Man On Fire - Habitat

Sorti le: 10/09/2006

Par Djul

Label: 10t Records

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Profitons de la réédition du troisième album de Man On Fire sur 10T Records pour enfin parler de ce groupe dans nos pages ! En effet, après être sorti sur ProgRock Records l’an dernier, Habitat est disponible par le biais de ce nouveau label américain qui abrite désormais la formation de Jeff Hodges.

Après deux albums passés relativement inaperçus, The Undefined Design et un premier essai éponyme, Man On Fire frappe à plus d’un titre un grand coup avec Habitat. En premier lieu, Adrian Belew joue sur la plupart des morceaux de l’album. Et si le chanteur/guitariste de King Crimson a pu être critiqué sur certaines de ses (trop prévisibles) apparitions sur d’autres albums (comme sur Deadwing de Porcupine Tree), il est évident qu’ici, il ne s’est pas contenté de passer deux heures dans un studio : la plupart de ses interventions sonnent très justes et s’intègrent parfaitement dans les compositions. David Ragsdale, violoniste pour Kansas et The Smashing Pumpkins (oui, c’est compatible !), apporte lui aussi une touche de fraîcheur à la musique assez carrée et parfois froide de Man On Fire. Deuxième succès : la production. Si celle-ci est assez synthétique et fait que l’ensemble peut sonner « années 80 » (les claviers notamment), ce parti pris sied parfaitement aux compositions puissantes et efficaces du groupe, et l’équilibre de chaque instrument est quant à lui irréprochable. Le concept de Habitat apporte également de la profondeur au disque : douze titres, douze points de vue sur la vie urbaine qui se recoupent et font apparaître des liens entre les personnages dépeints. Parfois, le parolier Steve Caroll tombe dans la facilité (la dénonciation des « CEO » américains sur « Mr. Lie »), mais il propose le plus souvent de fort justes observations sur l’effet de la société et de l’environnement moderne sur ses habitants.

C’est dans ce cadre attractif et professionnel que le groupe a composé des morceaux dans une veine très « américaine », où les influences de Rush, Enchant, et dans une moindre mesure Kansas se font sentir. Jeff Hodges, aux claviers et au chant, a donc composé des morceaux courts et efficaces, portés sur la mélodie et sur sa voix, à mi-chemin entre un Geddy Lee montant moins dans les aigus et un chanteur de l’époque grunge. Malgré tout, et en dépit de premières écoutes mitigées, ce manque d’originalité est vite comblé par de petites trouvailles de production et des enluminures rythmiques ou instrumentales qui surprennent à chaque écoute. Les breaks sont également assez nombreux et permettent d’enrichir les morceaux. Mais surtout, c’est la qualité des compositions elles-mêmes qui convaincront les amateurs du genre : du rock puissant et rythmé sur « The Block » et « Beast Inside », une ballade qui s’emballe intelligemment (« What The Canvas Hides ») ou encore des titres plus ambitieux incluant des influences presque new-wave (les sonorités de claviers aidant) sur « Shelter » ou l’excellent « Broken ». On se prend à chantonner les refrains de « Street Game » ou « Never Lost  », et à revenir à l’album plus souvent que l’on ne l’aurait cru au départ.

Il est assez paradoxal de constater que Habitat est au premier abord très accessible, mais qu’il ne révèle ses qualités (et sa « progressivité », excusez le barbarisme) qu’après de nombreuses écoutes. S’il est à recommander en priorité aux amateurs de la scène nord-américaine, il saura aussi plaire aux fans de néo-progressif peu à la fête en ce moment, et plus généralement à ceux qui ne sont pas effrayés par la perspective que la musique qu’ils écoutent puisse passer à la radio ! Rendez-vous en 2007 pour confirmer ce coup d’éclat avec un cinquième album.