Anathema – Anathema

Origine : Royaume Uni
Style : Rock atmosphérique
Formé en : 1988
Line-up :
Vinnie Cavanagh – chant, guitare
Danny Cavanagh – guitare, chant
Jamie Cavanagh – basse 
John Douglas – batterie 
Les Smith – claviers
Dernier album : A Natural Disaster (2003)

Privé de maison de disques, Anathema traverse actuellement une période difficile. Mais bien que désabusés, les frères Cavanagh sont décidés à aller de l’avant. Ils se sont confiés à Progressia, sans langue de bois.

Pour commencer, revenons un peu sur A Natural Disaster. Comment cet album a-t-il été accueilli de façon générale ?
Vinnie :
Il est difficile de parler d’un accueil général puisque l’album n’est pas sorti dans le monde entier ! Mais en Europe, il a eu un bon accueil.

Mais lorsque vous signez avec un label, celui-ci n’est-il pas censé distribuer vos albums dans le monde entier ?
Danny :
En théorie, si. Music For Nations a fait de son mieux, mais ils n’avaient pas assez de pouvoir, il n’avaient pas… la tchatche (en français dans le texte), quoi ! (rires). Ce sont de bons amis et ils ont fait ce qu’ils ont pu, mais ils n’avaient pas les moyens de pousser le groupe dans la direction souhaitée. Ils gèrent très bien leurs artistes metal comme Paradise Lost, Cradle Of Filth ou Opeth… Mais avec un groupe comme nous, ça fonctionne moins bien.
Nos albums se vendent bien en France, et nous y bénéficions d’une bonne promotion. Mais, par exemple, MFN n’est pas du tout implanté en Amérique, alors que nous pourrions y obtenir une certaine popularité.
Il était difficile pour eux de travailler un groupe pratiquant notre style de musique. Nous n’étions pas ce qu’il leur fallait, ils n’étaient pas ce qu’il nous fallait.

Quel serait alors le label idéal pour Anathema ?
C’est sans importance. Ce qui compte vraiment, c’est d’écrire de bonnes chansons. Les histoires de label et de business viendront ensuite.
Nous avons une personne dans le groupe, en l’occurrence Les (NdR : claviériste attitré du groupe depuis A Fine Day To Exit, qui a également été membre de Ship Of Fools et Cradle Of Filth), qui comprend très bien tout cet aspect. C’est quelqu’un de très sage, et il a accru le niveau de professionnalisme du groupe d’une façon gigantesque. De notre côté, nous nous occupons aussi peu que possible de toutes ces conneries que nous ne maîtrisons pas.
Vinnie : Et nous n’avons pas besoin d’un manager, d’un tour manager ou de quiconque mettant son nez dans nos affaires.
Danny : Nous sommes très reconnaissants envers Les pour tout ce qu’il a fait pour nous. Nous avons résolu de nombreux problèmes grâce à lui et au final, nous nous concentrons sur la musique, ce qui est le principal.
Je suis tout à fait conscient de l’importance du reste. Mais c’est la musique qui nous intéresse. Nous n’avons pas besoin de gens s’occupant de nous, nous sommes suffisamment grands pour ça.

Vous venez de sortir un DVD live. Pourquoi l’avoir fait sur cette tournée ?
Vinnie :
La sortie du DVD a été pourrie par ces enfoirés de la maison de disques ! (rires) Ils n’en avaient pas grand-chose à faire, pour eux c’était une obligation contractuelle de le sortir.
Danny : Honnêtement, j’aimerais qu’on en récupère les droits, car c’est un bon DVD : le concert est bon, il est bien filmé… Mais la promotion est minable. En Grèce par exemple, on ne le trouve même pas en magasin, alors que c’est un des pays d’Europe où le groupe est le plus populaire…

Et êtes-vous satisfaits du contenu du DVD ?
J’en suis satisfait, mais Vinnie l’est sans doute moins que moi. Il a plus d’idées visuelles que moi, il aimerait faire un film…
Vinnie : Le contenu est correct, l’ensemble tient la route. Mais j’aurais préféré quelque chose d’un peu plus créatif.

Tu aurais voulu autre chose qu’un groupe sur scène ?
Exactement. Voilà ce qu’on a sur le DVD : un groupe sur scène. Pourquoi ne pourrait-on pas garder le même nombre de morceaux, mais en ajoutant des séquences filmées entre les titres, ou même au sein des différents titres ? Certaines idées exprimées dans les paroles pourraient être représentées par des séquences filmées. Il n’est pas nécessaire d’avoir une imagination débordante pour créer ce genre de choses, il faut juste du temps… Et puis bien sûr, on peut ajouter des séquences en coulisses, un making of, ou même des extraits du prochain album accompagnés de visuels ! Il y a tant de possibilités… J’espère qu’on aura l’occasion de travailler ainsi une prochaine fois. Si on fait un autre DVD live, ce sera vraiment le nôtre, et pas une réalisation de la maison de disques.

Pensez-vous avoir enfin trouvé une formation stable ?
Danny :
Oui. Question suivante ? (rires)
Vinnie : Il s’agit en fait de la formation avec laquelle nous avons débuté, ce qui est très rare ! Nous avons bouclé la boucle. Je suis d’ailleurs le seul membre a être resté dans le groupe pendant tout ce temps.
Danny : Il n’a jamais quitté le groupe. (rires) Moi, je l’ai quitté pendant quelques jours.

Il s’agit en effet de la formation d’origine, plus Les…
Les a apporté beaucoup de professionnalisme au groupe. Mais le noyau a toujours été constitué de Vinnie, John et moi-même. Nous sommes amis d’enfance, et nous formons ensemble une entité musicale avec une réelle identité. Nous nous influençons positivement les uns les autres. Si je doute de ce que je fais, je n’ai qu’à aller leur demander. Nous pensons la musique de la même manière.
Pour Les et Jamie, c’est un peu différent, bien qu’ils apportent aussi beaucoup au groupe. Vinnie, John et moi sommes les lunatiques (rires), les créatifs, tandis que Les et Jamie sont plus réalistes. Presque autant que des roadies (rires) Ils sont également créatifs et de bons musiciens, mais nous sommes la source des idées.

Music For Nations a récemment disparu. Etes-vous en contact avec d’autres labels ?
En fait, ils n’ont pas réellement disparu, ils ont été rachetés par Sony/BMG. BMG a avalé MFN, et Sony a fait de même avec BMG, pour résumer brièvement. C’est ce qui a causé notre situation. Des histoires de gros sous.
De nombreux labels s’intéressent à nous. Mais pour l’instant, nous avons décidé de mettre cet aspect de côté. Nous devons avant tout faire de la bonne musique, l’enregistrer, et nous verrons ensuite qui l’aime et veut la publier. Les possibilités sont nombreuses, mais nous avons besoin d’un bon contrat avec un bon partenaire. A Londres, nous avons le même agent que Porcupine Tree, et c’est une bonne chose qu’ils nous aient pris sous leur aile… sous leur aile morte(rires. NdR : jeu de mots sur Deadwing, dernier album en date de Porcupine Tree.)
Il est de notre responsabilité d’écrire les meilleurs morceaux possibles. Mais il n’y a pas que ça dans la vie : il faut s’occuper des finances, il faut gagner sa vie… Et c’est là que Les intervient.

Désormais, vous devez donc réaliser des démos aussi bonnes que possibles et voir comment elles seront accueillies. Combien de nouveaux morceaux avez-vous écrits ?
Au moins trente.

De quoi sortir trois albums d’affilée !
Vinnie :
Nous aurions de quoi en sortir deux.
Danny : Je pense que nous entrerons en studio cette année. Mais pour ça nous avons besoin d’argent et d’un bon contrat. Donc nous allons faire ces démos, puis nous partirons probablement en tournée en Amérique avec Porcupine Tree (NDR : cela ne s’est malheureusement pas concrétisé pour la première tournée promotionnelle de Deadwing en Amérique… Peut-être la suivante ?), puis nous nous occuperons de ces morceaux afin de les rendre aussi beaux que possible, et on verra bien qui voudra les acheter.

Avez-vous suffisamment de recul pour avoir une idée de l’orientation musicale de ces chansons ?
Leur direction musicale c’est… toutes les directions ! Sur nos T-shirts est représentée l’étoile du chaos, avec des flèches partant dans toutes les directions : cela représente bien nos nouveaux morceaux ! C’est une musique réconfortante, positive et belle.

Ces nouvelles chansons s’éloignent-elles de celles des albums précédents ?
Pas tellement. Ce sont les mêmes émotions, les mêmes personnes. C’est une musique qui vient du cœur, faite de façon naturelle.

Cette fois-ci, l’ensemble du groupe a-t-il participé à la composition ?
Oui. Notre but est de former une bonne équipe : pour cela il faut du travail et de la patience, mais nous en sommes capables. Nous avons l’étincelle, une énergie créatrice, et de belles mélodies.

Vous disposez d’un home studio pour réaliser les démos ?
Les possède un excellent studio. Si on le souhaitait, on pourrait y réaliser un album sans frais : il a l’équipement et les connaissances nécessaires.

Il y a deux ans, vous avez joué à l’Elysée-Montmartre en tête d’affiche. Ca ne vous ennuie pas d’y revenir pour assurer une première partie ?
Non. La seule chose qui m’agace est que nous montons sur scène à 19h, alors qu’il est marqué sur les places de concert que les portes ouvrent à 19h30. Nous allons donc sûrement jouer devant une salle vide… 

Les albums sortis sur Music For Nations continueront-ils à être distribués ?
Pour l’instant nous n’en savons rien, même si nous l’espérons. BMG possède les trois derniers albums : peut-être les rééditeront-ils, mais j’en doute fortement. La meilleure option serait que quelqu’un les rachète et les réédite.

Danny, parlons désormais de ton album de reprises de Nick Drake. Pour quelle raison as-tu sorti un tel disque ?
Aussi dingue que ça puisse paraître, je l’ai fait pour une fille que j’ai rencontrée il y a longtemps, et dont j’étais amoureux. Disons que je l’ai fait un peu pour elle et un peu pour moi. Et puis c’était facile, j’aime bien jouer ces chansons quand je suis seul, ça me détend. Le jeu de guitare de Nick Drake m’a beaucoup influencé, et en ce moment j’écris beaucoup de morceaux dans un registre proche. J’ai toujours composé sur une guitare acoustique, mais ces temps-ci j’utilise beaucoup le finger-picking, les accordages spéciaux…

On doit donc s’attendre à trouver quelques ballades folk-rock sur le prochain album d’Anathema ?
Pas vraiment, car ça reste assez intense. Ce sont juste de belles chansons, sans prétention, qui ne changeront pas le monde… de toute façon, même les Beatles n’en étaient pas capables !
Vinnie : J’ai une anecdote qui vous montrera à quel point chacun contribue au son du groupe. Danny a écrit un morceau à la guitare acoustique il y a quelques jours, en coulisses à Hamburg. Nous l’avons interprété sur scène le soir même devant une salle pleine, sans l’avoir jamais joué ensemble auparavant. Et vers la fin, John s’est mis à jouer de façon plus soutenue et le morceau est devenu très heavy ! Ce n’était pas réfléchi, ça s’est fait dans le feu de l’action…
Danny : Il a suffi que l’on se regarde. John et moi fonctionnons presque par télépathie. A tel point qu’il est arrivé plusieurs fois que je compose quelque chose, et que John me dise qu’il avait déjà écrit la même chose auparavant ! Musicalement, nous sommes sur la même longueur d’ondes. John n’est pas le meilleur batteur du monde, mais c’est sans doute le meilleur songwriter assis derrière une batterie. C’est vraiment un putain de bon songwriter !(rires)
Il a un jeu puissant, plein d’énergie, et naturel. Techniquement, il y a des batteurs qui sont bien plus doués. Par exemple le batteur de Porcupine Tree est incroyable, c’est l’un des meilleurs qu’il m’ait été donné de voir. Mais je préfère jouer avec John. Au final c’est la chanson qui compte, pas ses parties de batterie. Et il faut pouvoir donner vie au morceau en concert, plutôt que de jouer sur un putain de click avec des bandes enregistrées. Où est l’énergie là-dedans ? On ne va pas refaire le CD sur scène !

Danny, peux-tu nous parler de ton projet Leafblade ?
Ce mec, Sean Rooney, est un vieil ami de Liverpool. C’est un musicien si bon qu’il n’a jamais rien fait d’autre de sa vie(rires), mais il n’a jamais eu les bonnes opportunités. C’est le meilleur guitariste qu’il m’ait jamais été donné de voir. Il joue de la guitare classique. Je me souviens m’être un jour reposé en l’écoutant jouer et j’étais absolument épaté. Je lui ai demandé :« Sean, c’était quoi ce truc ? »… Il improvisait ! A la guitare acoustique, c’est lui le meilleur. Oubliez Opeth et tous les autres, ce mec les surpasse tous ! Ils sont bons, mais pas autant que lui. Sean est aussi un poète, il écrit des textes géniaux. C’est un enfant de la nature, il vit dans son monde.
J’ai prévu de faire deux albums avec lui, puis nous verrons si nous souhaitons en faire d’autres. Il est si talentueux et nous sommes de si bons amis qu’il mérite que je lui donne une chance.

Il semblerait qu’une amitié soit en train de naître entre Porcupine Tree et vous…
Vinnie :
Ils n’arrêtent pas de nous demander de jouer avec eux. Nous allons peut-être même jouer avec eux en Amérique plus tard dans l’année… C’est génial ! La tournée se passe à merveille.
Danny : Ce sont tous des gens sympas et authentiques, aussi bien le groupe que leur équipe.

D’après vous, quels sont les points communs entre les deux groupes, musicalement parlant ?
Ils ont de l’imagination.
Vinnie : En écoutant leur musique, il m’arrive de me dire « Danny aurait pu écrire ce passage ! ».
Danny : En effet, il y a une ressemblance sur certains passages. Pourtant nous n’avions jamais vraiment écouté leur musique auparavant, et eux n’avaient pas écouté la nôtre. Mais nous avons des influences communes.

Avez-vous envisagé une collaboration avec des musiciens de Porcupine Tree ?
Non, je ne crois pas que l’on ait besoin de travailler avec d’autres personnes. Steven est un excellent producteur, mais si tu travailles avec un producteur, il faut que tout le monde aille dans la même direction. Or nous sommes indépendants, et ne souhaitons pas que quelqu’un, en studio, ait une vision différente de celle du groupe. Je trouve que Steven a fait avec Opeth un travail d’une qualité incroyable, mais en ce qui nous concerne, nous devons rester fidèles à notre propre identité. En studio, nous avons avant tout besoin d’un très bon ingénieur du son. Steven est très doué, mais s’il nous produisait, il verrait sans doute les choses d’un œil différent du nôtre ; nous les aborderions sûrement de façon différente. Il faut du chaos, de l’énergie, de la folie : c’est ce genre de choses que nous aimons retrouver dans la musique. J’espère que vous garderez ça dans l’interview, ça sonne bien ! (rires)

Pour finir, quels albums écoutez-vous régulièrement en ce moment ?
Je n’écoute pas beaucoup de musique quand je suis à la maison. Je possède peu de disques et j’écoute peu la musique d’autres artistes. Vinnie vous donnera sans doute une meilleure réponse.
Vinnie : En ce moment j’écoute le dernier Mars Volta, Frances The Mute, le dernier Mogwai,Ba Ba Ti Ki Di Do de Sigur Rós, Swordfishtrombones de Tom Waits…
Danny : Le meilleur musicien de ces vingt dernières années !
Vinnie : J’écoute également l’album Source Tags And Codes par The Trail Of Dead, et Lift Yr Skinny Fists Like Antennas To Heaven de Godspeed You ! Black Emperor.
Danny : Vinnie m’influence beaucoup dans mes goûts musicaux. Pour ma part je ne m’intéresse pas tellement aux nouveautés : je n’achète pas de disques et je ne télécharge même pas… Vinnie est plus au courant et me fait écouter ses disques. Il y a d’ailleurs un morceau incroyable sur cet album de Godspeed You ! Black Emperor, nommé « The Gathering Storm ». C’est une sorte de représentation de la vie, on pourrait en faire un long clip vidéo, où l’on verrait uniquement une fleur pousser…
Vinnie : A l’époque j’avais deux chiens que j’emmenais régulièrement en promenade dans la nature. Une fois, je l’ai fait en écoutant ce morceau au casque… Ce fut la promenade de chiens la plus intense de ma vie ! (fous rires)
Danny : Cette chanson en arrive parfois à me mettre les larmes aux yeux. C’est l’un de ces rares morceaux auxquels on pourrait consacrer sa vie.
Vinnie : Sinon j’écoute du Aphex Twin. Steven vient également de m’offrir un album d’un jeune groupe nommé Simple Things. Ils n’ont que dix-huit ans mais leur musique est originale.

Une dernière question : vos pronostics pour le match Liverpool-Chelsea ?
Je pense que Chelsea va gagner car ce sont des enfoirés corrompus plein de fric. Non, je verrais bien Liverpool gagner 2-1.