une formation parmi les centaines dont ils s’occupaient, trop naïfs pour passer du temps à nous vendre sans cesse auprès d’eux. C’était assez décourageant. Travailler avec un label comme InsideOut Music est totalement différent. Ils comprennent les groupes et leur marché. Ils se préoccupent suffisamment de la musique et nous pouvons directement nous adresser à des personnes qui nous manifestent de l’intérêt. C’est beaucoup plus satisfaisant.

Pallas est-il une occupation à temps plein ou avez-vous tous un autre travail à côté ?
Pallas est en réalité une couverture pour notre trafic d’armes international. C’est la raison pour laquelle nous jouons si souvent au Soudan et en Corée du Nord.

Quelques questions des membres de notre forum. La première s’adresse à Graeme Murray : sur les premiers albums de Pallas, sa basse sonne comme celle de Roger Glover, Geddy Lee ou Chris Squire. Est-il toujours influencé par ces artistes lorsqu’il compose ?
Graeme est à l’étranger actuellement, il a quelques problèmes avec un chargement de AK47 en Somalie, mais il m’a autorisé par téléphone à vous répondre ceci : « Les trois artistes que tu cites ont eu une influence dans ma façon de jouer. L’utilisation que fait Roger Glover de la Rickenbacker sur les disques de Deep Purple est une référence absolue. Mais c’est surtout la façon de jouer de Chris Squire sur The Yes Album qui m’a fait acquérir une Rickenbacker. Je voulais faire ce genre de bruit ! Je m’ennuie rapidement, c’est pourquoi j’aime jouer des parties mélodiques complexes qui dominent souvent la musique. Ça a tendance à ennuyer profondément le reste du groupe… ce qui est évidemment un plus ! ». Graeme aime également le jeu de Geddy Lee mais pense que ce n’est pas très viril de jouer de la basse avec les doigts plutôt qu’au médiator. Je joue également de la Rickenbacker, mais avec les doigts (ainsi que Dieu l’a prévu) ce qui nous donne, à Graeme et moi, une raison de plus de nous prendre la tête lorsque nous sommes en recherche de paroles. (rires)

Comment s’est vendu votre CD de MP3, Mythopoeia ?
Pas aussi bien que les machines que nous faisons entrer en contrebande à Cuba, mais mieux que ce que nous attendions. Ce disque s’adressait aux complétistes qui voulaient posséder absolument tout ce que nous avions enregistré. Il répondait aussi aux questions du genre : « Qu’est-il arrivé à ce morceau qui ne figure pas sur l’album ? Pourquoi la version album de X sonne-t-elle différemment de celle que j’ai entendue il y a six mois en concert ? ».

La production de The Sentinel est un peu vieillotte. Pensez-vous la rafraîchir un jour ? 
Bien que nous aimons cet album, nous avons sans doute de meilleures choses à faire que réenregistrer The Sentinel. Cet album est comme il est et je pense qu’il serait contre-productif de le retravailler, d’autant qu’il en existe une bonne version live sur The Blinding Darkness. Une idée serait d’en faire une comédie musicale comme « Mamma Mia » ou « We Will Rock You ». Néanmoins, il semble que Kylie Minogue ne soit actuellement pas disponible pour jouer le rôle de « The Girl », bien que Peter O’Toole soit fortement pressenti pour celui de « The Sentinel ».

Quel est l’avenir du projet NEO ?
Je ne suis pas certain d’être honnête. Nous en avons discuté, mais d’autres projets avec nos groupes respectifs nous ont occupés jusque-là. NEO va probablement ressurgir à un moment donné, mais je ne saurais te dire quand. Ce sera peut-être sous une formation légèrement différente, plus large. NEO a été pensé pour être un projet flexible, les membres arrivent et repartent en fonction de leur humeur ou de leur disponibilité. Le but ultime est que tous les musiciens de prog britannique soient membres de NEO, les groupes ne seraient alors finalement que des variations du projet ! Nous aurons besoin d’une sacrément grosse scène lorsque nous serons tous réunis. (rires)

Quelques questions à propos du DVD à présent. De nombreux groupes de prog comme Jadis, Arena, Landmarq, Pendragon, Galahad, etc., ont produit leurs DVD avec Metal Mind Productions. C’est aussi le cas pour Moment to Moment. Comment cela s’est-il concrétisé ? 
C’est principalement en raison de leur façon de travailler. Ils ont développé un système dans lequel plusieurs groupes sont réunis sur une même affiche pour un concert dans un lieu de taille raisonnable. Vous avez ainsi plusieurs vidéos pour le prix d’une seule ! C’est attractif parce que tu disposes d’un résultat très professionnel pour un budget relativement faible. Pour être honnête, nous ne voulions pas absolument réaliser de DVD, car nous étions déjà très satisfaits avec le précédent, The Blinding Darkness, mais nous avons eu l’opportunité de jouer en Pologne et sommes très contents du résultat final. 

Trois DVD de Pallas sont sortis les cinq dernières années. Selon vous, quelles sont les principales différences entre The Blinding Darkness et Moment to Moment ?
C’est essentiellement une question de présentation, mais nous avons évidemment fait en sorte que ces deux DVD soient musicalement différents. The Blinding Darkness se concentre sur The Cross and the Crucible et correspond à la tournée de l’époque. Il y a aussi une version de « The Atlantis Suite » que nous voulions mettre à la retraite. Moment to Moment est orienté sur l’album le plus récent, The Dreams of Men, mais revient également sur certaines des plus anciennes réalisations du groupe de l’époque Arrive Alive. « Heart Attack » et « Queen of the Deep » ont rarement été joués depuis que j’ai rejoint le groupe. Il s’agit aussi d’une production plus chère, avec des plans plus larges et un spectacle plus ambitieux en termes d’éclairage. Les deux DVD se complètent plutôt qu’ils ne se font concurrence.

Ces reprises de votre ancien répertoire correspondent-elles à une façon de « mettre à jour » les anciens titres que vous jouez sur Moment to Moment ainsi que sur The Blinding Darkness, pour les présenter aux nouveaux fans sous leur meilleur jour ? 
En partie. C’est aussi parce que nous avions envie de les jouer, pour changer un peu. Nous avons fait quelques concerts avec notre chanteur original, Euan Lowson ; j’ai interprété les titres récents et lui s’est chargé de chanter les titres de l’époque où il était dans le groupe. Nous espérions que Euan pourrait se joindre à nous en Pologne pour enregistrer le DVD, mais il n’a pas pu. Etonnamment, les anciens titres se sont très bien mêlés aux nouveaux. Nous avons pris un grand plaisir à les jouer.

Travaillez-vous actuellement sur de nouveaux titres ? Quand pouvons-nous espérer entendre un nouvel album de Pallas ?
Nous y travaillons et tôt ou tard, il y aura un nouveau Pallas. Mais j’imagine qu’on peut déjà le télécharger sur un site de torrent. (rires) Je ne peux te donner de délai. Il y a eu quelques problèmes et nous courons après le temps. C’est incroyable comme il est difficile de trouver un orchestre symphonique en Ecosse du Nord. Et obtenir des visas pour les percussionnistes congolais est un autre challenge !

Un dernier mot pour les lecteurs de Progressia ?
Antidisestablishmentarianism

Propos recueillis par Jean-Philippe Haas

site web : http://www.pallas-uk.com

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