Virgin Black - Requiem-Fortissimo

Sorti le: 31/01/2008

Par Christophe Manhès

Label: The End Records

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Qui pourrait en vouloir à un groupe de chercher à se distinguer ? La musique à besoin pour évoluer d’artistes capables de défricher de nouvelles voies, pourvu que ce soit avec talent et que ce ne soit pas l’unique objectif à faire valoir. Sans se tromper, on peut inscrire les Australiens de Virgin Black dans la lignée des esthètes conquérants. Mêlant l’inspiration gothique et symphonique à la force pachydermique du doom, ces forbans ont accouché d’un nouveau genre, le doom opera. Aujourd’hui reconnus pour ses faits d’armes et ses succès critiques, le groupe s’est lancé dans une ambitieuse trilogie en trois parties nommée Requiem. Après que The End Records ait décidé de sortir directement et bizarrement l’opus 2 en 2007, Requiem – Mezzo Forte, voilà qu’en cette nouvelle année sort l’opus 3 : Requiem-Fortissimo.

L’œuvre précédente, Mezzo Forte, était moins équivoque en assumant sans complexe sa mégalomanie franchement plus baroque que metal. Mais la nouvelle formule retenue par Virgin Black pour Fortissimo désoriente en même temps qu’elle colle bien mieux à l’idée que l’on peut se faire d’un opéra doom. À ce titre, l’album pourrait bien représenter pour Virgin Black son avenir artistique tant le mariage entre la puissance apathique de son metal et l’aspect gothico-dépressif de ses enluminures révèle une indéniable homogénéité; donc, un vrai style. Seulement si la recette a des atouts, elle est desservie par une mise au point imparfaite. C’est que dans l’alambic s’entrechoquent autant de bonnes idées que de mauvaises applications, autant de décors à l’éclat grandiose que d’ornementations franchement cheap. A vouloir avancer à chaque album dans une direction différente, le groupe se laisse peut d’occasions pour peaufiner complètement l’une d’entre elles.

Le premier titre, « The Fragile Breath », est une excellente introduction. C’est un des sommets de l’album qui nous donne une idée précise de ses qualités comme de ses faiblesses. Démarrant par un énorme et bref roulement de tonner joué à la batterie, il remplit l’espace par un riff bien épais et tonitruant, digne géniture de Black Sabbath, et très vite combiné avec le chant — ou plutôt la déclamation — définitivement death et uniforme de Rowan London. Majestueux, le titre concrétise le potentiel émotif et dramatique de cette musique. Pourtant, la sauce ne prend pas complètement. La faute en incombe en partie à la production qui donne aux claviers une place horriblement étriquée et dévalorise la voix, cette fois sans éclat, de Samantha Escarbe. Qu’est donc devenu le délicat et brillant gosier de la belle ? Les titres suivants, s’ils possèdent parfois le même talent (« In Winters Ash », le superbe final de « Darkness ») en ont aussi les mêmes défauts. La faute également à la couleur générale du disque, bien trop monotone et trop rarement contrasté, ce qui n’aide pas au maintien de l’attention de l’auditeur qui décroche sans pouvoir apprécier toutes les subtiles variations des compos.

C’est évident, Virgin Black veut bien faire et l’on pressent qu’avec Fortissimo le groupe était prêt à produire une œuvre indiscutablement originale et d’une dimension peu commune. Mais si l’album commence par nous intéresser, il finit aussi par nous ennuyer ! Le groupe ayant annoncé une œuvre exclusivement orchestrale de près de deux heures et demie pour concrétiser l’opus 1, l’inédit Pianissimo, le prochain album n’apportera pas la maturité à laquelle Fortissimo aurait dû les engager afin d’accoucher d’un authentique et magnifique doom opera. Il ne nous reste donc plus qu’à espérer qu’une fois tous leurs fantasmes musicaux assouvis, nos Australiens prennent enfin le temps d’aboutir à un matériau plus achevé.