Pienza Ethnorkestra - Indiens d'Europe

Sorti le: 23/01/2008

Par Fanny Layani

Label: Soleil Zeuhl

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Encore un OMNI (Objet Musical Non Identifié) ! Voilà en effet le terme pour qualifier Indiens d’Europe, le dernier album de Pienza Ethnorkestra, formation pour le moins atypique. En 2004, le vielleux Thierry Bruneau et le batteur Daniel Jeand’heur (One Shot, Snake Oil, etc.) enregistrent un disque singulier, en duo. Ce premier essai est diffusé sous le beau nom de Pienza (faut-il y voir une allusion à la petite ville italienne du même nom ?). Quelques mois plus tard, ce titre devient le nom d’un groupe. S’y adjoignent un étrange substantif, « Ethnorkestra » et un musicien supplémentaire, James McGaw. Ce dernier, qui officie d’ordinaire à la guitare (Magma, One Shot, etc.), tient ici la basse, et la surprise est heureuse (même si l’influence « zeuhl » se fait parfois sentir, comme sur « Gengis Khan / La steppe »).

Tout, dans ce disque, est à la fois obscur et d’une évidente clarté. La formule « Ethnorkestra », tout d’abord. Etrange à première vue, le terme se révèle plein de sens à l’écoute du disque, qui fait la part belle à un répertoire traditionnel d’Europe centrale (trois des cinq titres, les deux autres étant des compositions), entièrement revu et corrigé par des musiciens à l’approche à la fois rock, jazz, fusion, et tant d’autres choses encore. Le titre, ensuite, ce paradoxal Indiens d’Europe. Associant énergie purement tribale, répertoire européen et l’instrument roi des musiques folkloriques françaises, Pienza donne sans aucun doute tout son sens à ce titre. A moins qu’il ne s’agisse de l’autre Inde, la vraie, et non celle de l’erreur de Colomb ? Laissons planer le doute.

Tout au long de ces cinq titres, enregistrés live en 2005, on assiste à une explosion de rythmes et de couleurs. L’entrée en matière, « Ali lennti » plante le décor : la vielle à roue est survitaminée, la basse gronde et vocifère à souhait mais reste toujours d’une grande mobilité, et la batterie ne cesse de rebondir, maniant les polyrythmies avec une aisance confondante, filant toujours plus loin, toujours plus vite. L’équilibre du trio est incontestable : les trois instruments se poursuivent et s’entremêlent dans un mouvement constant, mais jamais l’un d’entre eux n’écrase les autres, et lorsque l’un des trois larrons prend le chorus, les deux autres veillent, assurant une rythmique évolutive et poussant le soliste dans ses derniers retranchements (« Comme des oiseaux »).

Le goût de l’extrême est manifeste, et la démarche sans compromission. Ces trois-là font manifestement la musique qu’ils aiment, et leur plaisir est palpable, dans l’énergie et l’ardeur mises au service de chaque note. La virtuosité est certaine, mais elle n’est jamais un argument, et les grandes envolées retombent, parfois miraculeusement, toujours sur leurs pieds, pour mieux rebondir vers autre chose. La vielle à roue assume, comme c’est souvent le cas dans ce type de formation, un rôle comparable à celui d’une guitare, entre rythmique et phrasés solistes, développant une gamme de sons allant du plus clair à une saturation grasse que ne renieraient pas certains groupes de metal.

Si l’ensemble peut paraître un peu bricolo au premier abord (pochette au travail graphique minimal, conditions de prise de son que l’on aurait sans doute rêvées meilleures), l’essentiel se trouve bel et bien dans la musique. Et à ce sujet, il devient difficile de trouver quoi que ce soit à redire. L’ensemble est d’une grande spontanéité, profondément énergique et d’une qualité instrumentale et musicale qui ne se dément jamais. De plus, Pienza démontre, à l’instar d’un Familha Artus ou dans une moindre mesure d’un Zaar, que la vielle à roue n’est pas seulement l’instrument désuet qui faisait danser nos arrières grand-mères dans les bals de campagne, mais qu’utilisée avec inventivité dans le rock et les musiques nouvelles, elle offre un panel de jeu et de sons qui mérite grandement d’être exploré plus avant !