Opposite Day – Opposite Day

ENTRETIEN : OPPOSITE DAY

  Origine : Etats-Unis
Style : Art-rock éducatif pour animaux
Formé en : 2001
Composition :
Sam Arnold – chant, guitare
Greg Yancey – basse, chant
Pat Kennedy – batterie, percussions
Dernier album : Safety First (2007)

La discographie d’un artiste est régie par un axiome qui dit que le troisième album est celui de la maturité. Cette loi universelle se vérifie une fois de plus avec Opposite Day, qui atteint avec Safety First la quintessence de son style, entre rock alternatif déjanté et pop prog sophistiquée. En direct d’Austin, Texas, le sympathique trio nous explique comment on peut faire de la musique à la fois accessible et ambitieuse en s’amusant.

Progressia : en guise d’introduction, parlez-nous un peu de la genèse d’Opposite Day.
Sam Arnold : Greg et moi nous sommes trouvés par les annonces classées de l’Austin Chronicle, tout comme notre ancien batteur. Lorsque celui-ci est parti, nous avons rencontré Pat grâce au bouche à oreilles. Nous avons tous joué dans des formations de rock, de jazz et d’autres styles musicaux. Nous voulions faire partie d’un groupe qui n’ait pas ce genre de limitations, qui pourrait aller librement dans d’autres directions. Nous avons toujours encore des limites, mais nous les repoussons constamment.

Quelle est la signification de votre nom ?
Lorsque tu es gosse, tu joues au jeu de l’ Opposite Day : c’est un jour où tu dis exactement le contraire de ce que tu penses. Comme « je trouve que ton short est cool », sous-entendu : « c’est l’Opposite Day ». Mais bien sûr, tu ne peux pas le dire ou alors tu dois affirmer que ce n’est PAS l’Opposite Day… ce que tu dirais n’importe quel autre jour. C’est donc quelque chose d’assez paradoxal, de philosophique et d’immature à la fois. C’est ce que nous essayons de faire dans notre musique.

Quelle est votre propre définition du rock progressif ?
C’est une musique qui n’accepte pas les limitations. Je tiens compte de ce que public attend, mais je ne le considère pas comme une limite à notre créativité musicale. Si vous appliquez cela au rock, vous faites du progressif. Le rock est notre outil et matériau principal mais en même temps, nous n’acceptons pas ses bornes.

Êtes-vous un groupe de prog ?
Je le pense. Nous ne sonnons pas comme la plupart des groupes de prog, mais là n’est pas notre but. Je serais presque tenté de dire que nous sommes un groupe de pop progressive, car, dans l’ensemble, nos chansons ont un refrain qu’on peut reprendre, et sont de courte durée. Ainsi, malgré un côté heavy, nous tendons vers une musique gaie, amusante et ridicule, au contraire de la musique progressive en général, qui est sombre avant tout.

Vous-mêmes, écoutez-vous des musiques « progressives » ?
Sam Arnold :Oui. Meshuggah, Mastodon, Opeth, Look What I Did. Je pense que Fishbone en fait partie. Frank Black également, d’une façon totalement différente. Bjork aussi. Dream Theater était progressif. J’aime toujours ce qu’ils font, mais ils n’ont rien fait « progresser » depuis un moment.
Greg Yancey :Oui, moi aussi, spécialement si on accepte la définition de Sam du terme « progressif ». Certains groupes de prog ne le sont plus vraiment mais l’étaient à leur époque. J’aime Zappa, les premiers Yes – Close to the Edge est l’un de mes albums favoris -, King Crimson, Opeth, Secret Chiefs 3 – l’album Book of Horizons est purement génial -, The Mars Volta, Fantomas, Melt Banana.
Pat Kennedy :J’écoute quelques groupes de prog. J’aime les premiers Genesis, un peu Yes, Frank Zappa. Tool a eu également une grosse influence sur moi. Je pense que Greg et Sam écoutent davantage de groupes de prog moins connus, je découvre ainsi beaucoup de chose grâce à eux. J’aime écouter toutes sortes de musiques, et plus spécialement du jazz. Je sais que c’est un cliché de dire ça, mais je suis persuadé que c’est en écoutant différents styles qu’on devient meilleur musicien, qu’on a davantage de sources d’inspiration.

Quel est votre parcours musical ?
Sam : J’ai pris des leçons de guitare pendant cinq ans, ce qui m’a donné de bonnes bases. A l’université, j’ai joué dans un groupe de jazz, suivi des cours de composition et passé mon senior project dans l’arrangement et la composition jazz. Mais beaucoup plus important que tout cela : à Austin, j’ai participé à toutes sortes de concerts avec un tas de musiciens différents. C’est la meilleure école. Tu y apprends que moins c’est dur, plus tu cherches à être en phase avec le public. C’est une formation double : à la fois sur et hors scène.
Greg :Malgré une formation classique, mon père a joué du piano avec divers groupes de country quand j’étais jeune enfant, parce que c’était ça qui payait les factures. Je suis donc né dans la musique. J’ai commencé la batterie à huit ans, j’ai joué du saxophone ténor au lycée et je me suis mis à la basse et à la guitare vers l’âge de quinze ans. J’aimais également le côté technique, j’ai donc fait des enregistrements multipistes sur bande du groupe de mon père, vers l’âge de dix ans. La basse est vraiment l’instrument dans lequel je me retrouvais et j’ai joué dans des mariages avec mon père après quelques mois de pratique à peine. C’était une formation intensive mais j’en ai retiré des choses sur la musique et sur moi-même, en particulier le fait que je me sente davantage à l’aise sur une scène que sur une piste de danse et que je n’aime pas jouer de la musique de fond.
Pat:J’ai commencé à jouer de la batterie à neuf ans dans le groupe de mon école, et sur ma propre batterie à douze ans. Je suis resté autodidacte pendant tout le lycée jusqu’à l’université, où j’ai été en Education Musicale, à la Slippery Rock University de Pennsylvanie. J’y ai étudié les percussions classiques et la batterie jazz et ai joué dans différents ensembles : dans des groupes de reprises, de jazz, de rock, des orchestres symphoniques, pour n’en citer que quelques-uns. J’ai obtenu mon Bachelor’s en Education Musicale en mai 2004 puis ai déménagé à Austin pour passer mon Master en performance à l’Université du Texas, que j’ai obtenu en décembre 2006. Je suis actuellement directeur d’un groupe de collège à Austin. Parallèlement à Opposite Day, je joue également de manière professionnelle avec d’autres groupes d’Austin.

Votre musique est très accrocheuse mais également assez complexe, un mélange de nombreux styles. Comment composez-vous vos chansons ? Dans un garage avec des bières fraîches ?
Sam : Merci ! Personnellement, je suis incapable de boire une seule bière et de jouer nos morceaux ensuite. J’aime jouer en ouverture, comme ça je peux boire après ! Idem pour la composition, ma seule drogue est la caféine. Une guitare et du café, c’est tout ce dont j’ai besoin. Nous utilisons différentes méthodes pour composer. Soit nous collaborons tous, soit c’est Greg et moi, ou Pat et moi, ou simplement moi seul. Parfois, une chanson émerge à l’issue d’une répétition, quelquefois cela prend un an. La clé, ce sont les arrangements, que nous réalisons tous ensemble. Chacun d’entre nous joue ainsi une partie qui lui est propre, mais qui s’intègre complètement dans la chanson.
Greg :Pareil que Sam. Je ne peux rien faire de valable après avoir bu des bières. Les idées surviennent lorsque je m’y attends le moins et, en général, lorsque je n’ai que trois minutes pour jouer de la guitare. Le truc, c’est de s’en souvenir plus tard… une chose que je dois encore apprendre.
Pat : Pas de bière pour moi non plus. Par rapport à ce que dit Sam, j’apprécie beaucoup que nous apportions chacun quelque chose. Nous n’avons pas de moule prédéfini pour composer nos chansons. Parfois, une idée originale amenée par l’un d’entre nous va sonner totalement différemment lorsque nous aurons tous travaillé dessus, mais ce sera du tout bon au final. On est ouvert aux idées de tous, on essaie toutes les idées, et on décide de celles qui fonctionnent le mieux.

Bien que votre musique soit très abordable, est-il facile de trouver des clubs où jouer au Texas ? Que pensez-vous du marché de la musique actuellement ?
Sam : C’est pas terrible. C’est un bon endroit pour y vivre, c’est amusant de jouer ici, mais le marché est saturé au point d’être dirigé par des niches musicales. Il y a quelques bons groupes et clubs, ainsi que des fans qui sont très fidèles. J’apprécie un certain nombre de formations du coin : Invincible Czars, Muchos Backflips!, Lick Lick, etc… mais le marché indie est difficile à pénétrer, nous ne sommes pas assez virils pour les métalleux, trop heavy pour la grande majorité des gens et nous ne faisons pas vraiment de musique dansante, sauf pour ceux qui ont des membres supplémentaires. Nous avons choisi de faire notre musique, ce serait stupide de se plaindre. Nous en avons décidé ainsi justement parce qu’il est difficile de la catégoriser. S’il y avait un marché prédéfini, je me dirais que nous nous sommes trompés quelque part.
Greg :C’est un peu compliqué ici, pour toutes les raisons évoquées par Sam. Le public ne comprend pas toujours ce que nous faisons. J’aimerais essayer de jouer en Europe, et je pense qu’en plus du plaisir d’y être, ça marcherait bien mieux pour nous.

L’humour est l’une des caractéristiques principales de votre musique, bien que vous ayez quelques chansons sérieuses. Serait-ce le meilleur moyen de parler de choses sérieuses ?
Sam : Je pense que l’humour est présent dans nos textes car personne n’a envie de me voir écrire une chanson totalement sérieuse ou sombre : quel en serait le sens ? Les choses sérieuses méritent un débat sérieux, cela donnerait sans doute quelque chose de pas terrible. Quand les chansons essaient de l’être, je trouve qu’elles simplifient leur sujet à outrance. Si j’avais composé un morceau profond, j’aurais envie d’interpeller l’auditeur et de lui dire : « Hé, je sais que ce n’est qu’une chanson ! Pas de problème si tu penses qu’elle est stupide ! ». D’une certaine manière, cela m’immunise contre les gens qui pensent que je manque de profondeur. « Hé, je sais que je ce n’est pas très profond, mais là je m’amuse… ».

Zappa, Faith No More, Steely Dan, Talking Heads… sont quelques-uns des artistes que vous citez. Fictional Biology contient pas mal de chansons rock/metal alors que les influences perceptibles sur Safety First semblent être plus variées. Cet album représente-t-il Opposite Day dans son intégralité ?
Sam : Non. Safety First existe en tant que tel. Ce n’est pas un résumé d’Opposite Day. Nous avons fait des choix pour que ce soit un bon album, pas forcément pour représenter Opposite Day. D’une certaine manière, Fictional Biology est plus proche de nos concerts, simplement parce qu’il ne contient aucune chanson texturale et qu’il « rocke » intensément tout du long. Avec Safety First, nous avons voulu faire un bon album, pas nécessairement une publicité pour nos concerts. Ainsi, un bon concert et un bon album sont deux choses totalement différentes. Evidemment, nous jouons la plus grande partie de Safety Firt sur scène, et l’énergie est la même.
Pat :Je pense que Safety First est une bonne représentation de tous les genres musicaux que nous mélangeons. Il me semble aussi que la manière de composer brosse un tableau très précis de notre maturité en tant que groupe.

Comparé à Fictional Biology, il y a quelques titres assez inhabituels sur Safety First, et particulièrement vers la fin : « Install Paul Scoon », « Astronomy Overflowed », « Safety First ». Souhaitiez-vous prendre de nouvelles directions sur cet album ?
Sam : Oui. Nous avions Pat cette fois-ci, nous avons donc exploité tous ses talents de percussionniste – comme sur « Install Paul Scoon » – et d’improvisateur, par exemple sur « Safety First ».
Pat :Nous voulions également proposer quelques moments un peu moins « dans ta face ». Ils créent une intensité sous-jacente et sont également un moyen d’inclure des sonorités et des instruments que l’on n’entend pas souvent.

Safety First est un véritable album, de par sa longueur et sa production professionnelle. Est-ce une nouvelle étape dans la « carrière » d’Opposite Day ? Avez-vous été en contact avec des labels ?
Sam : Non. Nous sommes des fainéants. A qui penses-tu ? Mais merci de croire que l’album est suffisamment bon pour ça.
Greg :Je suis heureux qu’il sonne professionnel, car nous l’avons produit et enregistré en grande partie nous-mêmes, et l’avons mixé chez moi. C’est un beau compliment.

L’influence de Madonna n’est pas vraiment… évidente dans vos chansons. Quelle est l’origine de cette « vénération » ? Vous avez interprété son Immaculate Collection en intégralité. Quel est le sens de ces concerts ?… si tant est qu’il y en ait un. Madonna connaît-elle l’existence de ses admirateurs texans ?
Sam : Eh bien, la vérité, c’est que nous ne sommes pas vraiment des fans de Madonna. Nous aimons simplement arranger à notre façon des morceaux connus, et son œuvre nous semblait être un bon moyen d’attirer l’attention, de nous amuser en trafiquant ses chansons pour nous les approprier. Les gens ont bien aimé, il me semble, et j’ai pris du plaisir à le faire. Je suis obligé de le dire : apprendre ces morceaux m’a aidé à écrire. Ils contiennent souvent d’intelligents petits changements.

Quelle est la prochaine étape dans l’existence d’Opposite Day ? Des projets ?
Sam : Tout d’abord les « concerts Madonna ». Nous sommes également en train d’écrire le prochain album. Plus de compositions, plus de scène, essayer de vendre davantage de copies de Safety First. S’amuser encore davantage.

Voulez-vous conquérir les Etats-Unis ? Le monde ? Ou Opposite Day n’est-il qu’un hobby amusant ?
Sam : Nous avons tous un job, ça ressemble donc parfois plus à un hobby. Je ne veux pousser personne trop loin. S’il existe un moyen de grandir, j’aimerais que cela se fasse. Mais sinon, beaucoup de choses devraient changer pour que nous puissions faire des tournées plus intensives.

Et maintenant, une question classique : avec quel groupe aimeriez-vous vraiment jouer ?
Sam : Déjà fait. Nous avons ouvert pour Fishbone en avril. A part ça, je pense que le public de They Might Be Giants nous apprécierait. Ce serait également cool de tourner avec Look What I Did, Drums and Tuba, Estradasphere, ou Ad Astra Per Aspera.
Greg :J’adorerais jouer avec les Melt Banana, de Tokyo. Je les ai vus quatre fois et ils sont terribles. Ce que nous faisons est assez différent, mais ça m’est égal.

…un dernier mot pour les lecteurs de Progressia ?
Sam : Merci de vous être intéressés à nous ! Soyez nos amis sur Myspace et parlez-nous de bonne musique.

Propos recueillis par Jean-Philippe Haas

site web : http://www.oppositeday.com

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