Anekdoten

21/05/2008

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Par Djul

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CONCERT : ANEKDOTEN

  Lieu : Les Lilas, Le Triton
Date : 13 mai 2008
Photos : Fabrice Journo et http://www.en-live.org pour Bordeaux

Neuf ans d’attente pour revoir Anekdoten à Paris ! Un concert aussi magnifique que monolithique, dans l’antre du Triton, reconverti pour une fois en temple du progressif old school ! Cette date du mois de mai fut également l’occasion d’étrenner le tout neuf A Time of Day en public.

Set-list : Monolith – From Within – The Old Man and the Sea – In for a Ride – A Sky About To Rain / Every Step I Take – Harvest – Kiss of Life – 30 Pieces – The Great Unknown – King Oblivion – Ricochet – Nucleus – Sad Rain
Rappel : Book of Hours – Gravity – Groundbound

Avant de parler d’Anekdoten, comment ne pas évoquer la première partie du concert bordelais du groupe, qui a eu lieu le 15 mai dans la charmante salle du Satin Doll, assurée par les jeunes Bordelais de Mémoires de l’Oeil ? Les Mémoires de l’Oeil est une formation composée de Nicolas Gardrat à la guitare classique et aux compositions et Flavie Moury au violon. Duo acoustique, certes, mais doué d’une puissance évocatrice indéniable ! La musique des Mémoires de l’œil évoque tour à tour le klezmer de John Zorn, les musiques expérimentales à la Secret Chief 3 ou Sleepytime Gorilla Museum et le Rock In Opposition. Les rythmiques complexes à la guitare servent de marche pied, si l’on peut dire ainsi, à des thèmes quasi traditionnels au violon, d’une beauté somptueuse. Cela n’empêche pas Nicolas Gardrat de jouer avec l’eau et le feu, alternant les passages d’un calme sournois avec des parties plus musclées, et de développer une sonorité tout à fait originale avec son style de jeu au médiator. Composée principalement de pièces chiffrées (de « II » à « VI »), le sommet de ce concert de cinquante minutes fut « Tuhaz » dans lequel Nicolas Gardrat lance un clin d’œil à « Larks’ Tongues In Aspic part. 2 » puis le retravaille à la manière de Sleepytime Gorilla Museum. Les deux jeunes gens ont reçu des applaudissements bien mérités et l’on attend avec impatience la sortie de leur EP !

C’était donc en 1999 qu’Anekdoten avait pour la dernière fois foulé le sol parisien, à l’occasion de la sortie de From Within. Neuf ans et deux albums plus tard, il aura fallu l’heureuse initiative du Triton pour que la brève tournée européenne du groupe fasse un détour par la capitale. Une initiative d’autant plus appréciée que le Triton a sans doute tordu un peu le coup à sa programmation aventureuse qui tranche avec les plus traditionnelles références progressives des Suédois : merci à l’institution des Lilas, et espérons que le quota annuel de Mellotron autorisé par la salle, sans doute explosé en un soir, n’empêchera pas d’autres soirées à forte connotation « progressive vieille école » !

En guise d’introduction, le public, assez nombreux, eut droit en avant-première au prochain et prometteur album de One Shot (Dark Shot, qui, contracté avec le nom du précédent album donne… Dark Vader !). C’est dans cette ambiance décontractée que les musiciens arrivent tour à tour, avec une mention spéciale pour Peter Nordins (batterie) et un magnifique tee-shirt « I Love Paris », dont le mauvais goût était contrebalancé par un pendentif Magma tout à fait adapté au lieu et au public ! C’est ainsi que débutèrent près de deux heures trente de musique aussi magnifique que monolithique. On aurait dû s’en douter, puisque c’est justement « Monolith » qui ouvre le bal. Tous les ingrédients typiques du son d’Anekdoten sont déjà là : la basse ronflante et saturée de Jan-Erik Liljestrom, le chant fragile (et parfois faux !) de Nicklas Barker et les strates de Mellotron d’Ana Sofi Dahlberg (parfaitement audibles, contrairement à ce que l’on aurait pu craindre). Un mélange détonnant qui a fait penser à certains que la sonorisation était un peu défaillante : que nenni, le groupe sonne effectivement comme cela sur album !

Le concert souffle le chaud et le froid, souvent au sein d’un même titre, comme le magnifique « From Within », partagé entre les pulsations rythmiques de Peter et les macabres mélodies délivrées au Mellotron par une Ana Sofi littéralement prostrée sur son instrument d’un autre âge. Cette derrière empoignera à plusieurs reprises son violoncelle, comme pour « The Old Man and the Sea », sur lequel Jan-Erik débutera ses parties de chant, plus hautes et souvent plus justes que celles de Nicklas. Quelques morceaux plus « gais » détonnent dans le répertoire de la soirée, comme ce « In For A Ride » et son passage psychédélique excellemment rendu ou le doux-amer « A Sky About to Rain » et sa coda « Every Step I Take » sur fond d’éclairage épileptique. D’une manière générale, on se rend clairement compte que sur A Time of Day, le groupe aborde des ambiances moins sombres, même si le rendu est parfois décevant (« King Oblivion »). Ce qui n’est pas le cas de l’une des « pièces » maîtresses de ce dernier album, « 30 Pieces », réarrangé avec une ligne de piano sur le refrain en lieu et place de la flûte de la version studio.

Ce sont surtout la complexité et la hargne qui prédomineront durant cette soirée. On pense en particulier aux plus anciens titres que sont « Harvest » ou encore « Nucleus », sur lesquels l’héritage de King Crimson (il fallait bien finir par la citer, cette influence !) se fait encore sentir. Quant à la hargne, elle est souvent employée pour sa force émotionnelle, comme sur « Kiss of Life » sur lequel Peter matraque son Charleston ou « Ricochet », chanté par un Jan Erik transcendé. Pour réunir ces deux caractéristiques du groupe, pourquoi ne pas terminer la soirée sur un « Sad Rain » au final instrumental époustouflant et qui nouera la gorge à plus d’un tant il évoque la tristesse ?

Ce sont trois rappels dont sera gratifié le public, après une photo souvenir prise par Jan Erik depuis la scène. Première surprise : alors que l’on n’attendait plus ce qui reste pourtant l’un des morceaux phares d’Anekdoten, Nicklas entame le célèbre arpège de guitare cristallin de « Book of Hours ». Suit un long passage rythmique déglingué et hypnotique menant à un refrain chantonné et gorgé de Mellotron. Nous aurons droit à un autre moment inattendu, en la forme d’une longue improvisation « cosmique » sur la fin de « Gravity », qui s’étire comme s’il ne voulait plus finir, avant que « Groundbound » et son rythme martial ne clôt les débats.

Ce 13 mai fut donc l’occasion pour beaucoup de voir ou revoir enfin une formation culte sur scène. S’il ne fait aucun doute que le son d’Anekdoten est pour le moins typé voire uniforme et qu’il peut lasser, tous les amateurs présents ne leur en auront probablement pas tenu rigueur, tant le groupe a donné de sa personne en l’espace d’une soirée, qui restera dans les annales. Merci encore au Triton pour cette programmation « trop » prog, en en espérant bien d’autres !

Djul
Jean-Daniel Kleisl pour Bordeaux

site web : http://www.anekdoten.se

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