Porcupine Tree

28/11/2005

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Par Djul

Photos:

Site du groupe :

CONCERT : PORCUPINE TREE / OCEANSIZE

 

Artistes : Porcupine Tree, Oceansize
Lieu : Paris, Le Bataclan
Date : 13 novembre 2005
Photos : Djul

C’est une histoire d’amour entre Porcupine Tree et son public qui a débuté ce 13 novembre, au terme d’un concert tout simplement éblouissant au cours duquel Steven Wilson et le reste du groupe se sont enfin dévoilés sur scène. Aidés par une set-list surprenante mais ingénieuse et un public fervent, les Anglais ont enfin su donner une véritable émotion lors d’un concert en public. Un peu plus tôt, Oceansize avait placé la barre très haut, de sorte que cette soirée constitue sans doute la plus belle affiche à laquelle nous avons pu assister à Paris en 2005.

Oceansize

Set-list :The Charm Offensive – One Out Of None – Catalyst – Meredith – You Can’t Keep A Bad Man Down – One Day All This Could Be Yours

On connaît l’excellence des goûts de Steven Wilson en matière de musiques pointues et exigeantes, et ce ne fut donc pas une surprise d’apprendre qu’Oceansize avait été retenu pour ouvrir les concerts européens de Porcupine Tree, à l’exception – inexpliquée – de leur pays d’origine, la Grande Bretagne. Outre la pertinence musicale de la réunion des deux groupes sur une même affiche, les publics des deux formations semblent assez complémentaires, de sorte que la première partie a également contribué à remplir le Bataclan. Une excellente initiative donc pour Porcupine Tree, déjà présent en avril dans la capitale, et Oceansize, en concert à Paris un mois plus tôt !

Au vu de la prestation fournie par Mike Vennart et ses coéquipiers au Nouveau Casino en octobre, il y avait peu de doutes sur la qualité de la « première partie », et le groupe fut, quasiment, à la hauteur des attentes. « Quasiment » seulement, car desservi par un son assez brouillon laissant trop de place à la section rythmique au détriment des trois guitares. Cause ou conséquence, on sentit vite que la prestation elle-même risquait de tourner au gâchis, mais le groupe se reprit vite. Débutant comme le mois dernier par l’emphatique et lancinant « The Charm Offensive », le concert se poursuivit par le violent « One Out Of None » et son final toujours halluciné, où la batterie de Mark Herron s’emballe au rythme des chœurs de Durose et Vennart. « Classique » d’Oceansize, issu de Effloresce, « Catalyst » n’avait pas été joué en octobre, et on a plaisir à l’entendre en concert puisqu’il condense beaucoup des qualités du groupe : mélodies déliées à la guitare, ambiance lourde créée par des riffs hachés à la Tool et voix angélique de Vennart.

Le final est retentissant, avec le long « You Can’t Keep A Bad Man Down », qui s’affirme au fil des écoutes comme étant le meilleur titre composé par les Mancuniens. Faute de temps, point de « Music for a Nurse », remplacé par un autre « inédit » du concert du mois d’octobre, « One Day All This Could Be Yours ». Un échange pour le meilleur, car si « Music for a Nurse » aurait permis de terminer la prestation sur une touche mélancolique et atmosphérique, un titre aussi puissant que « One Day… » s’avère bien plus approprié pour un concert de première partie. L’introduction glacée du morceau et ses voix murmurées (mais non trafiquées comme sur disque) et le mur de guitares encore plus impressionnant que sur disque qui suit achèvent donc en beauté ce set. Si tout le public n’est pas sorti convaincu, c’est sans doute et parce que le groupe n’a pas été aidé par le son et surtout parce que sa musique est encore moins évidente d’accès dans un contexte de concert. En tous les cas, Oceansize a su séduire une bonne partie de l’auditoire parisien : mission accomplie !

Porcupine Tree


Set-list : Open Car – Blackest Eyes – Lazarus – Hatesong – Don’t Hate Me – Mother and Child Divided – Buying New Soul – So-Called Friend – Arriving Somewhere But Not Here – .3 – The Start of Something Beautiful – Halo – Rappel : Radioactive Toy – Trains

Autant tuer le suspens immédiatement : Porcupine Tree a donné le 13 novembre dernier son meilleur concert parisien à ce jour. Bien plus encore, il a pris une autre dimension, en laissant enfin transparaître plus d’émotion et d’improvisation dans l’interprétation trop « propre » qu’il faisait autrefois de son répertoire. Au sortir de ces deux heures impressionnantes, il ne fait plus de doute que le groupe a gagné en maturité scénique mais aussi en notoriété, en France en tout cas.

Premier indice de ce changement dans l’approche des concerts, le groupe fait le choix de proposer de nombreuses surprises à son public, comme en témoigne une simple lecture de la set-list. Qui aurait cru que débuter un concert par « Open Car » pouvait être une bonne idée ? Pourtant, ce qui paraissait être l’un des titres « mineurs » de Deadwing est parfait dans son rôle, enluminé par quelques moments plus puissants que sur l’album. Dans la catégorie des disparus de longue date, on notera le retour de « Don’t Hate Me », pour « commémorer le nouveau pressage de Stupid Dream en 2006 », dixit Wilson. Le résultat est agréable à l’écoute, malgré un passage instrumental en dedans, Barbieri ayant visiblement un peu de mal à restituer les sonorités de la version studio. Deux autres « vieilleries » sont enfin réhabilitées. Le pavé « Buying New Soul », probablement le titre qui méritait le moins de sortir sur une simple compilation de chutes de studio (Recordings), s’offre une seconde jeunesse, avec un Wilson inspiré à la guitare acoustique et une ambiance qui n’a jamais été aussi floydienne : une merveille. Enfin, en premier rappel, le premier « classique » du groupe, « Radioactive Toy », lui aussi sorti du placard dans une version dépoussiérée de quelques minutes, pour se focaliser sur l’essentiel, l’enchaînement couplet-refrain imparable et porté par le public.

Plus étonnant encore, on notera la présence de deux « Faces B » de Deadwing, preuve que Porcupine Tree a vraiment confiance dans l’efficacité de ces deux titres. « Mother and Child Divided » est un instrumental bref et agressif, un peu comme si « Signify » avait mangé du Meshuggah : mesures asymétriques de rigueur et guitares acérées, le morceau représente probablement ce qui serait arrivé au groupe si Wilson avait voulu suivre la voie d’Opeth. « So Called Friend » est moins essentiel : si les couplets du titre sont assez agréables, le refrain est franchement emprunté et peu imaginatif, ce qui explique son statut. Une tentative, ratée, de « faire un single », intelligemment mise de côté par le groupe. Les titres plus récents et déjà intégrés au cours de la tournée du printemps dernier continuent de convaincre et ont parfois encore gagné en qualité. Les efficaces « Blackest Eyes » et « Hatesong » sont l’occasion d’admirer la technique de Gavin Harrison, de plus en plus bavard à la batterie, les nombreuses cassures du dernier titre cité lui offrant l’espace nécessaire pour placer de petites lignes mélodiques entre chaque contretemps. Les deux temps forts de Deadwing sont bien présents également. « Arriving Somewhere But Not Here » est toujours un plaisir à écouter, et même le fameux « passage Dream Theater », qui sonne si artificiel sur disque, passe mieux le test du live, aidé il est vrai par le final grandiose qu’il précède. Quant à « The Start of Something Beautiful », qui met du temps à se découvrir en studio, il peut désormais être considéré comme l’un des étendards de Porcupine Tree. Véritable condensé d’émotions enfin canalisées et prenant la forme de passages à la fois emphatiques et puissants, c’est ce type de morceau qui fera peut être entrer Wilson au Panthéon des compositeurs du rock. On peut ajouter que le nouveau visuel qui accompagne le morceau est magnifique (et dans l’esprit d’un Tool, avec des pantins désarticulés), à l’image d’un éclairage de haute tenue. Des efforts que l’on apprécie, compte tenu du manque de moyens accordés aux groupes ces dernières années pour leurs tournées.

L’attitude des membres du groupe fit aussi la différence, par rapport à leurs précédentes prestations parisiennes. John Wesley reste l’homme de l’ombre, incontournable tant pour sa guitare que pour sa voix, mais semble toujours plus intégré à la formation scénique de Porcupine Tree, multipliant les accolades avec Wilson et les clins d’œil à Barbieri. Mais c’est bien entendu du côté de Steven Wilson, qui attire inéluctablement tous les regards tant il porte son groupe, que l’évolution est notable. On le savait, le chanteur-guitariste n’est pas à son aise dans la communication avec le public, même s’il arrivait par moments à le toucher (par exemple lors du premier concert parisien du groupe en 1998, sur « The Moon Touches Your Shoulder »). Au Bataclan, on le sentait bien plus sûr de lui et de ses morceaux, de sorte que ce personnage fluet s’est laissé aller à « headbanger » comme un furieux et à haranguer les foules à la manière d’une « international rock star » (pour reprendre sa phrase pleine d’autodérision sur le making of du dernier album). Surprenant. De même, lorsqu’au cours du dernier morceau de rappel, « Trains », Wilson casse une corde juste avant le passage voix-guitare acoustique attendu par tout le public, il prend l’incident à la rigolade, preuve d’un nouveau recul par rapport à sa musique, qui permet une nouvelle proximité avec son public.

Voici donc le nouvel étalon d’un concert de Porcupine Tree, ce qui présage du meilleur pour le DVD à venir, tiré de cette nouvelle set-list, et surtout des prochaines tournées des Anglais (dès le printemps prochain pour l’Europe). Le groupe a clairement franchi un cap. A lui de savoir en profiter au plus vite pour s’installer définitivement dans le paysage musical contemporain.

Djul

site web Porcupine Tree : http://www.porcupinetree.com
site web Oceansize : http://www.oceansize.co.uk

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