ENTRETIEN : ORVAL CARLOS SIBELIUS

 

Origine : France
Style : Prog-Pop
Formé en : 2000
Composition :
Orval Carlos Sibelius – chant, instruments
Jérôme Lorichon – batterie, claviers
The Konki Duet – chœurs, voix
Dernier album : Orval Carlos Sibelius (2006)

Etrange artiste français, Orval Carlos Sibelius propose avec son premier album éponyme une douzaine de miniatures pop, progressives et psychédéliques. Issu de la scène indépendante, il revendique cependant une certaine affiliation aux musiques expérimentales, auxquels il fait souvent d’ingénieux clins d’œil.

Progressia : Bonjour OCS ! Peux-tu nous faire une brève présentation de ta carrière avant ce premier album solo ?
Orval Carlos Sibelius:
Avant Orval Carlos Sibelius, j’étais Snark, et je faisais de la musique faussement électronique réalisée sur un quatre pistes. J’en ai eu marre et je me suis acheté un magnétophone numérique douze pistes. Les morceaux sont devenus plus ambitieux, avec plus de chant, plus d’instruments et moins de synthés cheap.

Progressia : Pourquoi avoir choisi ce pseudonyme à tiroirs pour ce disque ?
C’est un hommage aux musiciens du duo allemand Cluster qui avaient des patronymes pas banals (Dieter Moebius et Hans-Joachim Roedelius), mais cela n’a pas facilité le succès de leur carrière solo…

Les morceaux de Orval Carlos Sibelius ont été composés entre 2000 et 2005. Pourquoi une si longue période ?
J’aurais bien voulu aller plus vite, mais j’ai pas mal traîné en chemin. Je pourrai te dire que j’avais des doutes sur la direction à suivre, que je me suis plusieurs fois remis en question, que j’étais pris par d’autres projets… Mais la vérité c’est que je suis plutôt un flemmard. Et en plus, je suis complètement technodébile : j’ai perdu beaucoup de pistes lors d’une défragmentation hasardeuse. Bien sûr, je me suis dit : « C’est la meilleure chose qui pouvait m’arriver ! ».

As-tu du retoucher la production pour uniformiser les titres de l’album ?
Le son du disque s’est révélé au moment du mixage avec mon ingénieur du son, le sémillant Emiliano Flores. Il est doté d’une bonne paire d’oreilles et de goûts sûrs en matière de musique. On a passé mes morceaux sur bandes magnétiques, on a utilisé des effets de réverbération à ressort…

Parle-nous des interventions des quelques artistes qui t’ont prêté main forte sur le disque…
Il y a d’abord Kumi et Zoé, mes deux copines membres de The Konki Duet (groupe de prog de filles). Elles chantent sur quelques morceaux, et surtout, elles m’ont motivé pour faire ce disque, parce que je suis amoureux des deux. Je pensais qu’une fois le disque terminé, elles me tomberaient dans les bras. Malheureusement, il n’en est rien. Il y a aussi Jérôme de Berg Sans Nipple (excellent duo post-rock instrumental) qui fait de la batterie et du Fender Rhodes sur deux titres. En ce qui le concerne, je lui carrément volé une boucle de Rhodes pour en faire un morceau à moi (« Moselle »). Mais je n’ai jamais été amoureux de lui !

Tu nous as présenté ton disque comme de la pop progressive. Pourquoi cette appellation ?
Pourquoi pas ? Cette appellation en vaut une autre.

Quelles sont tes influences progressives ?
Le rock progressif est la musique que j’écoutais quand j’étais ado, ça a beaucoup compté pour moi. Pink Floyd, Yes, Genesis, King Crimson, Van der Graaf Generator. J’ai vécu de grandes émotions à l’écoute de ces disques. Mais à l’époque peu de gens en parlait, il n’y avait pas internet, j’achetais des disques au pif sur la foi des pochettes. Elles me faisaient rêver, les pochettes, surtout celles de Roger Dean pour Yes ou les travaux d’Hipgnosis pour Pink Floyd. Et puis après le bac j’ai arrêté d’écouter du prog, je me suis plus tourné vers l’indie-pop, qui racontait autre chose que « Nous sommes du soleil ! » ou des histoires de « Squonk ». Des années plus tard, je me suis repenché sur ces disques et ce que j’y ai entendu m’a touché de nouveau.

Ton chant et un goût pour une instrumentation décharnée rappellent beaucoup Robert Wyatt…
Oui, je plaide coupable, particulièrement sur mon morceau « Finally », qui est une sorte d’hommage.

Te sens-tu un lien de parenté avec des artistes psychédéliques venant eux aussi de la scène indépendante, tels les Flaming Lips ou, dans une moindre mesure, Mercury Rev ?
Euh, oui j’aime bien les Flaming Lips …

Pour toi, le format court d’un titre est-il le seul (ou le meilleur) moyen de t’exprimer, ce qui explique la structure pop de tes chansons ?
Pour cet album je voulais faire un morceau de 20 minutes, à l’ancienne, entremêlant cinq ou six morceaux. Mais au final j’ai abandonné l’idée. Je ne trouvais pas de concept approprié, ça faisait trop collage. C’était la grenouille qui se voulait aussi grosse que Genesis. J’ai donc gardé les parties les plus intéressantes et j’en ai fait des petites chansons indépendantes qui se retrouvent sur le disque. C’est beaucoup plus digeste comme ça.

Comment composes-tu ?
Je trouve mes suites d’accords dans des rêves où les fruits, les légumes et le pain sont des instruments et chacun d’eux possède une mélodie qui lui est propre. Ensuite je me réveille, j’ai tout oublié et je compose mes morceaux de manière plus traditionnelle avec une guitare, un synthé, ou une boucle de son. D’abord vient la mélodie, ensuite il faut trouver les mots qui vont être chantés. On arrange un petit peu et à la fin on a ce qu’on peut appeler une chanson.

Les différents éléments électroniques sont-ils ajoutés une fois cette trame musicale composée, ou font-ils partie de la composition elle-même ?
Comme je te le disais, parfois un morceau naît d’une boucle, mais au final cette boucle n’apparaîtra que quinze secondes dans le morceau. Chaque couche d’arrangement est une partie du processus de composition.

De quel matériel disposes-tu pour ces sonorités très vintage ?
Un vieux synthétiseur Yamaha monophonique 70’s, un orgue Farfisa, un piano électrique Roland assez cheap. Dans le fond, je ne fais pas la course à l’équipement vintage. Je suis juste content de ne pas avoir de Mellotron, sinon j’en aurai foutu partout !

« Mister Heart of Stone » est en écoute sur notre site : un mot sur ce titre en particulier, le « tube » de l’album ?
J’ai écrit ce morceau alors que mon père était à l’hôpital, on lui avait diagnostiqué une maladie qui se révèlera sur le long terme. Et moi, j’étais en train d’apporter la touche finale à mon disque, dans un état d’euphorie rêveuse et je me sentais coupable d’éprouver toute cette joie alors que mon père était au plus mal. Le « Monsieur cœur-de-pierre » du titre, c’est donc moi.

Sur le visuel de l’album, pourquoi avoir choisi cette illustration quasi-christique et qu’elle en est la signification ?
C’est une blague de Pixel Crap, le graphiste. Il a utilisé cette photo de moi avec les cheveux très longs et en a fait une sorte de Saint Suaire végétal. J’ai trouvé ça marrant, très Sibelius, et on a gardé.

Le rock progressif est-il redevenu tendance, avec toutes ces jeunes formations qui en revendiquent l’héritage ?
Je ne sais pas très bien qui sont les nouvelles formations dont tu parles, et je ne suis pas très bien placé pour dire ce qui est tendance ou pas. Je n’écoute pratiquement que des vieux trucs. Mais quand j’allume la télé, je n’ai pas l’impression que se dessine un revival prog.

Faudra-t-il attendre 2011 pour le prochain album ?
Au rythme où vont les choses, j’en ai bien peur.

Qu’en est-il d’éventuels projets de tournées, pour finir ?
Ce disque est avant tout un projet de studio (ou de chambre, vu que j’ai pratiquement tout enregistré dans ma chambre) et il est quasiment impossible de reproduire les arrangements en live, à moins de jouer sur des bandes, mais ça je refuse. Donc non, pas de concert, pas de tournées prévues.

Propos recueillis par Djul

site web : http://www.myspace.com/orvalsibelius

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