Sun Ra - Heliocentric Worlds Vol. 3 – T

Sorti le: 04/11/2005

Par Djul

Label: Orkhestra International

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Cet album bat un record. Celui du disque le plus ancien jamais chroniqué par notre site, une performance qu’aucun artiste entrant d’ordinaire dans notre domaine de compétence ne devrait parvenir à égaler puisque ces Heliocentric Worlds datent de… 1965 ! Une époque où le mot « progressif » n’existait pas, mais où la recherche musicale revêtait un autre nom : le free jazz ! Au sein de ce mouvement, Sun Ra défrayait déjà la chronique : artiste illuminé, jouant pour Dieu et inspiré de l’Egypte ancienne. On ne connaît que peu de choses de sa vie, sinon qu’il a commencé à jouer de la musique sur un clavier de son invention, préfigurant ainsi la musique électronique, puis s’est attelé, au sein du collectif Arkhestra, à faire avancer le jazz.

C’est au cours de cette fameuse année 1965 que Sun Ra joua avec son orchestre un nombre incalculable d’improvisations, dont certaines furent enregistrées. De ces sessions sortirent les deux premiers volumes des Heliocentric Worlds chez EPK : le premier très dynamique, le second beaucoup plus éthéré. Comme son sous-titre l’indique, ce troisième volume a été retrouvé il y a peu et augmente donc les rééditions dont on fait l’objet ses deux prédécesseurs. On y retrouve le pianiste toujours épaulé par son groupe de base : John Gilmore (saxophone ténor), Marshall Allen (saxophone alto), Pat Patrick (saxophone baryton) et Ronny Boykins (batterie), ainsi que quelques invités.
Les morceaux, bien que tirés des sessions du Volume 2, s’en distinguent nettement de par l’énergie qu’ils dégagent, de sorte que les trente-six brèves minutes qui le compose suffisent à satisfaire : une durée supérieure aurait sans aucun doute achevé plus d’un auditeur. D’ailleurs, le premier (et plus long titre) du disque sera difficile à supporter pour bien des oreilles : on est souvent à la limite de la séance d’accordage et de la cacophonie (sax strident, Sun Ra qui s’échauffe les doigts à toute vitesse en fond sonore…) et il faut attendre la dixième minute pour voir la batterie sonner le rappel et offrir un semblant de trame à l’ensemble !
Les titres suivants offrent heureusement plus de repères : rythmiques faites de percussions (dont un bongo désaccordé tapoté par Ra) et de contrebasse discrète sur « Mythology Metamorphosis », ou un charley (enfin) en place pour mettre en valeur les arpèges de piano électrique de Sun Ra (« Heliocentric Worlds »). Après une première incursion dans un monde sonore déboussolant, les harmonies très recherchées à la flûte et aux cuivres font plaisir à entendre, et c’est dans ces moments que l’Arkhestra devient accessible au commun des mortels et que ses facéties s’apprécient le mieux, à la manière des éruptions contrôlées de tout l’orchestre sur « Interplanetary Travelers », dignes d’un Coltrane.

Parfois abscons, en tout cas abstrait et un peu fou, à l’image de son auteur, ce disque n’est réservé qu’à un public restreint de connaisseurs.
Totalement inédite et improbable, cette musique offre des perspectives nouvelles, même écoutée quarante ans après. La question reste de savoir qui sera assez insensé pour continuer cet héritage et vers quels mondes sonores cette musique se dirigera…