Spock’s Beard – Spock’s Beard

ENTRETIEN : SPOCK’S BEARD

 

Origine : Etats-Unis
Style : Rock Progressif
Formé en : 1993
Line-up:
Nick D’Virgilio – chant, guitare et batterie
Alan Morse – guitare et chœurs
Dave Meros – basse et chœurs
Ryo Okumoto – claviers
Jimmy Keagan – batterie en concerts et chœurs
Dernier Album :
Octane (2005)


A horaire inhabituel, interview inhabituelle. Alors qu’Octane, la dernière offrande studio de Spock’s Beard, est sortie depuis un petit moment maintenant, l’occasion était toute trouvée pour faire le point sur le parcours de la Barbe la plus célèbre du progressif. Nous avons retrouvé Nick D’Virgilio après le concert pour revenir sur les grands chapitres de l’histoire de Spock’s Beard. Dis Nick, tu nous racontes une histoire ?

Progressia : Avant de commencer l’interview, parlons franchement… ce doit être bizarre pour vous de jouer en début d’après-midi ! Qu’avez-vous pensé de ce concert ?
Nick D’Virgilio :
Il est évident que ça ne fait pas partie de nos habitudes (Rires). Mais à part cela, nous sommes globalement satisfaits : il y avait un super public (NDLR : bien peu nombreux hélas) dans une très bonne salle… De toute façon c’est toujours un plaisir de jouer à Paris on n’en garde que des bons souvenirs. Quant à la présence de Mike Portnoy, c’était une surprise, histoire de faire regretter aux lève-tard du week-end de ne pas s’être bougés un peu plus tôt (Rires) !

Nous voudrions revenir aux débuts du groupe. Au moment où vous avez écrit et sorti The Light, le rock progressif était plus ou moins tombé en désuétude. Quel était pour vous l’intérêt de sortir un tel album dans un contexte si peu favorable ?
On s’est dit qu’on n’avait rien à perdre ! Au diable le contexte. Nous nous étions rencontrés avec Neal et Alan dans des clubs de Los Angeles, et tout est parti de quelques bœufs. Neal avait déjà composé toute la musique de ce qui allait devenir The Light, et il essayait de monter un groupe autour de ces titres. Tout a de suite fonctionné entre nous car nous avions des influences communes. Les démos de Neal m’ont beaucoup plu et nous avons commencé, sans Ryo et avec un autre bassiste, Dave Meros nous ayant rejoint un peu plus tard. Après quelques concerts, on s’est dit qu’il fallait enregistrer cet album coûte que coûte. Or nous étions fauchés comme les blés. Le seul d’entre nous qui s’en sortait plus ou moins c’est Alan. Du coup on a claqué 4 500 dollars pour enregistrer The Light ce qui est peu pour enregistrer un album. Il s’est avéré qu’à la suite de cet enregistrement les choses sont allées bien plus vite que prévu, puisque nous avons été invité pour le Progfest en 1995. Pour être honnête, on ne savait même pas que ce genre de festival existait, et encore moins qu’il y avait une scène progressive, alors que nous croyions que tout le monde ne jurait que par Nirvana, Alice In Chains ou Soundgarden. C’était agréable de voir qu’il restait encore des amateurs de progressif et surtout, on était ravi de voir qu’il existait un marché dans ce genre musical.

Qui étaient vos modèles à cette époque ?
Je ne sais pas quoi te répondre. Je jouais mes parties le plus simplement possible, sans penser à qui que ce soit en particulier. Neal pourrait mieux répondre à cette question vu que c’était le principal compositeur. Malgré cela, nous avions une certaine liberté d’arranger nos parties respectives. Donc j’ai inclus dans mes parties de batteries quelques plans piqués à Phil Collins.

Tu as précisé que Neal fournissait le gros des compositions. Quelle était alors votre part d’implication dans le groupe ?
Il nous envoyait des démos avec les canevas des chansons et nous procédions aux arrangements tous ensemble.
Passons à The Kindness Of Strangers. Cet album se démarque par un côté plus rock et plus direct. Penses-tu qu’il est a l’origine de votre son actuel ?
Je ne crois pas. Nous sommes tous fans de pop. Neal a à nouveau composé une grosse partie de ce disque. Il est fan des Beatles, de Crosby Stills and Nash et on le sent un peu dans sa musique. Je pense que c’est venu de manière naturelle, qu’il n’a pas cherché à se démarquer volontairement d’un point de vue stylistique.

A l’inverse V est beaucoup plus progressif et plus technique, avec de longs passages instrumentaux pour le moins difficiles…
C’est vrai qu’à cette époque, notre public s’est de plus en plus composé d’amateurs de progressif. On venait de tourner pour Day For Night et surtout nous avions ouvert pour Dream Theater. Il est évident que ce fut une étape qui a eu un impact énorme et qui nous a permis d’élargir considérablement notre public. On a cherché à sonner le plus « progressif » possible. La tournée avec Dream Theater n’est pas pour rien dans le fait que album est extrêmement complexe et riche.

Autre tournant dans votre discographie : Snow. Pour beaucoup, ce fut la surprise car cet album est très personnel pour Neal. Beaucoup y ont vu sa manière de s’exprimer… Penses-tu que cet album soit à l’origine de la volonté de Neal de suivre son propre chemin ?
Je n’en ai aucune idée et je t’avouerais que nous n’en avons jamais vraiment discuté, même si nous voyions déjà à l’époque qu’il se rapprochait de plus en plus de la religion… Mais de là à ce qu’il quitte le groupe… on ne s’y attendait pas.

Avec du recul, quel est ton sentiment vis-à-vis de Snow ?
J’aime ce disque. Je l’écoute de temps en temps, notamment lors de mes trajets entre la Californie et Las Vegas, où je m’enquille les deux disques (Rires) ! Non, je n’ai aucun problème avec ce disque, je l’adore.

Du coup après le départ de Neal, tu as décidé de passer sur le devant de la scène. Pourquoi ce choix ?
L’opportunité était là, il ne fallait pas la laisser passer. J’avais l’intime conviction que j’étais le meilleur pour ce poste.

Cette solution s’est vite avéré être la bonne puisque de disque en disque, tu avais de plus de chant lead
Effectivement, je chantais deux titres sur Snow. Et vu que je faisais beaucoup de chœurs, il est devenu clair que le chant lead me revenait de droit. Les autres membres étaient d’accord sur ce point.

Tu sembles très à l’aise micro en main … mais que préfères-tu réellement ? Etre sur le devant de la scène ou derrière ta batterie ?
J’aime les deux, bien évidemment, mais j’ai tout de même une préférence pour le chant parce que ça me permet d’être sur le devant de la scène et de délirer avec le public. Je joue de la batterie en tant que musicien professionnel depuis de nombreuses années. Laisser les baguettes pour le chant lead, ça fait du bien de temps en temps, je peux me lâcher un peu plus. J’ai déjà fait cette expérience par le passé mais dans des groupes de reprises, pour le fun plus qu’autre chose. En fait, la sensation n’est pas la même quand tu chantes une reprise ou une composition… tu es forcément plus au taquet quand c’est ta propre création que tu interprètes. Même si j’ai bien roulé ma bosse en termes de concerts, Spock’s Beard me permet de me lâcher réellement, sans qu’on vienne me dire que j’ai exagéré à tel ou tel moment. Maintenant, pour beaucoup, je suis devenu le leader du groupe. Je n’aime pas trop ce terme, mais en concert, il ne me procure que du plaisir.

Quel était l’état d’esprit du groupe quand vous avez commencé à composer sans Neal ?
J’avais déjà composé « A Guy Named Sid », qui à la base était prévu pour un album solo. Quand Neal a quitté le groupe et que nous nous sommes demandés ce que nous allions faire, j’ai pris la décision d’être le nouveau chanteur du groupe. La meilleure manière de convaincre mes collègues était de finir ce titre et de leur montrer.

Ce départ qui, au début, semblait vous pénaliser, vous a finalement permis d’ouvrir la porte à des amis compositeurs, qui vous ont aidé sur certains titres de Feel Euphoria
Absolument ! Nous avons embarqué Stan Ausmus et John Boeghold qui, en plus d’êtres des amis, sont des musiciens et compositeurs talentueux. A ce moment-là, on écrivait nos titres sans s’imposer la moindre limite. Tout ce qui nous plaisait finissait sur l’album, et basta. Un véritable travail de groupe.

Passons aux questions des membres de notre forum : avez vous une ligne directrice lorsque vous composez ? Un instrument précis à utiliser, écrire un titre épique, etc. ?
Pas vraiment, à part peut-être pour A Guy Named Sid, qui était ma première véritable tentative dans l’écriture d’un titre épique. Mais la plupart du temps, nous ne réfléchissons pas ainsi. Sur Octane, « A Flash Before My Eyes » s’est construit de manière inverse : j’avais plusieurs chansons que j’ai préféré finalement arranger et lier entre elles de manière à faire un tout. Nous sommes assez ouverts : on essaie différentes choses en studio et si ça passe tant mieux, si ça ne passe pas, ça servira plus tard, sous une autre forme. Ce changement de style et cette nouvelle manière de fonctionner s’explique simplement : Neal n’écrit plus avec nous. Nous sommes un véritable groupe maintenant, et il a le sien.

Force est de constater que depuis le départ de Neal, l’approche de vos morceaux est bien plus heavy, directe et carrée.
C’est possible. Comme je le disais, nous sommes tous fan de musiques différentes : pour ma part, de Genesis, Alan de Queen et de Zappa, etc. Il est évident que tout cela se mélange, mais pour nous, qui composons cette musique, la question ne se pose pas, c’est on ne peut plus naturel.

Qu’écoutes tu-en ce moment ?
En ce moment, plein de choses différentes : Muse, Porcupine Tree, le dernier album de Beck…

On a pu voir un peu partout qu’un vote a été lancé pour que Jimmy Keagan, qui vous accompagne en tournée, devienne un membre a part entière du groupe. Qu’en penses-tu ?
Ca fait longtemps qu’on nous ressasse ce sujet (rires) ! Plus sérieusement, je ne tiens pas à ce que Jimmy fasse partie de Spock’s Beard. Ca peut paraître égoïste, mais je tiens à jouer de la batterie sur les prochains albums du groupe. Jimmy le sait et ça ne lui pose aucun problème. J’ajoute que c’est un vrai plaisir de l’avoir avec nous en tournée : c’est notre Chester Thompson !

As-tu des projets de démonstrations de batterie en France ?
Non pas pour le moment hélas. J’aimerais beaucoup faire quelques master-classes chez vous. Mais pour cela, j’attends qu’il y ait une demande, et surtout que mon planning s’allège (rires).

Propos recueillis par Dan Tordjman et Djul

site web : http://www.spocksbeard.com

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