– Montreux Prog Nights 2007

FESTIVAL : MONTREUX PROG NIGHTS 2007

  Lieu : NED Club, Montreux (Suisse)
Date : 16 et 17 novembre 2007
Photos : Claude Wacker

Seconde édition de ce festival romand dédié aux musiques progressives bien que l’association chapeautant celui-ci était l’instigatrice de nombreux concerts progressif à Montreux depuis 2006. Après le Progsol au mois d’octobre et ces Montreux Prog Nights ce mois-ci, les Helvètes sont choyés en matière de bonne musique. Dommage qu’ils ne s’en rendent pas compte car, une fois de plus, ce ne fut pas malheureusement pas l’affluence des grands jours dans cette salle pourtant idéale qu’est le NED Club au centre de Montreux, ville mythique s’il en est, dévolue à la musique. Le NED n’est pas l’Auditorium Stravinsky mais c’est une salle à l’esprit rock et à l’acoustique parfaite. Merci aux ingénieurs du son qui n’ont pas travaillé avec des moufles ! Chapeau bas !

Vendredi 16 novembre : premier soir

Dawn

Set-list : Dawn – Rain on the moon – The brook – Loneliness – The story of nobody – Dusk – Rappels: Watcher of the skies – Fifth of firth

Dawn eut donc la lourde responsabilité d’ouvrir le feu en interprétant l’intégralité de son premier album Loneliness (chronique à paraître prochainement sur notre site). Ce concert faisait office de vernissage officiel devant familles et amis des membres du groupe. Une salle donc bien remplie pour la formation helvète qui œuvre dans un progressif classique de bon goût bien qu’en rien novateur. Le son est tout simplement parfait. Et ce sera le lot de tous les groupes participant à ce festival. Enfin ! Le rock progressif est une musique qui, de par la finesse de ses multiples arrangements, ne saurait souffrir de la médiocrité d’une sonorisation amateure. Elle était d’une propreté et d’une précision à couper le souffle. Le public a ainsi pu pleinement profiter des sons bluffants de l’excellent claviériste Nicolas Gerber dont la maîtrise reste confondante. La section rythmique, constituée de Julien Vuataz à la basse (également organisateur de ce festival) et de Patrick Dufresne à la batterie est solide et rappelle les tandems heureux que forment Ian Mosley et Pete Trewavas (Marillion) ou Phil Collins et Mike Rutherford (Genesis). Le son est clair, puissant et riche. Le chant très limité de René Degoumois reste malheureusement en-deçà du niveau d’ensemble, qui est plutôt bon. Un « vrai » chanteur suffirait à faire entrer Dawn dans une catégorie supérieure.

La prestation de Dawn fut néanmoins très satisfaisante. Leur premier album fut exécuté intégralement et dans l’ordre. Il est évident que Genesis reste leur influence principale. Cela se ressent tant dans les sons que Nicolas Gerber sait tirer de ses multiples claviers autant que dans le jeu de guitare, parfois imprécis, de René Degoumois. Deux très longs morceaux (« The Brook » et « The Story of Nobody ») ont plongé l’auditoire en terrains progressifs connus. Comme Dawn est honnête et sait parfaitement ce qu’il doit à la formation de Tony Banks, deux morceaux mythiques de Genesis période Peter Gabriel furent interprétés avec un certain brio. A cet égard, il est important de souligner le mimétisme confondant qu’a réussi à imposer le claviériste, véritable sorcier des sons analogiques « vintage ». Malheureusement, là aussi, la performance vocale ne fut pas à la hauteur du reste. Dommage, car le potentiel de cette jeune formation est bel et bien là et ne demande qu’à exploser. Un moment bien agréable en somme pour entamer la soirée sous les meilleurs auspices.

Overhead

Set-list : Metaepitome – Kalevala – Warning: ending (without warning) – Point of view – Time can stay – Butterfly’s cry – Zumanthum – Biitles – Dawn – Rappels: 21st century schizoid man – In the court of the crimson king

Une claque monumentale. Son parfait, prestation de haute voltige, set-list à réveiller un amateur de Supertramp. Et deux rappels qui donnent l’escouade finale. Qu’espérer de plus ? Ce jeune groupe finlandais n’a que deux albums à son actif dans lesquels il puisera les titres qui seront exécutés le soir-même. Sans compter les deux magnifiques reprises de King Crimson qui ont achevé de mettre à genoux (littéralement pour certains !) les spectateurs qui sont restés après que les Vaudois venus écouter leur groupe local se sont éclipsés. Le chanteur (Alex Keskitalo), tel un diablotin sorti de sa boîte, est une véritable boule d’énergie au charisme étonnant. Fluet par sa stature mais imposant par sa présence scénique et sa voix grave qui fait passablement penser à James Hetfield (Metallica) ou Mike Patton (Faith no more, Fantômas et d’autres groupes plus obscurs). Le guitariste joue sur une Ibanez modèle Steve Vai. Ce qui pouvait faire craindre de longs moments de masturbation guitaristique de mauvais aloi. Ce ne fut heureusement pas le cas. Certes, Jaako Kettunen maîtrise son instrument, cela se voit et s’entend. Mais il nous épargnera toute démonstration stérile pour se focaliser sur la justesse du son, la propreté de la note et la cohérence du propos musical. Une fois encore, il faut souligner à quel point l’acoustique si propre de cette salle a fait honneur à la musique d’Overhead qui en a ainsi été magnifiée. L’expérience sonore d’un concert au NED Club est ainsi proche de celle que l’audiophile vit chez lui devant sa chaîne hi-fi haut-de-gamme, à fort volume.

La prestation d’Overhead a démarré très fort par l’exécution sans concessions du titre éponyme de leur dernier album paru chez MUSEA en 2005 déjà, « Metaepitome », long pourtant d’une vingtaine de minutes ! Un silence respectueux a petit à petit cédé la place à une perplexité mêlée de bonheur immense face à tant de beauté. Quelle grande musique que celle que crée Overhead et quel professionnalisme dans la manière de l’exécuter et de la reproduire dans le cadre confiné mais très « rock and roll » de cette salle d’ores et déjà mythique. Le reste du concert fut à l’avenant. Aucun temps mort ne fut à déplorer. D’ailleurs deux rappels n’auront pas suffi à rassasier le public clairsemé qui ne voulait plus rentrer ! Malheureusement, Overhead, épuisé, avait également épuisé son « stock » de titres disponibles et préparés. En effet, il ne saurait se contenter d’une exécution sommaire d’une vieille rengaine que le public chanterait en chœur, couvrant ainsi les imperfections du groupe. Overhead exige au moins le meilleur de lui-même. Preuves en furent les deux réinterprétations dantesques des deux morceaux-cultes du Roi cramoisi. Jamais l’adage selon lequel les absents ont tort ne fut si vrai.

Samedi 17 novembre : deuxième soir

Zenit

Set-list : Pavritti – Pi Greco – Ying & Yang – I Ching – Fragile – New1C – Devil’s Siesta – Surrender – Cathedral – CES – Rappel : Icarus

Pour cette deuxième soirée, le public fut encore moins nombreux, cinquante personnes à tout craquer. Force est de constater que ceux qui n’auront pas assisté à la prestation de Lazuli s’en mordront les doigts. Mais tout d’abord, venons-en au premier groupe qui ouvre la soirée, les Tessinois de Zenit. Ils auraient dû se produire aux Montreux Prog Nights l’année passée déjà, mais un accident survenu peu avant le festival au bassiste Andy Thommen les empêcha d’y participer. Ils bénéficient en quelque sorte d’une reprogrammation cette année. Fondé en 1999 sous l’égide de Ivo Bernasconi, Zenit regroupe quelques ex-membres des groupes de la scène neo prog suisse italienne des années 1980 et 1990, en particulier, Clepsydra, Shakary et Changes. Auteur de deux albums controversés ou qui ont du moins prêté le flan à la critique (Pavritti et Surrender, surtout le premier nommé d’ailleurs), Zenit est peut-être le genre de groupe qui parvient à se sublimer sur scène.

Peut-être. Evidemment, comme toujours au NED, le son est d’une pureté extraordinaire. Mais cela ne suffit parfois pas pour rendre un concert captivant. En fait, la trop grande multiplicité des genres ou des structures jouées par Zenit les desservent. On a souvent l’impression que les parties, axées sur du prog et du hard rock seventies, sont mises bout à bout sans vraiment de focale ou plutôt de liaisons intelligentes entre elles, ce qui rend l’écoute passablement éprouvante même si certains passages sont plus qu’intéressants ! Les musiciens sont tous compétents mais, malheureusement, rien ne sort du lot. Un concert que votre serviteur se pressera d’oublier.

Lazuli

Set-list : En avant doute… – Chansons nettes – Laisse courir – Une ombre au tableau – Film d’Aurore – Rien d’important – Un hiver – Mal de chien – Le repas de l’ogre – L’impasse – Capitaine Cœur de Miel (part II) – Un printemps – La valse à cent ans – Nous / Vous – L’arbre – Rappels : Amnésie – Merci / Cassiopée

Passons à la vitesse supérieure avec les Français du Sud de Lazuli, tête d’affiche de cette deuxième édition des Montreux Prog Nights avec Overhead. Formé en 1998 et auteur de trois albums qui ont été très remarqués et remarquables, Lazuli développe une musique riche qui évolue entre chanson française, prog et world music. Les sonorités de Lazuli sont uniques grâce à l’utilisation d’instruments originaux, en plus des traditionnelles guitares et batterie, comme le Chapman Stick, le marimba, le vibraphone, des percussions diverses ainsi que la Léode. Nul besoin de présenter encore une fois l’instrument développé par Claude Léonetti, suite à son terrible accident de moto, il est néanmoins une des forces – nombreuses – du groupe devenu un sextette depuis 2004, avec la participation de Gédéric Byar, guitariste pour le moins atypique et original dans son genre, assez proche d’un Adrian Belew par certains aspects.

Le concert débute sur les chapeaux de roue avec un « En avant doute… » des plus enlevés. Le groupe jouera d’ailleurs la majorité des titres de ce troisième album. Mentionnons particulièrement cette reprise très personnelle et réussie du « Capitaine Cœur de Miel » d’Ange, dûment applaudi par le public clairsemé. En fait, ce groupe présente une forme de chanson française particulièrement originale et évoluée. A ce titre la voix de Dominique Léonetti, leader charismatique, est toute à la fois étonnante, puissante et aérienne. Elle sert à merveille des textes intelligents et engagés, jouant avec les mots, un peu comme le fait un Christian Décamps. De plus, le pouvoir du groupe sur scène est littéralement envoûtant et la Léode de Claude, accrocheuse et tout à la fois éthérée, ensorcelle. Bref, une expérience à vivre. Le concert se termine par un rappel couronné par une véritable orgie autour des deux vibraphones présents sur la scène, chacun s’étant saisi de deux baguettes pour composer un air hypnotique !

Indéniablement, le choix des organisateurs des Montreux Prog Nights fut des plus intéressants, particulièrement celui des têtes d’affiche. Mais tout comme au Progsol, le public ne suit pas. Que faut-il faire ? De groupes comme Overhead et Lazuli méritent de toute évidence des audiences plus importantes ! On peut même se demander si Lazuli ne devrait pas sortir du circuit très restreint des festivals et concerts de rock progressif pour tâter d’autres types de scènes qui lui permettrait de toucher des publics plus divers. Quoiqu’il en soit, les Montreux Prog Nights donnent rendez-vous à l’année prochaine après l’organisation, toujours au NED, de la réadaptation de Atom Heart Mother qui aura sans nul doute un grand succès ! To be continued…

Christophe Gigon et Jean-Daniel Kleisl

site web : http://www.montreux-prog.net/

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