Time of Orchids - Namesake Caution

Sorti le: 10/01/2008

Par Djul

Label: Cuneiform Records / Orkhestra

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Qu’il est difficile d’aborder le nouvel album d’une formation que l’on a considéré comme « Espoir de l’année 2005 », lorsque celui-ci vous prend à rebrousse-poil ! Pourtant, vu à quel point Time of Orchids aime la prise de risque et l’aventure, nous aurions dû nous en douter. Il n’empêche : l’amateur de Sarcast While, sorti sur Tzadik il y a deux ans, se trouvera sans doute une nouvelle fois désemparé à l’écoute de Namesake Caution.

Que reste-t-il donc de ces climats si sombres et de cette musique si « Lynchéenne » ? La difficulté d’approche et les compositions si abstraites bien sûr. Premier constat : le groupe s’est apaisé. A l’image des deux premiers titres, plus psychédéliques, les New-Yorkais s’amusent à changer les ambiances, du doux à l’amer, mais en faisant moins appel à leur facette la plus bruitiste. Pour se faire, les trois-quarts de la formation assurent le chant et les chœurs, sur un rythme qui s’est clairement ralenti et sur des formats plus courts qu’à l’accoutumée. Là où le groupe était si doué pour développer ses thèmes sur de longues minutes , il s’amuse désormais à en changer brusquement, et placer ça et là quelques passages lorgnant encore plus qu’auparavant vers le progressif (« Darling Abandon » par exemple, à la montée que n’aurait pas reniée Jon Anderson et sa bande ou encore « The Only Thing »). On sent également l’influence des musiques de films sur quelques arrangements, Ennio Morricone en tête (le début martial de « Meant »). Il reste également quelques moments barrés dignes de Mike Patton ou du plus jusqu’au-boutiste RIO (« Parade of Season » ou « Gem », gorgés de digressions électroniques et d’arpèges décalés). On retrouve aussi ces références empruntées au post-rock sur le final d’ « Entertainment Woes ». Un Time of Orchids à la fois différent et similaire.

Mais ce qui dérangera le plus dans ce disque, c’est qu’il n’est pas réellement possible de le « juger ». A l’instar de bien des œuvres contemporaines, on est confronté à une certaine forme d’indigence, voire de laideur (un chant et des arpèges parfois à la limite de la justesse, des sons de claviers analogiques bruts de décoffrage) si crues qu’elles en deviennent à la fois fragiles et belles. On ressort de l’écoute de cet album avec l’impression de devoir « souffrir » et d’encaisser certaines minutes pour être subjugué par les suivantes (« Crib Tinge to Callow »), luttant sans arrêt pour apprivoiser cet animal sauvage.

Un paradoxe qui montre bien à quel point on ne peut catégoriser ce groupe. Un disque presque indomptable, qui continue le grand écart entre le progressif et l’art-rock, au risque de se vautrer parfois dans le grotesque ou l’incompréhension, souvent dans le génie. Une énigme sonore où Yes, les Beach Boys et Mister Bungle ne sont que quelques maigres indices pour percer un mystère encore épais, et si bien illustré par cette pochette pixellisée et inquiétante.