Jan Kuijken - Vertigo

Sorti le: 05/08/2005

Par Djul

Label: Carbon 7 / Orkhestra

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Progressia peut se targuer de recevoir parfois des albums chimériques… et celui-ci figure en bonne place dans cette catégorie ! Vertigo peut en effet être assimilé à de la musique contemporaine jouée par un orchestre classique et composée pour une série de trois représentations chorégraphiques de Karine Ponties. Aidé d’un duo de cordes, d’un flûtiste et de Dirk Descheemacker, clarinettiste d’Univers Zero depuis la seconde époque (début des années quatre-vingt), Jan Kuijken, lui-même aux cordes et au piano, propose dix pièces suggestives et sensibles.
Aux manettes, la production précise et exigeante de Pierre Vervloesem, décidément très versatile dans les styles qu’il aborde (cf. notre chronique de son agressif Rude), fait merveille.

Le Belge, visiblement amateur de cette musique « nouvelle » faite de pauses et de moments abstraits, compose d’ailleurs dans ce style, et notamment pour des ballets depuis 1996. Néanmoins, la musique de ce disque a été repensée pour l’occasion et pour satisfaire aux contraintes particulières de l’enregistrement d’un disque, et non la mise en scène d’une représentation. Ceci n’empêche cependant pas l’improvisation de tenir une place importante sur Vertigo.

Un album qui navigue entre deux eaux : le mystère d’un Prokofiev et l’abstraction d’un Boulez. Ainsi, l’auditeur sera vite déstabilisé par cette musique changeante et complexe. On pense d’un côté à une musique de film tout à la fois triste, lancinante et un peu folle, comme celles parfois composées par Danny Elfman pour Tim Burton : « Slow Theme » et « A Romance », avec le piano chaloupé de Kuijken et le violon plaintif de Georges Van Damme, comptent parmi les titres accessibles et les plus réussis de l’œuvre.
De l’autre, on ne peut que s’étonner devant ces morceaux déstructurés, faits de pizzicati et de bruits en tous genres qui composent une légère et singulière rythmique. Cette seconde série de titres, que ne renierait pas Mister Bungle si Mike Patton ne disposait que d’un orchestre classique, exige de ce fait beaucoup plus de patience et une certaine habitude de la musique contemporaine. Seul le pavé final, « Capture » réunit ces deux tendances, avec son ouverture douce-amère qui dérive lentement sur ce terrain inconnu défriché par Kuijken.

Il faudra donc s’armer de patience pour maîtriser ce disque : il n’est pas fait pour toutes les oreilles.