Riverside – Riverside

ENTRETIEN : RIVERSIDE

  Origine : Pologne
Style : rock progressif
Formé en : 2001
Composition :
Mariusz Duda – chant, basse, guitare acoustique
Piotr Grudzinski – guitares
Michal Lapaj – claviers
Piotr “Mitloff“ Kozieradzki – batterie
Discographie :
Voices In My Head (2002)
Out Of Myself (2003)
Second Life Syndrome (2005)
Rapid Eye Movement (2007)

Qui s’attendait à ce que 2007 soit un aussi bon cru que 2006 ? A bien regarder, avec les sorties de Pain Of Salvation, Andromeda, Rush, Porcupine Tree ou autre Threshold, qui pouvait penser que Riverside titillerait encore l’enthousiasme des amateurs de progressif raffiné et subtil ? C’était sans compter avec le quatuor Polonais et son nouveau bébé Rapid Eye Movement, dernier volet de la trilogie initiée avec Out Of Myself et prolongée sur Second Life Syndrome. Afin de faire la lumière sur toute cette affaire, nous avons interrogé Mariusz Duda, mentor du groupe et bassiste-vocaliste. Vous pourrez vous apercevoir que le bonhomme est un poil torturé… pour votre plus grand plaisir bien entendu.

Progressia : Il semblerait que Rapid Eye Movement nourrisse de grandes attentes. Penses-tu que ce soit dû au succès de Second Life Syndrome qui vous a valu plus d’exposition et d’intérêt ?
Mariusz Duda
: Pour être honnête je considère Second Life Syndrome comme un premier essai, dans le sens où il a été l’objet d’un bon travail de promotion de la part d’Inside Out. De fait, beaucoup ont considéré que c’était notre premier CD. Pourtant, on leur a bien dit qu’on avait aussi un disque intitulé Out Of Myself (rires). Ces deux albums nous ont installés dans une situation jusqu’alors inconnue pour nous : l’attente des fans, bon sang que c’est fou ! Je ne suis vraiment pas fait pour supporter la pression (rires) ! Certains aiment ça, moi pas. Il faut avouer que satisfaire tout le monde est impossible. Nous arrivons à un point ou nous n’avons pas le droit à l’erreur. Si Out Of Myself est plus ancien, chronologiquement parlant, Second Life Syndrome nous a mis sur le devant de la scène. C’est ce que j’expliquais en disant que pour beaucoup, c’était notre première sortie. Rapid Eye Movement clôt notre trilogie et certains risquent d’être quelque peu surpris.

Vous avez donné par le passé votre premier concert à Paris. Quels souvenirs gardes-tu de cette soirée, sachant qu’elle s’est déroulée dans des conditions pour le moins insolites (NDDan : de gros soucis de billetterie et d’annonceurs sont à l’origine de la sous-médiatisation de ce concert).
Ce que je retiens, c’est cette centaine de gens présents dans la salle qui faisaient preuve d’un enthousiasme remarquable. Mais je me souviens surtout d’un concert très « cher » (rires)! Ce qu’on a gagné ce soir là nous a servi pour payer la location de la salle. C’était bizarre. Je me rappelle que des gens du public nous ont même aidés à ranger notre matériel, ainsi que de ce monde présent au Moulin Rouge. C’était surréaliste, mais c’est ce qui fait le charme de Paris ! Nous avons vraiment profité de notre passage dans la ville, nous avons vu la Tour Eiffel, visité le Louvre, et même fait une expédition dans le métro parisien (rires)

Riverside a récemment ouvert pour Dream Theater…
Oui et en toute modestie, ils ont eu l’air d’apprécier notre musique. Apparemment ça ne leur était pas arrivé depuis longtemps (rires) ! En plus les gars de Dream Theater sont extrêmement abordables, ce ne sont pas des rock stars arrogantes mais de grands professionnels. Tout s’est bien passé : les conditions de jeu étaient optimales. Les réactions du public furent globalement très bonnes excepté… en Pologne où le timing était très serré : nous n’avons pas pu utiliser notre table de mixage, notre ingénieur du son a dû se familiariser en vitesse avec celle de la salle, ce qui fut une vraie cacophonie. Il y avait une bonne ambiance au concert de Clermont-Ferrand, une bonne atmosphère. Cependant, le meilleur concert pour moi est celui de Porto, au Portugal. Je ne sais pas si j’exagère mais la réaction du public était tout bonnement incroyable. Je dresse donc un bilan plus que positif de cette petite escapade en compagnie de ces grands musiciens que sont Dream Theater.

Parlons maintenant de Rapid Eye Movement. Pourquoi un tel titre, sachant que c’est le même acronyme qu’utilise R.E.M. ? Personne ne va vous épargner avec ça !
Il faut savoir qu’en temps normal, on dit : « Ce disque fait partie de la trilogie Reality Dream ». Il y a donc une connexion avec le mot rêve. C’est une trilogie, donc une fois de plus, le chiffre « 3 » est présent, c’est dire si c’est une obsession ! (rires). De fait, le titre de l’album est composé de trois mots et le CD comporte neuf titres. Ceci n’est pas une coïncidence, a été sciemment composé et pensé. C’est la partie la plus onirique, dirais-je, de la trilogie, car c’est le moment où se produit le mouvement oculaire rapide où le sommeil laisse la place au rêve. Les textes sont volontairement ambigus car on ne sait pas si cela correspond à une réalité ou si c’est notre imagination qui nous joue un tour.

Avez-vous pensé à convier Michael Stipe ou Peter Buck (respectivement chanteur et guitariste de REM) ?
(Sur un ton ironique) Oui, bien sûr pourquoi le cacher ? (rires). Non, plus sérieusement, quand les gens écoutent un CD de Riverside, le disque a plutôt pour vocation de leur permettre de penser à des groupes comme Opeth ou Porcupine Tree, pas R.E.M…

Comme tu l’as dit, ce troisième volet est la conclusion du concept Reality Dream. Qu’arrive-t-il donc au personnage principal dans ce nouveau chapitre ? A en lire les titres des chansons, il semble plongé dans une période assez chaotique ?
(Réfléchissant) Le volet évoque l’introspection, le combat de soi-même face à la solitude. Des sentiments différents prédominent sur chacun des disques. Dans le premier chapitre le personnage est renfermé sur lui même, il rencontre quelqu’un qui le fait changer quelque peu mais retombe rapidement dans ses travers. Sur Second Life Syndrome, il décide d’être plus fort, plus réactif, plus ouvert et connecté sur le monde. Au bout du compte, il se demande s’il souhaitait vraiment ce changement. Sur Rapid Eye Movement, il se referme à nouveau sur lui-même, traverse une forme de régression, sentiment dépeint dans le titre « 02 Panic Room » et décide de revenir en arrière. A travers ses sentiments il décide en fin de compte de rester tel qu’il est. J’ai voulu écrire les textes de manière à ce que chacun soit libre de pouvoir se faire sa propre interprétation, un peu à la manière des films de David Lynch. Sur Rapid Eye Movement il est plus question de dualité de l’esprit, de dédoublement de personnalité, vous pouvez l’apercevoir, sur la couverture du CD avec les deux visages. Le disque est également divisé en deux parties : « Fearless » et « Fearland » – l’extérieur et l’intérieur. « Fearless » est plus heavy parce qu’il y est question de combat avec le monde extérieur. A l’opposé, « Fearland » est plus intime, plus calme, plus chaleureux : le personnage retourne à un état embryonnaire. Rien ni personne n’est réellement ce qu’il est censé être… enfin je crois (rires)

Il est intéressant de constater que plus on avance dans l’histoire, plus le ton est durci…
Je ne dirais pas ça. Depuis le début nous avons voulu montrer nos trois facettes musicales. Sur Out Of Myself, il y a plus d’espace et des mélodies néo-progressives. SLS est à la lisière du metal progressif. Aujourd’hui, nous composons des chansons plus simples, plus accrocheuses et directes. Nous avons également cherché à chatouiller un peu des ambiances psychédéliques, le tout compilé dans une seule histoire. Cette fois l’accent a été mis sur la production, nous la voulions bien meilleure que sur SLS. Je pense c’est une réussite; cela répond à ta remarque sur le son plus dur. Il s’agit d’une trilogie, les similitudes sont donc présentes quel que soit le domaine. En outre, je dirais qu’avec cet album, nous avons atteint une certaine maturité de composition. Je crois qu’à l’écoute les gens pourront se dire sans hésiter : « C’est Riverside, j’en suis sûr ». De la même manière qu’Opeth et Porcupine Tree aujourd’hui sont immédiatement reconnaissables.

Peut-on alors parler d’une évolution naturelle chez Riverside ?
Oui tout à fait. Je ne vais pas le cacher : je suis fier de cette trilogie, et maintenant qu’elle est clôturée, j’aspire à passer à autre chose. Je ne sais pas de quoi demain est fait. Aujourd’hui j’ai l’esprit clair. Quand nous avons commencé à plancher sur Rapid Eye Movement, nous savions tous que Travis Smith s’occuperait du graphisme et du visuel, que le titre serait composé de trois mots, qu’il y aurait à nouveau neuf morceaux partagés entre la douceur et la violence. C’est la trilogie qui voulait ça. Aujourd’hui l’affaire est si je puis dire classée et j’en suis ravi !

Tu viens de mentionner le style Riverside. A l’époque de SLS tu nous avais dit que tu avais la conviction intime que vous n’étiez pas loin d’avoir trouvé véritablement votre style. Penses-tu que cette fois-ci le but est atteint ?
(Hésitant) C’est une continuité, un prolongement de ce qui a été fait sur SLS, à savoir cette recherche de l’équilibre entre puissance et finesse. L’approche a varié lors de la composition. Cette fois-ci l’espace a été différemment occupé : il y en a plus au sein des titres. On trouve des passages électroniques, des parties de guitare plus concentrées sur la rythmique alors que dans le passé, il y avait des soli. Si on compare à Out Of Myself ou SLS, c’est une autre approche quant à l’équilibre recherché. Allez, réécoute les trois albums tu verras par toi même, ça te paraîtra évident (rires) !

Vous aviez mis « 02 Panic Room » en écoute sur votre page Myspace. Quelles ont été les réactions ?
Beaucoup ont noté une différence dans l’approche, néanmoins ils ont dit que cela restait du Riverside, ce qui me ravit suite à ta question précédente. Certains ont dit : « cela ressemblait à « Army Of Me » de Björk ou à du Depeche Mode; ah non plus maintenant, il y a de la guitare, c’est du Riverside !  »(rires). A mon avis, les gens s’attendaient à un titre comme « Conceiving You » ou « In Two Minds ». Or, l’approche de la production est différente et elle influe sur la musique. Sur la batterie de « 02 Panic Room » on a mis des sons trafiqués et le rythme est on ne peut plus binaire et carré, un peu différent et inhabituel pour nous (rires) mais intéressant quand même. C’est un bon titre pour un single.

Est-ce que cela vous inciterait à réitérer l’expérience à l’avenir ?
Probablement, cela peut nous permettre de prendre la température du public face à un single. Quand « 02 Panic Room » est sorti en boutique beaucoup se sont précipités pour l’acheter. En Pologne, il s’est vendu à dix mille exemplaires ! C’est incroyable pour nous. Nous avons proposé aussi une valeur ajoutée avec des nouveaux titres. C’est intéressant de titiller la curiosité des gens avant la sortie du disque car c’est annonciateur de succès ou d’échec. Pour notre part, on touche du bois ça marche plutôt bien. Myspace est aujourd’hui indispensable à un groupe en termes de promotion. Si toi, en tant que groupe, tu n’a pas de page Myspace, il y a un problème (rires) ! Nous avons fait de bonnes rencontres grâce à Myspace, on a un nouvel ingénieur du son maintenant c’est magnifique ! Hormis cela, le fait de pouvoir contacter ton groupe favori grâce à ce portail c’est génial.

Maintenant que la trilogie est conclue, vers quelle direction artistique pourrait s’orienter Riverside ?
Cela risque à coup sûr de surprendre. Autant être clair tout de suite, ne vous attendez pas à un dérivé de Rapid Eye Movement. On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve. Peut-être serons nous résolument plus violents dans la musique ou bien doux comme des agneaux sur Voices In My Head, je ne sais pas. Nous pourrions enregistrer par exemple un disque très calme avec des chansons simples, un très long titre instrumental ou encore à l’extrême un disque très brutal. J’aime cette idée. En fait j’ai dans un coin de ma tête l’idée d’un album double, mais ça n’est certainement pas planifié dans l’immédiat. Nous avons quelques pistes pour des nouveaux titres à venir. Le défi, c’est de garder le style Riverside tout en s’accordant certaines libertés stylistiques que nous n’avions pas jusque là et pour cause, la trilogie exigeait une certaine cohérence musicale. De toute façon, quoi que nous fassions, je crois que nous sommes arrivés à un point ou nous ne pourrons manifestement plus satisfaire tout le monde. Notre prochain album divisera quoi qu’il arrive. Certains aimeront, d’autres préféreront les débuts discographiques du groupe. Mais il est clair que l’approche sera complètement différente.

Sachant que tu as pris part il y a quelques années au premier album d’Indukti, les as-tu invités sur REM pour leur renvoyer l’ascenseur ? Y a t-il d’autres invités ?
Les membres d’Indukti n’apparaissent pas sur le disque. En revanche notre ingénieur du son jouait dans Analyst qui est très populaire en Pologne. Il avait également un groupe avec un batteur polonais très connu qui joue des percussions sur « Schizophrenic Prayer ». Il y a aura peut-être des invités à l’avenir. Mais vu que je prévois d’enregistrer un album solo, il se pourrait que les gars d’Indukti viennent me rendre visite en studio à ce moment-là.

Peux-tu nous parler de ton projet solo, ou préfères-tu garder le mystère là dessus ?
Je commencerai les enregistrements en février prochain. J’ai pas mal d’idées. Il va sans dire que ce sera assez différent de Riverside. Il n’est jamais bon qu’un groupe ou un artiste sorte le même disque à chaque fois. J’aimerais faire des expérimentations vocales sur fond de musique orientale… ce serait un album studio dont l’approche serait totalement contraire à celle de Riverside, qui requiert un certain équilibre entre les instruments. Je veux mettre le chant en avant dans Riverside. Ce sera un voyage privé et personnel dans mon esprit (rires).

Est-ce qu’on peut se prendre à rêver de vous revoir en France dans de meilleures conditions ?
Ça serait souhaitable (rires), tant pour nous que pour vous ! Nous serons à Paris le 2 décembre au Nouveau Casino. Nous avons trois dates en France : à Paris, Lyon et Bordeaux. Les nouveaux titres sont vraiment taillés pour la scène. Mais rassurez-vous, nous n’en sacrifierons pas pour autant nos classiques. En ce qui me concerne, je me suis juré d’apprendre quelques mots de Français lors de notre escale en France.

Il faut reconnaître que Riverside marche de plus en plus. Est-ce que ce succès nourrit quelques vocations en Pologne ? Lors de notre dernier entretien, tu nous disais que c’était confidentiel. Est-ce que ça a quelque peu changé depuis ?
Oui, sans prétention, je pense pouvoir dire que nous avons entrouvert une porte dans laquelle beaucoup de gens sont passés. Des groupes se forment ici et là et je ne serais pas surpris que d’ici un an ou deux, l’émergence d’une nouvelle vague de groupes de rock progressif de Pologne soit forte.

Qu’as tu écouté ou acheté récemment ?
Pour être honnête, j’arrête d’écouter de la musique lorsque je termine un disque, je suis désormais plus attiré par un livre ou un film. Dernièrement j’ai beaucoup aimé le dernier Nine Inch Nails. J’écoute des trucs plus calmes et des musiques de films.

Est-ce que Riverside pourrait participer à l’écriture d’une musique de film ?
C’est de mon rêve dont tu parles là (rires) J’adorerais faire ça ! Peut-être à l’avenir. Pourquoi pas ?

Un petit mot pour nos lecteurs ?
J’espère que l’album plaira à tes lecteurs et qu’ils ne seront pas choqués par les similitudes d’un disque à un autre. Nous avons volontairement renforcé la cohésion entre ces trois albums. Ainsi l’a voulu la trilogie (rires). « Parasmonia » avait pour titre initial « Dance With The Shadow part 2 » mais comme c’est le dernier volet de l’histoire, où aurions-nous mis la troisième partie ? C’est aussi une autre facette de notre musique mais je dirais que c’est celle qui nous ressemble le plus. C’est la fin d’un chapitre de notre carrière. Après cela nous passerons à autre chose et je prie pour que vos lecteurs apprécient ce changement.

Propos recueillis par Dan Tordjman

site web : http://www.riverside.art.pl/eng

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