ENTRETIEN : KRUGER

  Origine : Suisse
Style : Sludge / Post-hardcore
Formé en : 2001
Composition :
Renaud – chant
Margo – guitare
Jak – guitare
Blaise – basse
Raph – batterie
Dernier album : Redemption Through Looseness (2007)

Le groupe lausannois vient de sortir avec Redemption Through Looseness un album très puissant, qui sort des sentiers fortement battus du post-hardcore. Renaud, le chanteur du groupe, décrit avec moult détails comment il a été élaboré. Pour mémoire, Kruger a été formé en 2001 suite au rassemblement de membres de différents groupes de Lausanne, Rude, Sweet Disease et Sludge. Après un album très rock’n’roll rapidement enregistré, Built For Speed, le groupe sort en 2004 le désormais essentiel Cattle Truck, l’un des piliers du post-hardcore. Après de nombreux concerts (dont certains avec Isis, Cult of Luna ou Gojira) et un changement de line-up avec l’arrivée de Jak à la guitare, le groupe s’est ensuite lancé dans l’enregistrement de Redemption Through Looseness.

Progressia : Cela ne t’étonne-t-il pas un peu d’être interviewé par un webzine de musiques progressives ?
Renaud : Si, tout à fait ! Quoique le « progressif » revient à la mode dans les musiques « heavy ».

Pourquoi avoir sorti un album aussi rentre-dedans et violent après un Cattle Truck qui lorgnait vers un « postcore à la Isis » ? Le groupe a-t-il consciemment voulu donner un coup de pied (ou plutôt de Hummer) dans la fourmilière post-hardcore actuelle qui pratique une sorte de course à la lenteur ?
Effectivement, la tentation de ralentir, d’épurer comme le font Isis ou Cult of Luna est un peu trop facile, et un peu trop in. (Très) rares sont les groupes qui s’en sortent bien. Nous voulions plutôt nous en distancier un peu. Si on a fait un ou deux morceaux plus « atmosphériques » sur Cattle Truck, on avait pas forcément envie de persévérer dans une voie déjà assez encombrée… On avait envie de quelque chose de plus frontal.

Comment la musique est-elle composée ? La section rythmique a une importance énorme dans la musique de Kruger et on sent bien que Raph, le batteur, s’en est donné à cœur joie. C’est la rythmique qui donne la marche à suivre ?
Il n’y a pas vraiment de marche à suivre ; il y a autant de manières de composer qu’il y a de morceaux ! Souvent, ça part de jams, de riffs, et ça se met en place « tout seul », un peu naturellement… Quand le morceau prend forme, c’est là que le gros boulot se fait, à quatre – soit tous sauf moi –,arranger les parties, rajouter des couches de guitares, bosser des transitions, etc. Toutefois, c’est vrai que la batterie y est pour beaucoup dans le rendu final des morceaux, on a de la chance d’avoir un batteur aussi inventif que techniquement doué !

La rédemption dans la décontraction (le titre de l’album), qu’est-ce que cela signifie ? Comment l’interprètes-tu ?
« Redemption » est un des poncifs habituels des groupes de metal ! Je trouvais qu’y accoler « décontraction » sonnait assez chouette. C’est aussi une sorte de « motto » de ne jamais perdre de vue que, si on fait de la musique sérieusement, c’est aussi en essayant de ne pas nous prendre trop au sérieux. La décontraction est à mon avis beaucoup trop rare dans notre style de musique !

Tu écris les textes du groupe. D’où vient cette étrange fascination pour l’Amérique profonde et les caricatures que tu en fais dans les morceaux de Kruger ?
Les textes sont assez secondaires dans Kruger. Je pense que c’est prétentieux, dans un groupe de rock, de prétendre donner de l’importance aux lyrics en général, à moins d’être soit un écrivain de premier ordre soit un politologue averti. N’étant ni l’un ni l’autre, je me contente de me faire plaisir en écrivant des textes un peu décalés. La culture populaire US est à la fois fascinante et à vomir. Du coup, c’est une source inépuisable d’inspiration pour écrire des textes qui sont assez futiles, finalement – même s’il y en a certains dont je suis assez fier, dans la futilité ! Comme je dis toujours, dans le rock en général, il n’y pas de meilleur message que de n’en avoir aucun.

Concernant le morceau « Ammunition Matters », dont l’intrigue se déroule au Nebraska, est-ce que tu fais référence à un évènement particulier ?
Non, je pense que c’est un hommage inconscient au fabuleux album acoustique de Bruce Springsteen !

Après Las Vegas dans Cattle Truck et Hollywood dans Redemption Through Looseness, quelle ville le groupe va-t-il vermifuger (ou brûler) dans le prochain album ?
Je ne sais pas encore… Les textes arrivent toujours à la bourre, juste avant l’enregistrement, autant dire qu’on en est loin ! Peut-être Austin, tiens !

Le son de Redemption Through Looseness est particulièrement massif et gras, y compris ta voix. Le résultat a-t-il été obtenu dès l’enregistrement ou le mixage de Kurt Ballou a-t-il eu une importance capitale ? Comment s’est déroulé tout ce processus ? Je suppose que vous êtes « déçus en bien » du résultat, comme on dit en bon vaudois…
Effectivement ! On a enregistré nous-mêmes, avec un coup de main de Julien Fehlmann pour la pose des micros, et la supervision de Raph, notre batteur. Cela a été assez long et chaotique, et on appréhendait un peu d’arriver à Boston avec ça… Mais le sieur Ballou « has mixed the shit out of it », comme qui dirait, et a réussi à en faire quelque chose d’assez faramineux. On a passé beaucoup de temps, il s’est pas mal investi dans le truc et ce fut un plaisir, au-delà du résultat.

Plusieurs concerts sont annoncés, avec en particulier une date au Kilbi festival en Suisse, avec Isis et Celtic Frost. Cela s’annonce comment ?
On a quelque jalons très intéressants avant l’été, c’est assez enthousiasmant, et une dizaine de dates suisses. Le gros des dates devrait débouler cet automne, mais comme rien n’est tout à fait fixé, je ne peux pas te dire grand-chose de plus pour l’instant !

Que penses-tu de l’explosion de la scène romande actuelle (en général, pas seulement au niveau du metal) ?
Je n’en pense que du bien : Sludge, Favez, Houston Swing Engine, Rosqo, Monkey 3, Fauve, Magicrays, et des dizaines d’autres – c’est très motivant ! Niveau musique lourdingue, il se passe un truc dans le Jura, avec une floraison de jeunes groupes trois fois plus doués que moi à leur âge ! Kehlvin, Forceed, Switchback, et plein d’autres… vive le hard suisse !

On a l’impression qu’à Lausanne, il y a toujours de nouveaux groupes qui apparaissent, mais en fait, il s’agit toujours des mêmes personnes à l’origine de ces groupes. Tu confirmes ?
C’est vrai que « la vieille garde » est un peu consanguine ! Il y a beaucoup de musiciens trentenaires ou presque qui ont différents projets.

Un dernier mot pour les lecteurs de Progressia ?
Je suis tout à fait nul en « derniers mots »…

Propos recueillis par Jean-Daniel Kleisl

site web : http://www.kruger.ch

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