Alex Carpani - Waterline

Sorti le: 22/10/2007

Par Jérôme Walczak

Label: CypherArts

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Alex Carpani est un jeune claviériste franco-italien qui, un beau jour, s’est cassé la jambe. Il a profité des trois semaines d’immobilisation forcée qui en sont résultées pour enregistrer Waterline, dont il avait écrit la plus grande partie dès 2003. Et comme Alex a plein d’amis, et qu’il donne plutôt dans les pointures (fort utile lorsque l’on a une jambe cassée), il décide de les inviter pour chanter, dessiner la pochette, et accessoirement jouer d’un peu de batterie ou de guitare.

Devinette : d’après les amis en question, devinez à quoi ressemblera donc ledit disque ? Paul Whitehead pour l’artwork, Marco Fabbri (Eclat) à la batterie et Etorre Salati (The Watch) à la guitare (acolytes du Alex Carpani Band et qui jouent par ailleurs Waterline Live) et Aldo Tagliapietra (Le Orme) au chant…

Et oui, facile ! Bienvenue donc en 1972, avec un clone supplémentaire de Genesis, période Gabriel. Le monde dans lequel l’auditeur pénètre est déjà archi-exploré, entre Trespass et Foxtrot : développements aux claviers, oniriques jeux de cymbales, jeux vocaux, sonorités plus que trentenaires frisant avec le psychédélique (orgues, flûtes, saxophones…) : tout est ici réuni pour que le voyage dans le temps soit parfaitement réussi.

Pour faire années 70, il fallait en plus que la chose baignât dans un concept : ici, c’est la ligne aquatique séparant le monde sensible du monde invisible qui est célébrée (ça manquait, en un sens). Ce concept est brillamment illustré par Paul Whitehead, dont la présence confère un petit côté vintage supplémentaire au produit : rappelons que Whitehead fut à l’origine des plus belles pochettes de Genesis et Van der Graaf Generator (Trespass, Foxtrot, Nursery Cryme). En témoigne l’espèce de Michel Polnareff (habillé) surfant en équilibre sur une bêtise de Cambrai géante virevoltant sur un lit de nénuphars… Pour vérifier, achetez le disque, et retournez-le !

Musicalement, les envolées pianistiques de Carpani sont cristallines et d’une impeccable fluidité : le final d’« Agua Claro » est ainsi un modèle du genre. Amis du clavier qui déborde, à vos casques ! Manque finalement à ce disque le génie de Genesis, et l’emportement, la déraison qui savaient épingler l’auditeur pour ne plus jamais le faire revenir à la réalité. Carpani manipule avec dextérité son instrument, et certaines parties sont remarquables (« Reclaimed », morceau dramatique très « Foxtrotien ») mais il manque à tout cela un zeste de folie. L’ensemble reste sous contrôle, et il manque à Waterline un bon chanteur, qui vienne seconder de façon délirante les mélodies. Un chanteur progressif ne peut être sage. Or ici, lorsqu’Aldo Tagliapietra intervient, en italien (« In the Rock » ), sa voix est trop juste, trop fluide, trop propre en somme. Il lui manque la touche de fantaisie qui rendait Peter Gabriel si hypnotique, comme possédé.

Waterline est au final un bon petit disque, qui ravira les nostalgiques. On y retrouve des mélodies bien familières (l’introduction d’« Agua Claro » est ainsi presque une copie carbone de celle de « The Lamb lies down on Broadway »), quelques soupçons de jazz, une vague touche olfieldienne. Tout cela est honnête… Trop honnête. Le progressif, ça salit, ça éclabousse, ça retourne, ça vrille, ça tord… Ne jamais l’oublier ! Bonne continuation cependant !