Sincabeza - Edit Sur Passage Avant Fin ou Montée d'Instrument

Sorti le: 24/07/2007

Par Christophe Manhès

Label: Distile Records

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Le dossier s’épaissit de jour en jour et pas besoin d’être un bon avocat pour le plaider : quand c’est rock, underground et français, c’est forcément bon… Sans rire ! La « french touch » fait des merveilles et pas seulement dans le vaste monde de l’electro. Cet aphorisme pour qualifier notre supposé savoir-faire pourrait tout aussi bien s’appliquer à un autre pan de la musique populaire hexagonale, mais lui souterrain, indifférent aux sunlights, ciselé autant que buriné (la « french-touch » rock justement), loin des majors et du marketing. Les Bordelais de Sincabeza en sont une preuve par le son avec un style au carrefour de l’élégance comme de la hargne, de la poésie comme de l’esprit électrique et sans fard du rock authentique.

Édit Sur Passage Avant Fin ou Montée d’Instrument est le second album de Sincabeza. Nonobstant ce titre, ce n’est pas tant la fantaisie qui caractérise leur musique que son incroyable et inédite fraîcheur parfaitement illustrée par des titres comme « 04 » ou « Waar het om gaat ». En fait, jamais le math rock, genre complexe, souvent rude et sec, n’avait sonné comme ça, spontané, espiègle, presque sensuel. C’est que Sincabeza va chercher l’émotion là où, par exemple, les Américains d’Ahleuchatistas l’épuisent et ceux de Don Caballero la radicalisent en créant un maëlstrom inouï. Presque ludiques, pourtant ils n’en sont pas moins sincères et captivants, voir largement plus convainquant que leurs collègues au sain du même label, les Swims, qui ont quant à eux le fâcheux travers de donner une interprétation un peu trop littérale du math rock. Bref, derrière sa modestie, Édit Sur Passage… n’en est pas moins un excellent album, doté, qui plus est, d’une bonne production, simple et dynamique.

Loin des fantasques expérimentations de Battles, il faut tout de même noter une évolution intéressante à travers l’album qui passe de l’orthodoxie classique du power trio batterie / basse / guitare à une plus grande diversité instrumentale, claviers et accordéon en tête, apportant des nuances prometteuses pour leurs investigations futures (« Non, Rien » et « Bandit manchot »).

Cet album est un labyrinthe étonnant qui provoque des émotions subtiles et inépuisables sans pour autant dépulper la dynamique post-punk attachée à ce type de musique (« Dimanchemartin »). Finalement, Sincabeza démontre que l’on peut être totalement intègre et pratiquer un genre peu populaire tout en étant capable de toucher les cœurs. Loin des intentions cathartiques de groupes comme Don Caballero, Dysrhythmia ou Shellac, Sincabez agit plutôt comme un puissant vortex poétique. Bref, amateurs, ne pas s’abstenir.