Pendragon – Pendragon

ENTRETIEN : PENDRAGON

 

Origine : Royaume-Uni
Style : Rock néo-progressif
Formé en : 1978
Composition :
Nick Barrett – guitare, chant
Peter Gee – basse
Clive Nolan – claviers
Fudge Smith – batterie
Dernier album : Believe (2006)

Believe est un bon disque. Il a étonné par un style et un son plus metal. Cette nouveauté, Nick Barrett la revendique et ne semble guère avoir envie de s’arrêter en si bon chemin. Rencontre avec le chanteur de Pendragon qui, au regard de ses déclarations, de son humilité, de son rapport à la musique, a tout de l’Honnête Homme.

Progressia : Believe est un peu différent des albums précédents, est-ce que ce changement est durable, est-ce que cette évolution tient d’un processus naturel ou est-ce plutôt le résultat de recherches et de questionnements sur votre musique ?
Nick Barrett
: C’est probablement un peu de tout ça. C’est exactement comme peindre ou faire des choses de ce genre. Vous arrivez à un point et vous sentez, peut-être pas nécessairement que vous avez besoin de changer ou d’oublier ce que vous aviez fait dans le passé, mais vous avez simplement besoin de voir les choses sous un autre angle, de trouver de nouvelles manières de penser, de nouvelles façons de travailler. Pendragon a composé quatre albums qui appartenaient à une même époque et à un même contexte, et j’ai ressenti le besoin de quitter certains aspects du rock progressif qui me semblaient trop restrictifs. Ce n’est pas forcément pour cela que nous continuerons ainsi à l’avenir. Par exemple, nous avons eu à cœur de ne pas jouer un seul solo de moog dans Believe juste pour voir comment les choses tourneraient et c’est pour cela qu’un grand nombre d’harmoniques ont été tirées de samples, de mélodies vocales ou de samples de voix qui ont produit un nouveau son très intéressant.

Pouvez-vous nous en dire plus au sujet des éléments de world music, new age et des parties plus « metal » qu’on découvre dans Believe ?
Bon, tous ces éléments apportent la nouvelle dimension et les nouvelles directions que nous souhaitions explorer. Nous avons ajouté sur cet album des samples de voix enregistrés au Mur des Lamentations de Jérusalem et je les ai baissées deux octaves, afin de créer une atmosphère incroyable au début de « The Wisdom of Salomon ». Toutes ces voix créent immédiatement une atmosphère orientale très puissante. Notre autre ambition était également de trouver des éléments très doux, très émotionnels, venant du cœur, mais face à tout cela, nous avons voulu intégrer des éléments plus extrêmes, plus « metal », plus impétueux, presque « punk » dans un sens. J’aime ces extrêmes qu’on retrouve aujourd’hui dans certains genres de musique et je pense qu’il existe pour nous des opportunités très excitantes d’incorporer ces divers éléments dans notre musique.

Finalement, vous avez composé Believe de manière à être les plus contemporains possibles ?
S’il avait été composé de la façon la plus contemporaine possible, il y aurait eu 12 singles sur cet album ! Je ne crois pas qu’on écrit de la musique pour être commercial, c’est une perte de temps. Pendragon n’a jamais été considéré comme un groupe de pop; nous écrivons ce que nous écrivons parce que nous aimons cette musique, nous sortons ne nos limites dans certains cas et de temps en temps, nous sentons que c’est pertinent par rapport au contexte et à nos sensations du moment.

Que pensez-vous de la manière dont le public a réagi à la sortie de Believe ? Pensez-vous que le nombre de vos fans a augmenté au cours de ces dernières années ?
Il a augmenté, mais il reste bas parce que nous n’avons pas fait grand-chose au cours des neuf dernières années. Si vous quittez le public pendant environ 5 ans, vous pouvez vous estimer heureux de voir encore un peu de monde en concert. J’ai dit à Peter (Gee) qu’à la sortie de Believe, ce serait un miracle si nous pouvions espérer en vendre 10000 exemplaires en une année ! Nous en avons vendu 18000 en six mois, c’est incroyable qu’il existe encore des gens pour acheter nos disques.

Quels sont les thèmes évoqués dans l’album ?
Notre thème majeur, ce sont les théories conspirationnistes; c’est aussi sur les choses que nous enseignons à l’école et sur les choses auxquelles nous croyons encore par l’entremise de la religion. Nous sommes submergés par le christianisme si nous sommes nés en Occident, nous serions submergés par l’Islamisme si nous étions nés au Moyen Orient, ou par le Bouddhisme et l’Hindouisme en Extrême Orient. Chacun d’entre eux croit qu’il a un droit sur les autres. Il s’agit d’un monde très difficile à vivre. Je pense qu’avoir des idées aussi fondamentales ralentit réellement la course du déclin du monde, nous avons besoin d’être plus respectueux les uns par rapport aux autres et nous devons atténuer nos convictions un petit peu plus : ainsi, il y a une véritable approche philosophique dans Believe. Je pense aussi que dans ce que nous voyons à la télévision, dans ce qui nous est vendu par nos gouvernements, une bonne partie n’est qu’un grand mensonge, je pense que nous avons été conditionnés pour croire que nous vivions « une guerre de la terreur »… Cette simple phrase a été banalisée alors que nous n’avons pas subi d’attaque en Angleterre, hormis ponctuellement celles de l’IRA. Je pense que nous avons été conditionnés pour une façon de penser qui est contrôlée par la peur, et qui, par des méthodes détournées, atténue notre liberté d’expression, et bien d’autres de nos libertés. On parle désormais de cartes d’identité en Angleterre pour lutter contre le terrorisme, quelle CONNERIE !!! Ils mettent en place de plus en plus d’amendes pour toutes sortes de choses, des amendes pour ceci, pour cela; en tant qu’êtres humains, nous perdons notre liberté de parole, nous perdons notre libre arbitre, nous sommes de plus en plus contrôlés par des systèmes automatiques, par des ordinateurs, par le relevé de notre empreinte génétique, et je ne suis pas sûr que ce soit la bonne solution. Nous oublions nos cultures individuelles comme notre culture commune, et je pense simplement que nous sommes de plus en plus contrôlés. Cet album porte sur le sentiment que nous sommes sous contrôle.

Un nouvel album sera-t-il écrit dans les mois à venir ?
Oui, nous travaillons sur un nouvel album pour le moment. Nous en sommes probablement à la moitié du matériel. Nous espérons qu’il sera prêt à la fin de l’année. Nous allons être de toute façon très occupés cette année parce qu’un grand nombre de festivals est prévu.

Comment s’organisent l’écriture et la composition ? Il semble que vous ayez une forte influence sur le groupe. Qui écrit les paroles et la musique ? Travaillez-vous ensemble ?
En fait ,les musique sont principalement composées par moi, tout comme les paroles et le reste. Vous savez, cela fait maintenant plusieurs années que nous travaillons ainsi, et on va continuer, à moins qu’on en ait assez. On ne fait pas ça pour faire plaisir, mais simplement parce que c’est le moyen le plus efficace pour nous pour avancer; après, si les gens apprécient, c’est formidable.

En regardant le dernier DVD, quelques lecteurs ont remarqué que certaines parties étaient jouées en « play-back » pendant les concerts. Est-ce que c’est quelque chose que vous allez essayer d’éviter à l’avenir pour produire un concert « 100% live », ou au contraire, ce play-back est-il destiné à respecter l’intégrité de votre musique ?
Bon, en réalité, il ne s’agit que de la seconde partie. Je ne fais pas partie de ces gens qui considèrent que des concerts doivent être à 100% live, c’est un peu comme dire : est-ce que vous roulez avec une voiture en bois ? Vous savez que ça ne fonctionnerait pas très bien et il faudrait certainement intégrer des éléments plus mécaniques, comme dans les voitures normales. Nous avons utilisé de petits samples tirés de la vie quotidienne, ils sonnent peut-être comme des éléments authentiques, mais il s’agit bien d’enregistrements. Certains groupes ont totalement enregistré leurs concerts, ce qui se révèle être de la fraude. Ces questions ont pas mal animé la communauté musicale ces dernières années, mais le fait est que les enregistrements sont là, dans certains cas, je pense qu’ils peuvent rehausser ce que nous faisons en live; en tout cas, en ce moment, nous trouvons cette expérience très excitante. Vous devez vous demander si les gens seront tout de même satisfaits, qu’il y ait ou non des enregistrements. Bon, c’est clair, ils sont satisfaits, mais bien entendu, vous trouverez toujours des gens qui diront : « mais ils trichent, ils utilisent des samples !  ». C’est un peu ridicule parce que les gens disaient la même chose des guitares électriques il y a trente ans !

Quel est selon vous le meilleur album pour commencer à écouter du Pendragon ?
Bon, je pense que beaucoup de gens ont considéré The Masquerade Overture comme un album néo-prog « intégral », mais je ne sais pas vraiment, il semble si différent. Certaines personnes ont bien aimé Not of this World, d’autres aiment Believe, je pense que ces trois disques sont bien représentatifs de ce que nous faisons parce que ce sont nos trois derniers.

Pendragon a toujours été attentif à l’esthétique de ses albums, comment travaillez-vous dans ce domaine ? Comment choisissez-vous les différents thèmes représentés sur vos pochettes ?
Les différents thèmes sont le reflet des chansons et des paroles, j’ai considéré « Dance of the Seven Veils » comme une chanson sur tous les gens autour de nous qui ont une certaine façon de penser et, à mesure que vous les connaissez – en fait, c’est un peu inspiré de mon mariage – vous les connaissez de plus en plus et vous voyez les voiles tomber les uns après les autres, alors qu’ils se dissimulaient depuis un bon moment. On a représenté cette idée par une femme orientale, je pensais à quelqu’un comme Salomé, une danseuse qui aurait eu une influence très puissante sur les autres personnes. Des voiles la cachent et ils la changent en serpent à mesure qu’ils tombent, cela montre que ces voiles cachaient quelque chose d’inconnu. Voilà, nous choisissons les images en fonction des paroles.

Selon vous, quelle est l’évolution du style « néo-prog » ? Est-ce que c’est une survivance des années 80, une certaine forme de nostalgie, ou y a-t-il de nouvelles pistes à explorer ?
Franchement, comme je le disais plus tôt, il y a de nouvelles voies à explorer. Je pense qu’il y a des périodes qui ont tendance à s’enfermer dans certains sons, maintenant, je ne peux vraiment pas imaginer rejouer un disque qui sonnerait comme The Jewel, il n’y a aucune issue à reprendre des pistes qui étaient déjà exploitées il y a vingt ans. Parfois, ça a du bon de regarder un peu ce qui se faisait il y a trente ans, les Mellotrons et les Moogs sont de retour, il y a une sorte de cycle et je ne serais pas surpris de réentendre les cuivres des années 80. Je ressens sincèrement aujourd’hui le besoin, et ce n’était pas le cas il y a dix ans, d’explorer de nouveaux horizons, d’aller de l’avant pour apporter quelque chose de nouveau au « néo-prog ». J’ai récemment entendu trois groupes dont je tairai les noms qui sont totalement dans l’univers des années 80, tout sonne comme dans les années 80 et je ne comprends pas pourquoi, surtout lorsque j’entends de nouveaux groupes comme Riverside, Porcupine Tree ou Pure Reason Revolution, je constate que tout cela développe une nouvelle énergie, même si je n’aime pas toujours ce que ces groupes font. J’entends des choses nouvelles apportées au public et je pense que nous devons nous diriger dans cette direction.

Que pensez-vous de la comparaison qui a été faite dans les années 80 avec Marillion ? Est-ce que vous seriez prêts à travailler avec ce groupe ?
Le Marillion d’autrefois ou celui de maintenant ? Bon, avant, il y avait Fish, et aujourd’hui, il n’y a plus Fish ! Ce serait difficile de travailler ensemble, parce que je pense que les deux groupes sont bien engagés dans leurs propres voies. J’avoue que je ne rangerais pas Marillion dans un strict – et j’insiste sur l’adjectif ici – style progressif, parce que je ne pense pas qu’ils aient envie d’être considérés comme tel. Ce serait difficile de travailler ensemble parce que vous êtes naturellement attirés par certaines catégories de personnes qui peuvent vous inspirer et par quelque chose, qui au final, sera bénéfique pour vous deux. Comment faire : deux batteurs ? Deux claviéristes ?… Je ne vois même pas comment concrètement nous pourrions réaliser un tel projet.

Est-ce que de jeunes groupes vous demandent conseil ? Que diriez-vous à un nouveau venu sur la façon d’écrire des chansons, de diriger un groupe ou de construire une carrière ?
Parfois, mais pas très souvent, quelques jeunes groupes nous contactent, je ne leur conseille pas vraiment grand-chose, parce qu’ils ont à construire leur propre chemin, ce serait un comble si je me mettais à donner des conseils à Steve Wilson parce que Pendragon est un plus ancien groupe que Porcupine Tree, mais Porcupine Tree est un groupe récent qui s’est inventé son propre univers. Il serait ridicule de penser que je pourrais donner des conseils à qui que ce soit. Les gens doivent trouver leur propre voie, et c’est en discutant avec les gens qu’on apprend beaucoup. Je pense que j’apprendrais beaucoup en parlant avec Dave Gilmour ou Andy Latimer, et c’est vrai, j’ai appris beaucoup, mais je veux continuer à faire ce que j’aime, à ma manière, en écartant ce que j’aime moins. C’est comme ça qu’on évolue et qu’on change.

Parlons un peu de rock progressif. Pourquoi aimez-vous cette musique, quelles sont vos principales influences ?
Je ne viens pas de ces racines musicales. Je viens plutôt de la musique pop, comme Slade ou T-Rex, enfin, des horizons plus rock comme Jimmy Hendrix, Deep Purple ou Led Zeppelin. Mais j’ai vraiment eu un choc la première fois que j’ai écouté The Dark Side of the Moon et Wish You Were Here. En fait, le groupe que j’apprécie par-dessus tout, c’est Genesis, ainsi que Camel. Ainsi, le goût pour le prog est venu graduellement. Je n’aime pas seulement le rock progressif, mais j’aime particulièrement ces groupes et ils sont devenus mes influences.

Qu’en est-il de la stratégie marketing de Pendragon, que pensez-vous des approches comme celle de Marillion et de son « fan power » ? Quel sera la place du web dans la communication de Pendragon ?
Je pense que l’idée d’un pouvoir des fans est une bonne chose, en tout cas, ça a bien fonctionné pour Marillion. Je ne suis pas sûr que ce serait le genre de choses que j’aimerais faire, Marillion a plus de fans que nous et ils peuvent se permettre ce genre d’opération, bien plus que nous. Pour le moment, je ne sais pas vraiment, la promotion de Pendragon est assez difficile, je compte ajouter de plus en plus d’infos sur le nouveau site que nous créons, à mesure que nous serons de plus en plus actifs. Néanmoins, les gens qui aiment Pendragon ne se sentent peut-être pas concernés par tout ce que nous disons ou faisons, je pense quand même qu’ils ont autre chose dans leur vie ! On communique pas mal dans les concerts, nous avons des retours en général assez encourageants et positifs de la part des gens, et lorsqu’il y a des retours négatifs, ils proviennent souvent de sites inintéressants ou de gens pour lesquels le seul mode d’expression est d’envoyer des emails injurieux ou de répandre des infos détestables sur internet. Tout cela est très neuf, en fait, on essaie de regarder un peu tout sur le web, mais je ne sais pas si ça en vaut toujours la peine.

Quel est votre sentiment sur le téléchargement illégal de votre musique ? Nous savons que vous défendez une position forte sur ce sujet.
En effet, parce qu’il est trop difficile de survivre financièrement et qu’il nous a fallu concéder énormément d’efforts pour composer Believe. On ne parle pas seulement des gens qui se font énormément d’argent et qui veulent absolument sortir un nouveau disque, mais moi, j’ai été obligé de vendre des biens personnels pour payer les sessions en studio, et c’est un sacrifice très difficile pour écrire un nouvel album, pour l’enregistrer, surtout que pendant ce temps, vous n’avez aucun revenu. Je me suis lourdement endetté, j’ai pris un vrai risque. On peut dire la même chose à propos de la tournée car on ne savait pas si les fans de Pendragon seraient toujours là et achèteraient leur ticket, ça a donc été un plus gros risque. Ainsi, faire tout ça pour se rendre compte que des gens écoutent le disque pour rien du tout, je trouve que c’est une démarche extrêmement égoïste et je suis profondément, très profondément triste de découvrir que des gens téléchargent nos albums. Un aspect plus spirituel de ma pensée me souffle que je ne peux honnêtement pas en vouloir aux gens qui téléchargent parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer l’album, j’ai plus de problèmes avec les gens qui ont toujours acheté leur musique, qui ont de bons revenus, et qui pourraient sans problèmes se payer le disque. Ils ont simplement arrêté d’acheter leur musique parce que ils peuvent maintenant l’avoir gratuitement et ils ont même l’audace de justifier leurs actes. C’est complètement faux : ma question c’est : « ok, et êtes-vous prêt à aller travailler gratuitement ?  » On peut télécharger quelques morceaux sur notre site web et les gens peuvent ainsi se faire une idée, ils peuvent entendre ce qu’on fait. Dans un sens, on donne quand même pas mal de musique gratuitement, on peut la prendre mais la diffuser illégalement, c’est du vol, c’est malhonnête, c’est totalement irrespectueux. Le résultat, c’est que de nombreux groupes ne peuvent plus se permettre de faire des concerts parce que ça leur coûte trop cher, et pendant qu’on fait de la musique, on n’a guère la possibilité de faire un autre métier. Je passe tout mon temps, avec ma petite amie, à me consacrer à mon travail et c’est pour ça que je pense que ce travail mérite le respect.

Propos recueillis par Jérôme Walczak

site web : http://www.pendragon.mu

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