Jesu - Conqueror

Sorti le: 25/02/2007

Par Jean-Daniel Kleisl

Label: Hydra Head Records

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Les labels se trouvent dans une situation inextricable. Confrontés qu’ils sont à une baisse continuelle et massive de leurs ventes d’albums depuis cinq ans – que le téléchargement légal de fichier musicaux est incapable d’absorber -, ils se trouvent devant un dilemme : promouvoir leurs artistes tout en devant limiter les coûts d’investissement (les années folles du CD sont bien loin) et, en même temps, essayer de limiter au maximum les risques de piratage de ceux-ci avant la sortie officielle des albums. Inutile de se le cacher, c’est un échec complet et souvent en raison de journalistes peu scrupuleux. Certains labels comme Hydra Head ont décidé de mettre leurs nouveautés d’importance en écoute en streaming sur des sites promotionnels. Ainsi, Conqueror a-t-il son petit site qui lui est consacré : http://www.jesuconqueror.com/ . Résultat pour votre serviteur : on lui envoie un CDR tout nu en guise de matériel de promo.

Quid de l’album ? C’est une déception relative à vrai dire ! Pourtant, dès le split de Godflesh, Justin Broadrick a fait de Jesu son projet principal. Plus planant, le projet prenait les fans de Godflesh quelque peu à contre-pied avec deux EP et son album éponyme. Le EP Silver, paru l’année passée, avait reçu des critiques élogieuses de la presse internationale. Conqueror, qui reprend en partie les recettes de cet EP, aurait dû au moins se hisser à ce niveau. Or, il n’en est rien ! Pour cet album, Broadrick (voix, guitares, claviers, bidouillages, production) et ses deux acolytes Ted Parsons (batterie) et Dermott Dalton (basse) ont misé à la fois sur la lenteur et sur la lancinance de leur musique conférant à l’album une très forte tonalité post-hardcore shoegaze mélancolique (sans les voix hurlées évidemment).

Ils auraient pu réussir leur pari, les bougres ! Comme toujours avec un projet signé Broadrick, la production est superlative. Si vous voulez écouter des guitares aussi lourdes mais aussi claires, il faut remonter à un certain Terria de papy Townsend. La partie centrale de Conqueror est en tous points remarquable, avec une mention particulière à « Weightless & Horizontal » qui en dix minutes de mélancolie insoutenable emporte très haut l’auditeur et ce, malgré la lourdeur des guitares. En effet, les claviers et, évidemment, la voix angélique de Broadrick donnent un aspect très éthéré à l’ensemble. Hé oui, Napalm Death est un lointain souvenir !
Cette recette est répétée inlassablement tout au long de l’album accentuant par là même son aspect lancinant. On pense à un Sigur Ròs accompagné de guitares massives (la voix de Broadrick n’est pas faite pour dissiper cette impression). De la lancinance à l’ennui, il n’y a qu’un pas que Broadrick, à notre sens, n’a pu ou su ou voulu éviter. N’est pas Sigur Ròs qui veut ! Il est d’ailleurs regrettable de ne pas avoir pu prendre connaissance des paroles des morceaux au moment de la clôture de cette critique. Peut-être que notre perception de l’album en aurait été totalement changée.

En définitive, le résultat est mi-figue, mi-raisin. S’il faut saluer la production, la volonté clairement affichée par le groupe de vouloir évoluer et 40 % de l’album réussis, on ne peut que déplorer la manque de variété de la musique proposée sur Conqueror et l’ennui qui en découle. Que l’on se rassure, les fans de Broadrick seront sans doute comblés mais on ne nous empêchera pas de penser que cette course à la lenteur que l’on constate depuis une année – écoutez les dernières productions de Cult of Luna ou d’Isis –, en est arrivée à un point de non retour. Un changement de cap s’impose désormais !