Pain Of Salvation – Pain Of Salvation

ENTRETIEN : PAIN OF SALVATION

 

Origine : Suède
Style :métal progressif
Formé en :1991
Composition :
Daniel Gildenlöw – chant et guitare
Johann Hallgren – guitare
Kristoffer Gildenlöw – basse
Fredrik Hermansson – calviers
Johann Langell – batterie
Dernier album : Be (2004)


A l’occasion du concert parisien de Pain of Salvation à Paris, il semblait nécessaire pour Progressia d’interviewer la tête pensante du groupe. C’est dans l’après midi, et malgré une petite forme, que Daniel Gildenlöw nous a ouvert les portes des loges de La Locomotive pour pouvoir enfin discuter de Be et d’autres choses.

Quelles sont les retombées sur Be de ton point de vue ?
Daniel Gildenlöw : Ce fut bien meilleur que ce que j’aurais pensé, en fait. La plupart de nos albums ont nécessité un an parfois aux gens pour y rentrer. Nous avons eu des chroniques médiocres qui ont été modifiées ensuite en bonnes chroniques plusieurs mois après, disant : « oh maintenant je comprends mieux !« . Donc je pensais que si c’était arrivé avec les albums précédents, ça arriverait forcément avec Be. J’étais presque certain que les gens détesteraient ce disque durant un an au moins et qu’ensuite ils l’adoreraient. Après toutes les mauvaises critiques qui avaient été écrites, il était impossible de faire marche arrière. Mais il y a eu aussi de très bons retours, ce fut alors une très bonne surprise. Je veux dire, j’espérais bien sûr que les gens aiment l’album, mais je ne comptais pas trop dessus … ça prend du temps, tu sais !

Que répondrais-tu à ceux qui t’en veulent d’avoir sacrifié la musique au profit du concept ?
Daniel Gildenlöw : ce sont des conneries !!!! (rires) Mais d’une certaine bonne manière : « Bullshitus » !! (NdlR : à rajouter comme titre à Be ?). J’ai passé beaucoup de temps sur le concept. La différence majeure avec les albums précédents est que la machinerie conceptuelle est bien plus cachée. Pour cet album, j’ai beaucoup plus approfondi la notion de concept, probablement à cause de l’étendue du sujet abordé, mais aussi parce que j’ai eu plus de temps. Depuis le moment où on a commencé avec le travail de production live, j’ai eu plus de temps pour rassembler mes idées afin de savoir comment les présenter. Pour Entropia par exemple, il était presque impossible de rentrer dans le concept parce que mon idée initiale était de coller une date comme un tampon de la poste sur chaque chanson et pouvoir les brouiller dans le temps. Ce n’est pas chronologique, donc il te faudrait des dates pour situer dans le temps, sans ça impossible de reconstituer le puzzle. Seulement, je n’avais pas le temps de faire ça.

Je suis surpris car j’ai lu quelques essais, interprétations qui étaient très pertinentes, et je me suis dit « wow, c’est impossible pourtant, vue l’absence d’explications concernant cet album ». J’ai remarqué que cette fois, les gens étaient plus intéressés par le fait de rentrer en profondeur dans le concept. C’est la raison pour laquelle on les a aidés à poursuivre la route en leur procurant matière à réflexion. C’est vraiment la différence sur cet album, et la musique … je ne dirai pas que l’un, le concept, est plus important que l’autre, la musique. Pour moi, la musique sans message demeure juste de l’amusement et un message sans musique est probablement, hum, un livre !? (rires) Peut-être des poèmes…

Tu explores de nouveaux aspects musicaux, comme par exemple des parties folkloriques. Est-ce une nouvelle composante de POS, ou juste un court changement dans ta carrière ?
Daniel Gildenlöw : Je pense que ça a toujours fait partie de nous. Il y a de petites tendances sur chaque album. Peut-être pas sur One Hour by the Concrete Lake. C’est insinué musicalement. « Chain Sling » est vraiment un titre très folk. Pour moi, cela dépend vraiment du concept, de ce que tu veux exprimer. Pour Be, il s’agit d’essayer de visualiser le commencement de l’humanité, et c’est étrange d’en faire un morceau de metal prog. Dans le power metal, il est possible de parler des origines de la vie, mais ça rend étrange et décalé par rapport au « contexte » power metal (NdRC : sans doute ce que l’on pourrait traduire par  » l’univers traditionnel du power metal « ), j’ai toujours trouvé ça bizarre … les paroles ne collent pas forcément avec la musique et inversement.

Que signifie « Be » (être) pour toi en tant que mot ?
Daniel Gildenlöw : Je cherchais le mot le plus basique que je pouvais trouver, deux ou trois lettres. Et j’ai bloqué sur « Be ». Je n’aime pas ce titre forcément mais c’était la seule alternative parce que la langue anglaise permet souvent plusieurs sens pour un même terme. « Be » peut être utilisé de tellement de façons en modifiant sa forme ! Tu as tant de langues dans lesquelles, si tu changes le contexte, le sens du mot change aussi, avec différentes terminaisons ou différents préfixes. Si tu prends la forme infinitive « to be« ,  » être « , cela signifie quasiment la même chose que si tu dis à quelqu’un : « sois ! » (be !). Mais dans la plupart des langues, les deux formes peuvent signifier beaucoup de choses.

Qu’es-tu sûr d’être et de ne pas être, en tant qu’homme ?
Daniel Gildenlöw : j’essaie de faire partie intégrante du contexte dans lequel je suis placé. C’est une des choses les plus importantes en tant qu’être, en ce qui me concerne du moins. On vit dans une société aujourd’hui où tu n’es pas sensé ne pas faire partie de quelque chose (NdRC : où l’on doit être part d’un groupe ou d’un collectif). Tu es supposé être une entité à part entière. C’est aussi se sentir nécessaire ou ressentir des besoins. Le besoin est la fondation basique de l’existence. Tout est dit. Je pense que si les gens se sentaient avec le fait qu’ils peuvent éprouver un besoin ou se sentir nécessaires, le monde paraîtrait sûrement meilleur. En ce qui concerne « ne pas être », je ne voudrais jamais être « Mr Money » ! J’aime l’incarner sur scène tu sais, mais si je le vois je lui dirai bonjour ! (rires)

Il semble que le DVD ait représenté beaucoup de travail et une réelle volonté de donner le meilleur de toi-même. Peux-tu raconter toute cette aventure depuis le début ?
Daniel Gildenlöw : Le premier jet m’est apparu en 1996, mais je ne savais pas que cela allait devenir de ce genre de concept. Cette idée,  » Mr Money « , remonte à 1996. Je ne savais pas où cela allait nous mener, idem pour l’idée du mythe de la création et pour cette idée d’univers fractal : tout cela remonte à 1996-1997. J’ai commencé à écrire la musique en 2003 et ensuite nous avons fait la scène pour le spectacle à la fin 2003. Après nous avons travaillé sur la version studio et avons fait 12 : 5 entre temps. Ensuite, nous avons poursuivi le studio et j’ai dû concevoir le livret de Be et tout l’artwork.

Ensuite, nous avons fait le mixage du concert, que l’on retrouve aussi en CD avec le DVD. Puis, j’ai travaillé sur le DVD en lui-même avec les boni. Et la dernière semaine avant la sortie, en plus de l’artwork, il fallait s’occuper de tout le marchandisage : les t-shirts, les posters, tous ces trucs… Maintenant, nous jouons en concert à nouveau. Ce fut un long processus.

En ce qui concerne le décor du DVD, nous travaillons avec une école de musique dans notre ville. Ca fait longtemps que nous bossons avec eux et que nous nous connaissons. Nous avions trois semaines de budget pour la production et nous nous sommes aussi arrangé avec l’école, vu que nous présentions aussi des spectacles pour les petits, ce qui nous donne en plus des subventions de l’Etat. Voila ce qu’on fait de l’argent que tu verses aux impôts (rires) ! Tous les spectacles n’avaient pas besoin de faire de profits. Il y avait une marge et il pouvait y avoir des pertes, mais ce n’était pas grave car cela était financé par subvention. J’avais une vision de ce que je voulais que ce soit mais j’ai dû faire beaucoup de compromis. Plus tu as des ambitions démesurées, plus tu auras de soutien financier ! Si l’on raisonne en pourcentage, les compromis sont sensiblement les mêmes. Si tu veux une scène standard avec un frigo dessus alors le frigo sera un extra en plus des compromis. Par contre, si tu veux une scène énorme et plus élaborée alors le frigo sera inclus dans le contrat (rires) ! C’est comme ça que ça se passe … La parabole du frigo !! (rires)

Tous les boni du DVD sont très étranges, comme par exemple le show à l’envers, quel est le but ?
Daniel Gildenlöw : (rires) Je me suis laissé aller. Je trouvais que c’était drôle. Je me suis lâché. D’un autre coté, je ne me suis lâché qu’à moitié, et crois-moi tu n’as jamais vu ou entendu ce que je fais quand je me lâche (rires) ! Ca ressemble aux messages subliminaux imaginés par les fanatiques religieux ! Pour les aider, on doit les aider ! (rires) As-tu tout regardé ? As-tu entendu les conclusions à la fin ? As-tu trouvé les menus cachés ? Certaines personnes disent sur internet qu’elles ont déjà tout trouvé : je ne sais pas comment elles font ! Elles ne doivent pas avoir de vie ! (rires)

As-tu l’intention de faire la même chose, en termes de spectacle, avec les albums à venir ?
Daniel Gildenlöw : Non, ça va être différent. Je pense que c’est pour cela que nous sommes en constant changement, sinon ça va commencer à vous ennuyer ! J’apprécie cette façon de travailler, faire le concert avant que l’album studio ne sorte. Mais maintenant, nous devons passer à autre chose, faire un break. C’est pour ça que maintenant, je prépare le Perfect Element part 2 parce qu’il y aura aussi des orchestrations. Cependant, ce ne sera pas le prochain album…

Propos recueillis par Aleks Lézy
merci à Dan Tordjman pour son assistance

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