NEARfest - NEARfest 2005

Sorti le: 19/06/2008

Par Jean-Philippe Haas

Label: Nearfest Records

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Les festivals de musiques progressives ne sont pas réputés pour leur longévité. Le North East Art Rock Festival (NEARfest), qui se tient chaque année à Bethlehem, Pennsylvanie, fait donc figure de vétéran avec dix ans au compteur, égalant feu le Progfest de Los Angeles dont la dernière édition a eu lieu en 2000. Parallèlement, NEARfest Records propose depuis quelques années les enregistrements de certains des concerts. Le DVD NEARfest 2005 constitue la première trace vidéographique capturée à la Mecque du prog’. Destiné avant tout aux amateurs de progressif classique, peu enclins à mouvoir leur corps ou à pratiquer le slam, le festival prend possession du Zoellner Arts Center, un théâtre propice au recueillement quasi-religieux qui habite les quadra et autres quinquagénaires venus admirer leurs artistes favoris.

Et l’affiche 2005 est alléchante. Le Orme vient compléter fort logiquement le tableau du progressif symphonique italien déjà ébauché par Banco et PFM lors de précédentes éditions, en interprétant le classique « Felona e Sorona » avec classe et sobriété. Parmi les routards du prog’ présents, on compte aussi les Japonais de Kenso. Leur fusion jazz-rock dominée par des rythmes syncopés et des claviers sautillants apporte une touche non négligeable d’exubérance. Le Canterbury sauce RIO de The Muffins s’exprime quant à lui à travers un bel échantillon d’une carrière quelque peu diluée mais qui s’étend pourtant sur plus de trente ans. Les amateurs de saxophones apprécieront. Avec Present, on s’enfonce dans l’expérimental et l’obscurité. Littéralement possédés par la noirceur de leur effrayant « Promenade au fond d’un canal », les musiciens offrent au public un bel aperçu de la folie made in Belgium. Si l’adhésion au RIO quelque peu extrême du groupe de Roger Trigaux s’avère délicate, on ne peut rester indifférent à cette prestation hors du commun. Dans un style totalement différent, Frogg Café, grâce à trois titres judicieusement choisis, séduit par son incroyable richesse instrumentale et son brassage de tous les genres apparentés au jazz, du plus classique au plus aventureux. La famille du néo prog’ fait également très bonne figure : Knight Area, formation hollandaise encore assez confidentielle malgré la longue expérience de ses membres, et les britanniques de IQ (dont la prestation complète peut être retrouvée sur le DVD IQ Stage) défendent les couleurs de leur style sans surprise avec force conviction. Qu’en est-il de la jeunesse dans tout cela ? Si elle est largement minoritaire, elle est néanmoins représentée par le groupe norvégien Wobbler, même si « Imperial Winter White Dwarf » passe le plus clair de ses dix-huit minutes à honorer les années soixante-dix ! Une performance brillante mais plutôt statique, dans le plus pur style scandinave. En somme, la densité musicale de ce DVD ne diminue que très rarement mais il est tout de même possible de s’octroyer une petite pause avec le set acoustique de Matthew Parmenter. Aux antipodes de ce que propose son groupe Discipline, le multi-instrumentiste américain interprète seul à la guitare classique de courtes chansons folk, grimé, d’une voix pleine d’emphase qui évoque parfois celle de Jeff Buckley.

Aucune fioriture ni bonus ne vient agrémenter un DVD qui de toute manière se suffit à lui-même ses deux cents minutes de musique au compteur ! Un son stéréo tout à fait honorable dans l’ensemble, une mise en image honnête (qu’on aurait peut-être souhaitée plus fine sur certains des concerts) et un montage très classique suffisent largement pour apprécier les neuf groupes qui se succèdent à un rythme variant du quart d’heure à la demi-heure.

NEARfest 2005 est donc avant tout une belle initiation à l’univers des différents groupes présentés. Plutôt orienté vers des valeurs sûres, le festival s’ouvre néanmoins à des artistes et courants plus modernes. L’affiche de la dixième édition semble confirmer cette orientation nécessaire et salvatrice pour un courant musical dont le credo doit rester le mouvement.