ENTRETIEN : EQUUS

  Origine : Suisse
Style : prog / post rock instrumental
Formé en : 2006
Composition :
Alex Müller Ramirez – guitare, synthétiseurs, percussions
David Mamie – basse, mellotron, Rhodes, synthétiseurs, percussions
Eduardo Garcia – guitare
Bernard Widmer – batterie
Album : Eutheria (2008)

Equus est un nouveau venu sur la scène rock genevoise, bien que ses membres ne soient de loin pas des novices ! Avec Eutheria, les Genevois marquent un essai des plus réussis avec une musique sombre et difficile d’accès. Nous avons pu discuter à bâtons rompus avec un Alex Müller Ramirez des plus ouverts juste avant leur concert dans la Sibérie de la Suisse, la Chaux-du-Milieu.

Progressia : Alex, peux-tu présenter le groupe à nos lecteurs ?
Alex Müller Ramirez : Cela fait environ deux ans que nous avons commencé dans une nouvelle formation. En fait, il y avait juste moi et Bernard le batteur avec lequel j’avais beaucoup joué il y a quelques années (NdlR : c’était à la fin des années 1990 avec le groupe indie Swoan). On jouait juste pour la détente. Nous avons cherché un autre guitariste et c’est Eduardo qui nous a rejoints. Ensuite, ce fut le tour du bassiste et j’ai appelé David qui est un vieux copain (NdlR : et qui jouait également dans Swoan. Le monde est petit, surtout en Suisse). Depuis ces débuts officiels il y a dix-huit moins, les choses « sérieuses » ont commencé.

Vous venez d’horizons très différents (Chapter, Impure Wilhelmina, Brakhage, Swoan, etc.), comment avez-vous trouvé votre style ? L’avez-vous cherché ?
Oui, un peu. Avec Bernard, nous jouions sans vraiment nous poser de question, cela a changer depuis que David nous a rejoints. Lui et moi avons l’habitude de travailler ensemble de façon structurée, nous n’aimons pas aller au hasard. Nous avons réfléchi sur la définition du projet, sur ce que nous voulions faire et cadrer tout cela : le résultat est sur l’album.

D’où vient ce nom d’Equus ? Etes-vous des amateurs de cheval ?
Non pas vraiment (rires) ! Il y avait quelques critères quant au choix, par exemple, ne pas avoir un nom anglophone, ne pas donner dans l’évidence, être assez mystérieux. Nous n’avons pas vraiment d’affinités particulières avec le cheval. Nous voulions éviter de donner des pistes trop claires. J’ai lancé une série de propositions – nous étions sous le coup d’ une échéance – et le groupe a choisi Equus !

A présent la question inévitable : quelles sont vos influences ?
Elles sont assez larges ! Cela va de groupes assez évidents, classiques du genre Pink Floyd ou King Crimson à d’autres plus actuels comme Earth. C’est toujours assez difficile de décrire des influences liées à des formations actuelles. Nous n’avons pas voulu coller spécifiquement à un genre ou à un groupe précis. Nous avons un peu tâtonné avant de trouver notre voie.

Néanmoins, l’influence de Shora période Malval est indéniable, ne penses-tu pas ?
Oui, c’est vrai ! Nous avons beaucoup écouté cet album effectivement et ce sont également des amis. Nous avons pour ainsi dire une culture commune. Par ailleurs, David joue avec eux depuis quelque temps, en remplacement de Vincent de Roguin.

Ecoutes-tu encore du post rock dans le style de Mogwai ou Godspeed ?
Plus tellement actuellement, ça doit même faire un bail ! Nous avons même fait la première partie de Mogwai en 1997 à Genève avec David. C’était au cours de la période Swoan. Toute notre jeunesse (rires) !

Ce qui frappe dans Eutheria, c’est l’utilisation de sons de mellotron et de claviers typés seventies. D’où vient cette idée ?
Nous n’avions jamais osé faire le pas jusqu’à présent, même si on adore ces sons ! Et là, nous avons vraiment voulu concrétiser cette envie et nous nous sommes complètement laissé aller. Nous sommes bien partis pour continuer dans cette voie !

Suit un court passage de David et un petit intermède inaudible sur notre enregistrement audio. Cela concerne Shora. Impossible de vous en dire plus pour l’instant. Dans quelques mois, peut-être…

Est-ce le son d’un véritable mellotron que vous utilisez ? S’il s’agit de samples, ils sont méconnaissables !
Ce n’est malheureusement pas le cas : David en possède bien un mais il a quelques problèmes qui sont assez coûteux à résoudre. (NdlR : un mellotron qui n’a pas de problème n’est pas un mellotron). Pour l’enregistrement de l’album, nous avons utilisé des plug-in que nous avons ensuite passés dans les amplis, et pas directement dans la boîte de mixage. Cela nous a permis d’obtenir un son très chaleureux.

En parlant de mellotron, je pense qu’il y a quelques points communs entre la musique d’Equus et la vague dark prog qui a secoué la Suède dans les années 1990 (Änglagård, Landberk, Anekdoten, Morte Macabre). Connais-tu ce mouvement ?
A part Anekdoten, je n’en connaissais aucun avant la sortie de notre album. J’aimerais beaucoup faire venir Anekdoten à l’Usine (Genève). J’espère que cela pourra se concrétiser. J’ai découvert Morte Macabre par l’entremise du forum de Progressia (NdlR : un peu de pub ne fait jamais de mal !). C’est vraiment intéressant dans le genre !

Parlons un peu de l’album. Est-ce un concept-album ?
Musicalement, oui. Il s’agit d’un seul et unique morceau subdivisé en trois parties. Nous avons commencé par une pièce qui s’est peu à peu allongée jusqu’à faire soixante-sept minutes ! On n’imaginait pas que l’album se développerait ainsi lorsqu’on est entré en studio. Cela nous a vraiment surpris !

Thierry van Osselt vous a laissé faire ?
Oui, totalement ! Il n’a pas de rôle de producteur dans le sens où il ne donne pas de direction artistique. En revanche, son importance au niveau du son est capitale. Il nous a aidés lorsque nous nous sentions dans une impasse et nous a proposé l’une ou l’autre idée comme par exemple cette minute de silence au début du disque qui est en fait un son repris d’une autre partie du morceau. Il revient à plusieurs reprises par la suite.

Pourquoi avoir choisi de tels titres pour les parties de l’album, ainsi que le nom même de celui-ci ?
Le placentaire (Eutheria, le titre de l’album), nous intéressait comme concept dans la mesure où c’est notre premier disque : cela marque en quelque sorte le commencement, le placenta, si tu préfères. Cela nous semblait cohérent. C’est pareil pour les titres des morceaux ; il y a un rapport entre ce concept de commencement et celui existant entre l’homme et la nature : premier cheval, premier homme et enfin la déesse des cavaliers qui associe ces aspects très biologiques avec une part d’ésotérisme. Pour le reste, c’est à l’auditeur de se faire sa propre interprétation. On a privilégié une forme d’abstraction, à l’image de la pochette ou des titres assez obscurs.

Comment avez-vous pu vous assurer les services de Bob Weston (membre de Shellac) au mixage ?
C’est un hasard. Nous étions au dernier concert de Shellac à Genève, juste devant la scène et comme toujours, les membres du groupe discutent avec le public avant de commencer à jouer. Nous avons demandé à Bob s’il était intéressé pour masteriser le disque. Par la suite, nous nous sommes renseignés sur le site qu’il nous avait indiqué. Comme les coûts entraient dans notre budget, nous avons pu collaborer. Ensuite, Get A Life ! Records, le label d’Yverdon, s’est montré très intéressé à sortir notre album.

N’est-ce pas risqué de sortir un CD à l’heure actuelle, surtout lorsqu’il fait soixante-sept minutes ?
(rires) Surtout qu’on a un problème assez cocasse car on ne sait pas comment vendre notre album en format dématérialisé ! Comme nous n’avons que trois morceaux, nous sommes face à une situation kafkaïenne qui nous fait bien rire. (NdlR : à un euro le morceau, on vous laisse imaginer le prix de l’album). Nous ne sommes pas là pour gagner de l’argent mais il est clair que cela complique la situation pour le label. En plus, nous ne pouvons pas vraiment sortir Eutheria en vinyl, cela nous obligerait à en faire un double et à couper la première partie en deux. Pour le prochain album, nous pensons à quelque chose de plus concis. Nous ne vivons pas de notre musique et ne pensons pas que cela sera possible à l’avenir. Nous avons tous des situations assez différentes à ce niveau. Nous espérons juste que le label rentrera dans ses frais.

A ce propos, que penses-tu de la crise actuelle de l’industrie du disque ?
La plupart des labels sont en difficulté actuellement, y compris le nôtre. Des labels indépendants comme Gentlemen Records ont dû réduire leurs activités ou se réorienter vers l’organisation de concerts. C’est un peu le seul moyen qui permet de dégager quelques revenus. La plupart des groupes essaient d’en faire par ce biais-là, mais c’est difficile. Les salles sont bookées des mois à l’avance mais c’est le moyen principal des groupes pour se faire connaître, avant les ventes de CD qui ont bien chuté. Avant, (c’est mon impression), les groupes se créaient en studio au travers d’albums très sophistiqués, hyper bien produits avec des coûts faramineux, mais on ne retrouvait pas cela sur scène. Cette tendance est terminée, il me semble.

En concert, proposez-vous des surprises par rapport à l’album ? Votre petite tournée française cet été est-elle toujours d’actualité ?
Justement, nous ne savons pas encore ! Nous voyons avec les salles actuellement car, pour des raisons financières, Crime in Choir a annulé la tournée française pour laquelle nous devions ouvrir. Nous maintenons nos dates pour l’instant. En ce qui concerne les surprises en concert, il n’y en aura pas vraiment car la musique est assez complexe à jouer et il est difficile d’y ajouter des parties improvisées. En plus, David doit jouer les parties de clavier au pied et nous avons vraiment un manque à ce niveau. Il nous faudrait un claviériste que nous n’avons pas encore trouvé !

Un dernier mot pour les lecteurs de Progressia ?
Un grand merci pour votre soutien. En plus, j’ai appris plein de trucs sur votre forum, à commencer par découvrir Morte Macabre !

Propos recueillis par Jean-Daniel Kleisl
Photos de Chistophe Gigon et Jean-Daniel Kleisl

site web : http://www.myspace.com/eqsmusic

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