Kruger - Redemption Through Looseness

Sorti le: 15/04/2007

Par Jean-Daniel Kleisl

Label: Listenable Records

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On s’en souvient, Cattle Truck, le précédent album des Lausannois de Kruger avait reçu maintes éloges de la presse spécialisée et est devenu une référence dans la faune postcore actuelle. Il avait de plus permis au groupe de pouvoir jouer avec Isis, Gojira, Dillinger Escape Plan, Unsane. Bref, que du beau monde ! Redemption Through Looseness se contentera-t-il de reprendre les recettes qui ont fonctionné pour l’album précédent ? Kruger suivra-t-il la mode postcore actuelle qui voit de nombreux groupes imiter sans grande originalité les inévitables Cult of Luna et Isis ? Les Lausannois vont-ils s’amuser à jouer à la course à la lenteur avec les dernières sorties des deux groupes suscités ?

La réponse aux trois questions posées est claire : c’est un non sans hésitation pour chacune d’entre elle ! Kruger ne s’amuse pas à faire dans la dentelle cette fois-ci et envoie baffe sur baffe aux braves chrétiens d’auditeurs qui n’ont même pas le temps de tendre l’autre joue. Production énorme et graisseuse à souhait – due pour l’essentiel au mixage de Kurt Ballou (Converge, Cave In) –, puissance de feu terrible (la basse est bien mise en évidence dans ce maelström), rythmique infernale (Raph, le batteur, s’en donne à cœur joie), vocaux très gras eux aussi tant en voix claire que hurlée, tout a été fait pour se démarquer de ce Cattle Truck très finement ciselé. Le premier morceau de l’album, « Ammunition Matters », racontant l’histoire d’un écervelé extrémiste et catho qui veut éliminer la vermine du Nebraska (on vous laisse imaginer laquelle), est un condensé de tout l’album : début très violemment hardcore avec la voix (terme quelque peu impropre à ce niveau de hurlement) de Reno très en avant, passage plus calme en voix claire, puis moment déstructuré évoquant Meshuggah pour terminer sur une note plus classiquement Isis avec des arpèges saturées. En un peu plus de cinq minutes, Kruger s’approprie ce qui se fait de mieux dans le metal extrême d’aujourd’hui ! Entre Breach et Entombed, la suite de l’album est du même acabit, particulièrement « The Graveyard Party » qui évoque les groupes les plus extrêmement hardcore de Romandie : Knut pour la puissance et feu Unfold pour la terreur. On revient quelque peu sur les terres très rock’n’core du premier album, Built For Speed

A partir de « Hummers vs Pedestrians » (mais qu’est-ce qu’ils foutent sur ma route, ces piétons ?), les tempi se calment et l’on revient presque aux atmosphères connues de Cattle Truck. Presque seulement, car la rythmique reste pachydermiquement plus lourde dans « Redemption Through Looseness », de même que les vocaux bien plus épais. La performance vocale de Reno est à mentionner, alternant à merveille sa voix claire de crooner (façon de parler) avec sa voix hurlée, très grasse. Bien souvent, les paroles servent de prétexte à placer sa voix, évoquant comme d’habitude chez Kruger, des sombres caricatures de l’Amérique profonde, de bagnoles, d’alcool…
Evidemment, après Las Vegas dans Cattle Truck, c’est au tour de Hollywood d’y passer dans « Holy Fire », magnifique titre épique presque instrumental qui lorgne, en beaucoup plus lourd, vers le postcore progressif d’Isis.
La fin de l’album reste de haut niveau, les parties rageuses alternant avec des passages plus mélodiques, comme sur le très « seventies » « Army of Lovers », rappelant le Black Sabbath période Ozzy (la voix de Reno n’est pas faite pour dissiper cette impression). L’album se termine par une autre pièce longue de huit minutes, le très puissant « Crusaders ». En fait, seul « The Cowbow Song » fait un peu tache mais ne vient en rien balancer l’impression très positive que Redemption Through Looseness laisse. Titre étrange au demeurant, la « rédemption par le relâchement » n’est pas à proprement parler la première impression que peut évoquer la machine de guerre Kruger.

Avec Redemption Through Looseness, Kruger vient de jeter quelques tonnes de Hummers dans la fourmilière postcore actuelle tout en évitant de faire un autre Cattle Truck. Les Lausannois assument parfaitement leurs influences (Breach, Neurosis, etc.) et grâce à leur forte personnalité, ils sont l’un des groupes romands les plus en vue à l’heure actuelle. Etonnement, un autre grand groupe de cette région va sortir un nouvel album en ce mois d’avril 2007, il s’agit des Young Gods. Enfin, n’oublions pas que si Kruger a sorti un excellent album, le groupe est aussi et surtout connu pour ses prestations scéniques dévastatrices. Ce n’est pas votre serviteur qui dira le contraire. Vous pouvez y aller en toute décontraction. Héhé !