Art Zoyd - La chute de la maison Usher

Sorti le: 18/04/2008

Par Jean-Philippe Haas

Label: In-Possible Records / Orkhestra

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Avec La chute de la maison Usher, Art Zoyd poursuit la mise en musique de grands films du cinéma muet, après notamment Nosferatu et Metropolis. Le film de Jean Epstein, datant de 1928, reprend les grandes lignes de la nouvelle de Poe, tout en modifiant certains éléments pour renforcer visuellement l’intensité dramatique. La démarche d’Art Zoyd est sensiblement différente de celle mise en œuvre pour ses précédentes bandes-son. Il s’agit ici de traduire, d’accompagner une réalisation très esthétisante, aux nombreux effets spéciaux, presque impressionniste, d’induire des sensations, des émotions, et moins d’accompagner simplement des péripéties, d’illustrer des actions ou des personnages.

L’atmosphère gothique, irréelle, qui habite les lieux, la folie sous-jacente, les expressions terrifiées ou impénétrables des Usher, le voile fantastique qui drape chaque scène, tout cela est retranscrit par des thèmes presque purement synthétiques où l’échantillonneur et le Theremin sont les maîtres. Les pads et percussions électroniques traduisent le bruissement inquiétant, surnaturel de la nature environnante, les grincements et crissements de la demeure Usher, et ponctuent les moments de tensions, renforcent l’atmosphère oppressante. Fulgurances et ambiances étouffantes (« Le manoir »), thèmes répétitifs tendus (« Orée », « Marche au cercueil »), parcourus de chocs nerveux, (« Le tableau vivant », « Cérémonie »), parfois implacablement solennels (« L’appel de la nuit »), râles et chuchotements à l’humanité incertaine (« Le retour de Madeline »), voix fantomatiques transpercées d’aiguillons sonores (« Cérémonie »), La chute de la maison Usher constitue une expérience audio-visuelle qui nécessite une grande faculté d’immersion.

La pièce a été présentée pour la première fois le 8 février 2008 à l’Auditorium du Louvre. Sortie du contexte d’une représentation, le disque se retrouve orphelin, et perd de son pouvoir de suggestion. Le film étant lui-même difficile à trouver, l’appréciation de cette œuvre sera réservée à une poignée d’amateurs. Considérant qu’elle suit précisément le découpage scénique du film, il ne semble pas pertinent, voire inintéressant, de l’écouter sans son support vidéo. Dès lors, l’évaluation d’une telle œuvre induit une condition sine qua non : l’auditeur doit être aussi spectateur.