Sir Millard Mulch – Sir Millard Mulch

ENTRETIEN : SIR MILLARD MULCH

 

Origine : Etats-Unis
Style : OVNI
Formé en : 2002
Composition :
Sir Millard Mulch – chant, guitares, claviers, et bien d’autres choses
Dernier album : How To Sell The Whole F#@!ing Universe to Everybody… (2005)


Artiste déjanté, aimant jouer avec la limite qui sépare l’art de la fumisterie, Sir Millard Mulch est un véritable trublion dans le monde bien-pensant du progressif ! Aidé de dizaines d’invités prestigieux et surtout doté d’un bagage d’idées toutes plus barrées les unes que les autres, il a réalisé son premier album et répond à nos questions… à sa manière…

Progressia : Dear Sir ! Présentez-vous donc !
Sir Millard Mulch :
Mon nom est Sir Millard Mulch. Je vais vous tuer.

Quelles ont été tes oeuvres musicales avant How To Sell The Whole F#@!ing Universe to Everybody… sans compter ta compilation de musiques de jeux vidéos composé sur Atari ST ??!!
Mon passé est entouré d’un voile de mystère. Du fait de mon contrat avec Mimicry Records, je ne suis pas autorisé à le dévoiler.

Quel est le concept derrière How To… ? Peut-on dire qu’il s’agit d’un voyage dans la vie et les frustrations d’un musicien croisé avec une déclaration de guerre à l’encontre des commerciaux à manches courtes ?
On pourrait dire qu’il s’agit du constat de la Bataille Finale entre l’Art et le Commerce. Dans l’ombre de l’artiste, il y a le vendeur et vice versa. Le vendeur, après avoir piqué sa crise de nerfs, devient un artiste. Traverse le miroir et serre la main de ton ennemi (im)mortel.

Pourquoi une telle haine envers les commerciaux ? T’ont-ils poussé à acheter quelque chose que tu regrettes d’avoir payé ?
Les commerciaux sont chouettes. Ce sont les artistes que je déteste en vérité. Ils sont fainéants, incompétents, prétentieux et pleins de frustration en ce qui concerne leur place dans le monde du commerce. L’argent est la référence mondaine de l’énergie qu’il faut déployer pour faire partie du jeu. Si tu ne peux pas t’élever à ce niveau de conscience, tu resteras un esclave à jamais.

Cette haine du matérialisme s’incarne dans le CD3, où le disque lui-même est « transmuté » (le disque est vendu comme étant un triple album, or le troisième disque est une simple rondelle de plastique !)! Comment as-tu eu cette idée et quelle est ta réponse aux acheteurs furieux d’avoir seulement deux disques ?
L’idée est venue d’une conversation avec Trey Spruance, au cours de laquelle nous nous sommes entendus sur la transmutation, de sorte que nous avons invoqué un sort socio-métaphysique puissant sur le CD.

Est-ce que cette critique du matérialisme et d’un certain American way of life peut être comparée au travail de quelqu’un comme Michael Moore ?
Tout à fait, même si Moore se vend lui-même, sous le prétexte du libéralisme. Sir Millard Mulch est un hypocrite post-moderne, agissant comme une charnière entre le mainstream et l’underground.

Par ailleurs, peut-on dire que l’album est une suite de sketches ?
Le disque est basé sur l’intersection de nombreuses idées contradictoires. Il s’agit littéralement d’une guerre urbaine entre trois belligérants. Les morceaux sont tous écrits de différents points de vues, qui s’affrontent et se contredisent parfois, en essayant de démontrer que leur cosmologie propre est la vérité.

Est ce que la musique est aussi importante que les paroles sur le disque ?
Les dialogues sont plus importants. A un certain moment, je me suis trouvé dans l’obligation d’écrire un livre entier de philosophie pour éclaircir ce à quoi je voulais en venir (voir ci-après). Le contenu du disque n’était pas suffisant, et la musique est juste là pour créer un air.

Peux-tu nous donner tes influences, pour les paroles comme pour la musique ?
Pour les paroles et le concept, je suis très influencé par Emily Dickinson, Henry David Thoreau, Ralph Waldo Emerson, Malcolm X, T.J. Kaczynski, Jim Collins, Tony Robbins, Buckminster Fuller, Brian Tracy, Hitler, Ed Leedskalnin, Robert Greene, et Jean Baudrillard. Ma musique est surtout influencée par Steve Vai et le rock commercial qui passe à la radio.

Dis-nous en plus sur deux gadgets de l’album : le volume maximizer et le food magnetizer ?
Le Maximum Volumizer est une réponse aux nouvelles techniques de mastering qui sont à la mode ces derniers temps. Le travail de la plupart des ingénieurs en charge de cet aspect de la production consiste juste à manipuler les fréquences du CD pour qu’elles soient les plus élevées possible. Cela donne aussi l’impression que les musiciens jouent de manière plus intense, en stimulant une oscillation dans le tympan. J’ai donc volontairement mixé ce disque bien plus en retrait, par rapport aux conventions actuelles de l’industrie musicale. Si vous voulez l’écouter plus fort, il existe une magnifique invention, un bouton appelé « Volume ». Le Food Magnetizer a été inventé après que j’ai lu de nombreux articles santé new age écrits par des yuppies, basés sur de la pseudo-science. Par exemple, il y a des gens qui respirent de l’ozone, un gaz toxique, parce que ces écrivains prétendent que l’O3 a un atome d’oxygène supplémentaire : « c’est comme de l’oxygène, mais encore mieux ! ». Ces grosses machines qui crachent de l’ozone dans les clubs de sport ne font rien d’autre que d’endommager vos glandes olfactives et vos poumons ! La Geophagyopathy (c’est-à-dire la guérison par l’absorption de poussière – NDT : pas de terme français existant pour cette mirifique invention !) en est un autre exemple. Je ne serais pas surpris du tout qu’il y ait des gens qui utilisent ces produits pour de vrai.

Qu’est ce qui sera inclus dans le livre de 222 pages qui sortira bientôt et qui complète le disque (si ce n’est pas encore une blague…) ?
Ce n’en est pas une, et par certains aspects, le livre est supérieur à l’album. Il contient 145 pages de philosophie et le reste est composé des paroles complètes, d’histoires derrière les chansons, de notes et de photos des sessions d’enregistrement.

Comment as-tu convaincu tous ces artistes de jouer avec toi ?
C’est une combinaison magique composée de deux éléments : premièrement, leur présenter une opportunité de travailler sur un projet créatif original. Deuxièmement, les payer.

Pourquoi ne pas avoir indiqué dans le livret les contributions de chaque artiste ? Avons-nous raison de penser que Morgan Ågren et Virgil Donati sont sur le morceau le plus long du disque, « Hemisphere III »?
Morgan Agren, Virgil Donati et Nick D’Virgilio figurent sur « Hemisphere III : Hermes  ». Lister chaque artiste sur le disque aurait pris bien trop de place dans le livret, et cela aurait été ennuyeux et sans intérêt. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai créé le livre, pour permettre à qui veut de se plonger plus dans le détail.

Serais-tu d’accord pour dire que ce morceau est probablement le plus musical du disque et le plus représentatif de la folie qui l’entoure ?
Je suis d’accord, même si je trouve que ma version de « Higher » de Creed est ce que j’ai fait de mieux sur le disque.

Sur quelle période as-tu composé et enregistré le disque ?
Cela s’est fait entre mai 2002 et mai 2005, et a coûté 10 000 dollars.

Comment as-tu mis en place la liste des titres. Il est objectivement très difficile de comprendre pourquoi un passage est suivi d’un autre dans ce dédale de 74 morceaux !
J’ai du trouver un équilibre pour l’ensemble des morceaux, en me basant sur trois groupes de titres :
1. les pop songs débiles
2. les instrumentaux complexes
3. les publicités et les passages narrés.
Au final, je crois que le divertissement auditif doit être un mélange de tout cela. Sur mon disque, les trois catégories se superposent et contiennent des éléments des deux autres, avec pas mal de non-sens.

Pourquoi persister à utiliser la technologie Midi ?
La technologie Midi est tout simplement un autre moyen d’exprimer une idée musicale. C’est peu cher et cela exécute exactement ce que je lui dicte de faire. J’ai intentionnellement réalisé ce disque de manière à ce qu’il soit difficile parfois de discerner ce qui est programmé de ce qui est réel. J’adore les batteurs qui jouent de manière robotique, et j’apprécie aussi une certaine forme d’erreur dans ma musique. Mon but (que j’ai atteint) est d’avoir des batteurs humains qui sonnent comme du midi et du midi qui sonne comme des batteurs humains, et de brouiller la ligne qui sépare l’amateur du virtuose de classe mondiale. C’est aussi une partie du concept de l’album : la guerre entre l’indépendant et le commercial, le faux du vrai, le dessus et le dessous.

Quel a été le retour depuis la sortie du disque, qui n’est certainement pas à mettre en toutes les oreilles ?
J’ai reçu d’excellents échos jusqu’à maintenant. Des gens du monde entier l’adorent. Steve Vai m’a envoyé un email la semaine dernière me disant qu’il adorait le concept et le packaging du disque, et m’a recommandé de persister dans mes idées artistiques : « Le disque a sa propre atmosphère et c’est différent de tout ce qui s’est fait jusqu’à présent. Félicitations » m’a-t-il écrit. Je reçois des emails chaque jour et les gens ont l’air d’avoir compris ce que je voulais dire.

Si je te qualifie de fumiste musical, tu es outré ?
Pas du tout. La musique est une œuvre abstraite de fiction. L’art est un exercice autour de l’irréel. C’est dans la nature de notre conscience. C’est une construction imaginaire, projetée dans l’esprit d’un homme des cavernes en pleine hallucination. Nous croyons entendre la musique, mais tout ce que nous entendons vraiment est notre propre esprit pensant à ce qu’il écoute. Par contre, si écouter ses propres idées, c’est être un fumiste, et bien peut-être me suis-je trompé de voie.

Un mot sur la musique indépendante et les major companies aux Etats-Unis. Il semble que tu sois très impliqué sur le sujet, comme en témoignent les nombreux articles sur le sujet sur ton site…
J’ai passé beaucoup de temps à étudier l’industrie musicale et à me demander pourquoi certaines personnes sont sur une scène et d’autres dans le public. C’est mon boulot d’enquêter sur cette question et de jouer avec cette frontière.

A part la musique, as-tu d’autres activités ?
Je me considère avant tout comme un directeur artistique. J’écris des bandes sons pour mes pièces conceptuelles mais je ne me considère certainement pas comme un musicien. Je définis un musicien comme une personne qui regarde ses doigts jouer tous les jours et dont la fonction est d’exécuter correctement une partition, qu’il s’agisse d’artistes « athlétiques » tels que Dave Weckl ou de pianistes concertistes comme Lale Larson. Je n’aime même pas vraiment jouer de la musique, je suis bien plus intéressé par le résultat global. J’ai appris suffisamment dans les différents domaines pour savoir qui est l’expert à qui je dois sous-traiter chaque partie. J’ai été comparé à Wagner, dans le sens où je crée des œuvres intégrées et « multimédia », qui concernent autant l’art que le divertissement.

Nous comprenons que tu es également intervieweur. Quelle est ta meilleure interview à ce jour ?
Mon interview favorite s’intitule « Interview avec une actrice porno anonyme et pourtant connue » (http://www.sirmillardmulch.com/model.php). Il se trouve qu’elle était très intelligente et insaisissable, et que l’interview a tourné au désastre. Le temps que cela commence à se rétablir, elle était extrêmement fâchée contre moi et j’ai finalement décidé de ne pas transmettre l’interview au magazine. Je ne voulais même pas dire avec qui j’avais réalisé l’interview, donc j’ai fini par la mettre à disposition sur mon site web sous ce nom. J’ai été complètement bouleversé et intrigué, tout en étant écœuré que cela ait si mal tourné (quoique c’est ce qui arrive quand je discute avec n’importe quelle fille). J’adorerais rencontrer cette fille dans la vraie vie. Peut être un jour.

Tu es également l’influent chef d’une secte. As-tu réussi à enrôler Tom Cruise en tant que disciple ?
En effet, je suis le fondateur de la secte introspective de « l’auto-référence » (http://www.joinmycult.com/joinmycult.php). Peut être que lorsque j’aurai 65 ans, et que je vivrai sur un immense yatch, Tom Cruise nous rejoindra. La scientologie est principalement une église inventée par un auteur de science fiction, et ses Grands Prêtres sont des acteurs de cinéma. Il faut arrêter. C’est bien pour quelques personnes (et cela a l’air de fonctionner), mais mon culte n’a pas besoin de la technologie de Ron Hubbard. Mon culte a juste besoin que l’on se regarde dans la glace pour trouver des réponses.

Prochains projets ?
Je collabore en ce moment avec un compositeur de tubes, pour un disque de rock américain calibré pour les radios. Je jette aussi quelques idées pour de nouveaux livres et mon prochain album.

Tu as le dernier mot, Sir !
Je n’ai jamais fait l’amour avec une fille aux gros seins. Je ne sais pas si cela veut dire quelque chose, mais cela me préoccupe. Je crois que c’est peut être mal de mourir sans l’avoir vécu au moins une fois. Comment y parvenir ? Je veux savoir. Et si je dois aller jusqu’en France…

Propos recueillis par Djul

site web : http://www.sirmillardmulch.com

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