Riverside – Riverside

ENTRETIEN : RIVERSIDE

 

Origine : Pologne
Style : Rock Progressif
Formé en : 2001
Line-up :
Mariusz Duda – chant, basse, guitare acoustique
Piotr Grudzinski – guitares
Michal Lapaj – claviers
Piotr “Mitloff“ Kozieradzki – batterie
Discographie :
Voices In My Head (2002)
Out Of Myself (2003)
Second Life Syndrome (2005)

Après un premier essai, Out Of Myself, qui avait fait parler de lui en termes élogieux, les Polonais de Riverside étaient attendus au tournant. L’essai est transformé avec Second Life Syndrome. Nouvel album (réussi), nouveau label, autant de raisons de nous entretenir avec Mariusz Duda, tête pensante de Riverside, que l’on pensait un brin torturé mais qui montre ici le visage d’un garçon charmant qui a accepté avec enthousiasme de répondre aux questions de nos lecteurs.

Progressia : Avant de parler de Second Life Syndrome, il faut revenir sur Out Of Myself. Il faut reconnaître qu’il a fait l’effet d’un gros pavé jeté dans la mare !
Mariusz Duda: Tu l’as dit ! Pour être honnête, nous n’attendions pas autant d’ondes positives. On espérait que ce disque soit apprécié de quelques initiés, mais force est de constater que les choses ont été bien plus loin. Pour ma part, la surprise est d’autant plus grande que j’ai vu que des amateurs de progressif seventies, tout comme des fans purs et durs de metal avaient accroché. Je suis donc ravi de voir que notre musique ne se limite pas à une catégorie d’auditeurs. A partir de là, j’ai vraiment le sentiment d’une mission accomplie. Ce fut d’ailleurs une source de motivation et de pression, puisque que les gens nous attendaient avec Second Life Syndrome (SLS).

L’engouement suscité par Out Of Myself vous a permis de vous produire sur la scène de festivals européens assez réputés comme le Prog Power et le festival de Sarlat. Pensez-vous que le fait prendre part à ces événements soit à l’origine de votre récente signature chez Inside Out ?
Je pense. Nous avions envoyé notre album à Inside Out et nous avions cru comprendre qu’ils avaient apprécié. Je crois aussi que notre concert lors du Prog Power y est pour beaucoup car un membre de leur équipe était présent au festival. De plus les concerts dont tu as fait mention sont revenus à plusieurs reprises comme concerts de référence chez un grand nombre de personnes. Donc oui, à mon avis, tout ceci est à l’origine de notre signature chez Inside Out.

Parlons maintenant de Second Life Syndrome. Il semble que le disque reprend la suite de l’histoire commencée sur Out Of Myself. Peux-tu brièvement nous remettre dans le concept ?
SLS est le deuxième volet d’une trilogie démarrée sur Out Of Myself et qui, tu t’en doutes, prendra fin sur notre prochain disque ! (Rires) L’idée d’une trilogie m’est venue immédiatement après l’enregistrement de notre premier album. L’histoire tourne autour d’un homme qui se cherche, qui remet en question sa place dans le monde. J’ai souhaité présenter cela comme des pages qui se tournent, un peu à la manière d’un journal intime. SLS reprend à l’endroit où l’histoire s’est arrêtée sur Out Of Myself, lorsqu’il cherche à sortir de sa coquille, à vivre une vie normale avec quelqu’un qu’il aime. Mais les choses se passent mal, du coup il s’enferme à nouveau et s’effondre. Sur SLS, il cherche à revivre et à instaurer des changements dans sa vie. Cela influence l’histoire, qui devient un peu plus dure mais aussi la musique, plus sombre. Deux sujets principaux sont abordés dans SLS : d’une part, les changements de notre personnage, faible et chétif au départ, qui devient quelqu’un de plus mûr et dur. D’autre part, au moment où il sent qu’il a réellement changé, il se pose la question de savoir si cette évolution l’a amené là où il voulait aller. Je pense que la réponse à cette question sera sur notre prochain album (Rires).

Vous avez l’air de passer avec une facilité déconcertante de titres courts à des titres épiques. J’en veux pour preuve l’enchaînement « Conceiving You » avec « Second Life Syndrome »…
Nous aimons varier les plaisirs. On dit que les plaisirs les plus courts sont les meilleurs, mais certains longs plaisirs ne sont pas mal non plus ! (Rires) Les titres « courts » viennent en général d’un travail de composition individuel. Il m’arrive par exemple de prendre une guitare quand j’ai une idée bien précise, et de l’exposer aux autres. A contrario, les titres épiques naissent d’un travail plus commun. L’approche est vraiment différente, et en ce qui me concerne, je trouve que les deux « pavés » présents sur SLS constituent les sommets de cet album. En même temps, une chanson comme « Conceiving You » montre que nous sommes également à l’aise dans ce type de formats.

Tu mentionnais le titre éponyme. Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur sa création ? Ou êtes-vous allé chercher cet incroyable passage instrumental au beau milieu du titre ?
Chaque idée nous vient lors des répétitions. Je me souviens qu’au début nous n’avions que la première partie. La seconde est n’est venue qu’ensuite, puis nous avons repris le refrain de la première partie. Au final, lorsqu’on s’est aperçu que ça l’ensemble durait près de seize minutes, on s’est dit que c’était affreusement long ! (Rires). C’est un mal pour un bien, puisque ce titre a permis à Piotr, notre guitariste, de se laisser vraiment aller sur un long solo de deux minutes. Je crois que c’est le titre qui nous a donné le plus de fil à retordre, mine de rien.

Votre musique est extrêmement sombre, mais elle est rehaussée de claviers qui apportent un peu de « lumière » et qui apportent des éléments propres au néo-progressif. Cherchez-vous à ne pas vous enfoncer un peu plus dans la noirceur ?
Sur ce point, je dirais qu’il y une grande différence entre Out Of Myself et SLS. Michal ne joue pas sur notre premier album, alors que son empreinte est plus marquée sur SLS, d’ou le côté heavy et sombre de l’album. Jacek, notre ancien claviériste, avait une approche plus « lyrique ». A l’inverse, celle de Michal est plus « Rock’n’roll », c’est un grand fan de Deep Purple et de Jon Lord. Son jeu est pour moi le fil rouge de ce disque et je crois que c’est ce qui le rend différent en bien des points de Out Of Myself.

Peux-tu nous parler du graphisme du disque, qui est très soigné ? Comment êtes-vous rentrés en contact avec Travis Smith ?
Quand notre premier disque est sorti chez Laser’s Edge, la question du graphisme s’est posée. Le label était d’accord pour sortir notre disque, à condition d’en changer le graphisme (NDDan : Out Of Myself est également sorti en digipack avec un graphisme différent). Ils nous ont donc parlé ce quelqu’un qui travaillait entre autres sur les pochettes d’Anathema ou Opeth, en l’occurrence Travis Smith. Imagine : ce sont nos groupes cultes ! Dans notre tête, cela ne pouvait nous apporter que du positif de travailler avec lui ! (Rires) Nous avons échangé beaucoup d’emails, et j’ai pris beaucoup de temps pour lui expliquer l’histoire. Le résultat a dépassé mes attentes. Ainsi, quand nous avons décidé de faire une trilogie, j’ai écrit à Travis, d’une part pour lui dire que nous changions de label et d’autre part pour lui dire que nous ne nous voyions pas travailler avec quelqu’un d’autre que lui pour ce projet de trilogie. Il m’a avoué qu’il appréciait beaucoup notre musique et qu’il était d’accord pour continuer avec nous. Il travaille déjà sur le dernier volet de notre trilogie.

Tu sembles nous dire que votre troisième album est déjà en chantier. Artistiquement, ce disque s’inscrira-t-il dans la continuité des deux premiers, de manière à obtenir quelque chose de très cohérent ? Ou bien, à l’inverse, pensez-vous explorer une nouvelle direction musicale en essayant par exemple d’intégrer de nouveaux éléments stylistiques à votre musique ?
Pour être honnête, je ne sais absolument pas comment cela va se passer. Nous ferons quelque chose de différent de nos deux premiers albums, c’est évident. Mais nous ne cherchons pas forcément à être encore plus heavy et sombres. Je ne veux surtout pas paraître prétentieux en avançant cela, mais SLS est à notre discographie ce que L’Empire Contre Attaque est à la Saga Star Wars. Je suis confiant pour l’avenir et je peux te dire que nous sortirons un excellent disque, qui sera, comme je le disais, différent de ses prédécesseurs, mais toujours dans l’esprit Riverside. Je puis néanmoins assurer qu’il sera plus « optimiste » que SLS.

Pour beaucoup d’auditeurs, Riverside est le chaînon manquant entre des groupes comme Porcupine Tree et Anathema d’un côté et Opeth de l’autre. Ceci est-il dû selon toi à votre mélange de chant clair et de chant rauque ? Pensez-vous à l’avenir conserver cette alternance ? Est-ce là le style Riverside ?
Sur notre mini album Voices In My Head, on trouve cinq titres sur lesquels il n’y a pas une once de chant agressif. Néanmoins, à l’écoute, cela ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un disque de Riverside. La présence de chant agressif n’est liée qu’à la musique elle-même. La montée en puissance est telle qu’il faut y ajouter un petit détail de plus. Si, sur notre prochain album, il n’est pas nécessaire pour moi de beugler, je ne vais pas m’y forcer juste pour faire plaisir. En revanche, si la musique m’incite à le faire, qu’il en soit ainsi. Cela doit rester spontané et ne pas devenir un stéréotype.

Les gens ont parfois tendance à poser une étiquette sur le style musical de chaque groupe. En ce qui vous concerne, il faut avouer que c’est un peu plus difficile. J’imagine que vous devez être satisfaits de ne pas être catalogués d’une quelconque manière, et que votre public soit composé de fans de progressif mais également d’amateurs de metal plus traditionnel ?
Je pense pouvoir affirmer que nous avons notre propre style. Nous souhaitons rester progressifs et continuer à évoluer constamment. Je ne sais pas de quoi l’avenir est fait, ni de quoi sera fait notre prochain album, mais je pense qu’il plaira aux fans de progressif et aux fans de metal. Après une certaine réflexion, je pense que notre musique n’est ni trop dure pour les amateurs de progressif ni trop molle pour les fans de Metal. Il serait fou de dire que nous avons trouvé le parfait équilibre entre les deux genres, mais je peux dire que nous n’en sommes pas loin. Nous voulons pouvoir faire en sorte que, dès les premières notes d’un morceau, nous soyons reconnaissables.

Tu as pris part à l’album d’Indukti. Est-ce là une collaboration unique ou prévois-tu de réitérer l’expérience avec eux ?
J’ai de très vagues souvenirs de cette collaboration, même si j’aime beaucoup leur musique. Ils m’ont demandé de chanter sur leurs titres et j’ai accepté sans hésiter, d’autant qu’ils m’ont laissé totale carte blanche pour les textes et les lignes de chant. Ils m’ont fait confiance et je me considérais plus comme un membre du groupe qu’un invité à qui l’on soumet des paroles et une ligne de chant. Je ne sais pas si je serai sur leur prochain disque, l’avenir le dira. Pour le moment, c’est une simple collaboration : je suis suffisamment occupé avec Riverside et il me serait bien difficile de gérer deux groupes.

La scène metal polonaise ne comportait, jusqu’à votre émergence, qu’un seul ambassadeur mondialement reconnu, Vader. Il y a beaucoup d’autres groupes de death comme Behemoth ou Abused Majesty, mais qu’en est-il de la scène progressive polonaise ? Y a-t-il des groupes qui tentent de se faire un nom ?
La scène musicale polonaise est dominée par la pop, le hip-hop et les majors ! Il y a une scène progressive, mais tu n’as aucune chance de réussir en Pologne si tu chantes en anglais (NDDan : un peu comme en France…). Nous avons fait notre choix. Pour ma part, jamais je n’ai eu de plaintes concernant mon accent quand je chante en anglais… je touche du bois ! (Rires) Cependant je pense que Riverside est vraiment un cas à part car, sans aucune prétention, notre approche de la musique et du progressif est originale. En Pologne, les groupes de progressif sont plus axés sur le néo-progressif, qui est plus ou moins tombé en désuétude. J’espère que le progressif polonais verra néanmoins des jours meilleurs. Aujourd’hui, seuls Indukti et nous surnageons dans ces méandres culturels spécifiques à la Pologne.

Est-ce que Riverside a des projets de tournée ?
Nous étudions des possibilités pour tourner au printemps prochain en Pologne et ailleurs en Europe. Ce serait après Pâques. Une douzaine de dates devraient constituer le « Second Live Syndrome Tour ». Nous étudions également des possibilités aux Etats-Unis. Si cela se faisait, ce serait aux alentours de mai-juin.

Une question rituelle maintenant : qu’écoutes-tu en ce moment ?
Je me suis fait plaisir hier en achetant dix albums de Rush récemment remasterisés. J’ai du profiter sans le savoir d’une offre spéciale parce que ces disques n’étaient pas très cher. C’est chouette, maintenant j’ai A Show Of Hands ! (Rires) Geddy Lee est mon maître spirituel et Permanent Waves est probablement mon disque préféré de Rush. J’ai laissé tombé Rush il y a une dizaine d’années, ce serait trop long à expliquer, mais depuis peu, j’ai redécouvert le groupe et je ne m’en lasse pas. A part cette boulimie, j’ai acheté Ghost Reveries d’Opeth.

Le mot de la fin ?
J’espère que Second Life Syndrome vous plaira. Dans le cadre de notre tournée, il y aura une date à Paris. Elle n’est pas encore définie, mais soyez rassurés, c’est au programme. J’espère sincèrement que vous serez nombreux au rendez-vous, ce serait un grand plaisir que de vous rencontrer ! A l’année prochaine !

Propos recueillis par Dan Tordjman

site web : http://www.riverside.art.pl/eng

retour au sommaire