ENTRETIEN : TAT

  Origine : France
Style : dark folk numérologique
Premier album : 2005
Dernier album : Le Sperme de tous les métaux (2007)

Un véritable coup de cœur ! Le Sperme de tous les métaux nous a donné envie de découvrir davantage TAT. L’artiste lyonnais se complaît avec délectation et goût dans une érudition accessible, nous plonge dans un monde sophistiqué empreint de noirceurs et de douces effluves de soufre. TAT est un esthète, un dandy des temps modernes, un esprit cultivé et généreux qui sait s’ouvrir aux autres et partager. En voici la preuve !

Progressia : Si un mot devait résumer ton univers, ce serait « érudition ». Ton oeuvre est axée sur une culture alchimique et numérologique qui peuvent rebuter ceux qui ne te connaissent pas, sous-entendu : « encore un artiste qui privilégie le concept aux détriments de la musique ». Qu’en penses-tu ?
TAT :
J’évite tout de même une intellectualisation totale de la musique. La sensibilité a sa place dans le projet TAT, du moins je l’espère ! La faible proportion de musique electro, les parties de guitare classique et les différents chants apportent leur lot d’imprévu et de spontanéité. Mais il est certain que la thématique extra-musicale sur laquelle je m’appuie, l’alchimie et sa « mathématique musicale », est bien à l’origine du projet. Le concept et le son sont indissociables dans mon travail. Ces deux éléments sont simplement égaux et complémentaires.

Parle-nous de ta culture musicale et de tes influences. Comment interviennent-elles dans ton processus créatif ?
J’ai trois influences principales : la musique baroque et Renaissance avec compositeurs tels que Purcell, Bach, Dowland de par mon métier de professeur de guitare. Mon expérience dans Thork m’a apporté une forte influence progressive seventies avec King Crimson, Emerson Lake and Palmer, Yes, Robert Wyatt et Laurie Anderson. J’ai enfin récemment découvert la scène dark et indus avec des productions indépendantes comme Moon Far Away, Bak XIII et Brain Leisure pour l’electro.

Qu’aimes-tu et que détestes-tu dans la musique ?
Je ne déteste aucune musique. C’est plus vers le système de l’industrie musicale que je dirige mon mépris ! Quant à définir ce que j’aime… Comme beaucoup, j’aime ce qui me fait pleurer. Le chant intimiste de Robert Wyatt, la musique de Barrios pour guitare seule, mais aussi la magie et le charisme de certains thèmes traditionnels celtiques. J’aime aussi les musiques symphoniques, puissantes, sombres et mythiques telles que le requiem de Dvorak ou celui de Mozart, seule oeuvre que j’arrive pleinement à apprécier d’ailleurs chez ce compositeur. S’il existe effectivement une période de l’histoire de l’art à laquelle je n’adhère pas vraiment, c’est bien l’époque classique…

Ton dernier album, Le Sperme de tous les métaux, est ancré dans une vraie tradition progressive où la musique, le concept et les illustrations sont intimement liés. Que privilégies-tu au départ : le concept ou la musique ?
Comme je te le disais auparavant, ces deux éléments se confondent étroitement et aucun des deux n’est privilégié. Je les utilise simplement dans des phases différentes de la composition. Le concept est présent dès le début, avant même que la première note ne soit écrite. Il trace un cadre harmonique et structurel. Puis vient la musique. Au moment de l’enregistrement, et surtout quand le disque s’enrichit des participations des musiciens invités, de nombreuses idées imprévues émergent et s’échappent parfois même du concept.

Charles Baudelaire et Franz Schubert interviennent dans Le Sperme de tous les métaux, peux-tu justifier ces choix ?
Ce n’est pas vraiment Baudelaire que je voulais faire apparaître, mais cette « Alchimie de la douleur », poème magnifique qui décrit très bien l’échec, où du moins l’imperfection de mon travail. Quant à Schubert, la reprise vient tout simplement d’un coup de coeur d’«  Esclarmonde ». Ce titre a d’abord été interprété sur scène. Vu l’enthousiasme du public, nous avons décidé de l’ajouter sur l’album.

Ta musique allie à la fois le souci esthétique et la technique, mais aussi l’accessibilité. Est-elle une de tes motivations lorsque tu travailles ?
Je ne me pose pas autant de questions lorsque je compose. J’écris la musique que j’ai envie de jouer, et je la partage avec mes amis musiciens. Voilà la seule ambition de départ. Certains trouvent le projet vraiment inécoutable, souvent à cause de ma voix d’ailleurs, et d’autres nous encouragent vivement. TAT est la première aventure musicale que je mène sans penser à la façon dont la musique serait perçue par le public, et curieusement, c’est la première fois que mon travail trouve autant grâce auprès des gens.

Vis-tu de ta musique aujourd’hui ? Quel serait ton rêve le plus cher ?
Je vis de l’enseignement de la musique en conservatoire. Mon rêve le plus cher est simplement de continuer à partager ma passion avec mes élèves, de poursuivre et développer mes travaux de composition afin de satisfaire ma soif de création. Je suis aujourd’hui un homme heureux et je prie pour le rester !

Peux-tu donner cinq noms (musique, littérature, histoire) importants selon toi et justifier tes choix ?
Robert Wyatt, pour sa voix et l’émotion suscitée de Rock Bottom. Alfred Deller qui m’inspire avant tous les autres chanteurs dans « Music for a While » de Purcell. Vlad Tepès, pour ce qu’il représente dans mon imaginaire depuis mon adolescence. Philip K. Dick, pour Ubik, un bouquin incroyable. Enfin et surtout, Hermès Trismégiste pour sa Table d’émeraude qui n’est autre que ma première source d’inspiration.

On t’imagine d’aspect chevelu, avec trois kilos de charbon sous les yeux, vivant dans une cave voûtée et finalement, on rencontre Dorian Gray. Aucune question précise là-dessus mais une simple remarque, si elle t’évoque quelque chose…
Merci pour ce compliment ! C’est vrai que les gens sont souvent étonnés par le look général du groupe sur scène… Ils attendent ,comme tu le dis, un monstre sorti de sa crypte. Au lieu de ça, ils trouvent un petit guitariste en costume ! Le décalage est parfois amusant, surtout lorsque nous jouons dans des soirées gothiques.

Quelques mots pour les lecteurs de Progressia ?
Si vous avez aimé TAT, n’hésitez pas à écouter Thork, mon premier projet progressif, peut-être plus proche des musiques chroniquées habituellement par Progressia. N’hésitez pas à également vous pencher sur les groupes dans lesquels officie Samuel Maurin, mon acolyte de Thork : Nil, Syrinx et Floyd Legend !

Propos recueillis par Jérôme Walczak

site web : http://tat.darkfolk.free.fr

retour au sommaire