Steve Hackett – Steve Hackett

ENTRETIEN : STEVE HACKETT

 

Origine : Grande Bretagne
Style : Rock progressif, guitare classique, etc.
Composition de concert :
Steve Hackett – guitare classique
John Hackett – flûte
Roger King – claviers
Dernier album : Metamorpheus (2005)


Avec la sortie de Metamorpheus, Steve Hackett renoue avec un ambitieux album de guitare classique accompagné par un orchestre. Entretien avec un Steve très disponible qui apporte son éclairage sur son travail.

Progressia : Metamorpheus a été présenté comme le successeur de A Midsummer’s Night’s Dream, ton dernier album combinant guitare classique et orchestre. Pourquoi ?
Steve Hackett : Je dois dire qu’après A Midsummer’s Night’s Dream, j’ai eu une demande très forte pour que je renouvelle cette expérience. Toutefois, en terme d’organisation, cela demande du temps et de l’investissement en terme d’écriture, d’enregistrement, réunir les musiciens, etc. En fait, c’est une aventure qui ne peut être renouvelée plus souvent que tous les cinq ans. On ne peut pas faire cela tous les ans ! (rires) (i<>ndlr : A Midsummer’s Night’s Dream a été publié en 1996).

Qui est cet  » Underworld Orchestra  » qui joue avec toi sur l’album ? C’est un nom d’orchestre pour le moins étrange.
Cela concerne l’histoire d’Orphée qui essaie de retrouver Eurydice, son amour perdu dans les Enfers (situés sous terre dans la mythologie grecque). Le nom se réfère donc à cet endroit particulier. Ce titre révèle aussi, d’une certaine façon, toutes les conjectures que l’on peut faire, relatives à notre disparition de ce monde.

En fait, tu as écrit un album concept ?
Tout a fait ! Pour être plus précis, ce qu’on appelle dans la musique rock un concept album est appelé musique programmatique en musique dite classique. Elle raconte l’histoire d’un individu qui est basée sur le folklore, les légendes ou, dans ce cas-ci, la mythologie.

Cette histoire d’Orphée pose de nombreuses questions mais apporte peu de réponses. C’est une histoire sans fin ?
Cette histoire d’Orphée peut être vue comme l’histoire sous-jacente de la vie de tout musicien. Ce n’est pas simplement le fait de revivre (à travers son œuvre), mais aussi les faits qui marquent sa propre existence. Par exemple, j’ai été grandement encouragé il y a quelques années à continuer d’écrire de la musique classique par le violoniste Yehudi Menuhin. De même, John Lennon écoutait Selling England by the Pound. Le fait que ces deux personnes d’horizons fort différents appréciaient ma musique est le plus beau compliment et encouragement qu’on ait pu me faire, même si je n’avais vendu qu’un seul album !

Quelles sont tes plus grandes influences en musique classique ?
Dans ce domaine, je suis très influencé par la musique écrite pour piano et celle pour guitare. J’essaie de trouver un croisement entre les deux. En même temps, pour Metamorpheus, j’ai tenté d’y ajouter des cordes. Je n’utilise pas toujours ma guitare comme une guitare. J’essaie plutôt de l’utiliser dans un sens plus large, une sorte d’orchestre. Par exemple, pour une guitare électrique, je préfère la penser comme une voix ou un saxophone plutôt qu’une guitare électrique en tant que telle ! Pour revenir à la question, je suis très influencé par les compositeurs russes, Sybelius, tous ces grands orchestrateurs, en particulier la combinaison qu’ils font entre le piano et l’orchestre. J’essaie de restituer cela pour une guitare et un orchestre !

Ta carrière a deux faces, l’une rock, l’autre classique. S’influencent-elles l’une et l’autre ? Par exemple, tes derniers albums  » rock  » ont-ils influencés Metamorpheus ou bien tout est-il clairement séparé ?
(hésitations …) ta question n’est pas simple ! (rires)… Il y a sans doute des influences réciproques. Je travaille sur des nouvelles musiques là, elles ont leur propre atmosphère. Un musicien ne peut être totalement original, il y a toujours des emprunts ou des influences mais j’essaie de sonner  » frais « , si tu vois ce que je veux dire !

Des nouvelles musiques ? C’est-à-dire que tu prépares un nouvel album ?
Oui tout a fait ! Je pense sortir un album  » électrique  » pour la suite. Environ cinquante pour cent du matériel est déjà écrit et enregistré !

On a l’impression que tu prend plus de risques avec des albums comme Darktown que dans tes albums dits  » classiques « . Qu’en penses-tu ?
Parfaitement d’accord. J’utilise des formes classiques d’écriture. J’ai une approche émotionnelle de la musique plutôt qu’intellectuelle. Pour mes albums rock, cela reste dans le même état d’esprit, j’expérimente plutôt que je raisonne. L’expérimentation est parfois plus risquée que l’écriture classique.

Tu vas faire une tournée en Angleterre, Espagne et Italie avec ton frère à la flûte et Roger King aux claviers, y a-t-il des concerts prévus ailleurs , particulièrement en France ?
Une tournée est planifiée en Allemagne au mois de juin (ndlr : une série de 7 concerts du 13 au 19 juin). Par contre, pour la France, c’est plus difficile à organiser. On cherche toujours, mais rien n’a été confirmé. J’adore la France mais il semble que c’est toujours plus difficile d’y organiser des concerts qu’ailleurs ! J’aimerais aussi jouer en Chine ou en Inde, mais tout dépend de l’intérêt d’un promoteur. Cela ne dépend pas toujours de l’artiste. Les désirs sont une chose, la réalité une autre ! On aimerait bien jouer dans un stade, puis on finit par jouer dans un petit club !

Dans quelle mesure un artiste comme toi, qui n’est pas considéré comme mainstream, peut attirer une audience plus jeune ?
En fait, je ne suis pas vraiment intéressé à avoir la plus grande audience possible. Je préfère plutôt avoir une audience qui apprécie réellement la musique. Mon idée du succès, c’est plutôt de réussir à sortir des albums comme Metamorpheus. Concernant le fait d’avoir une plus jeune audience, j’apprécie que de jeunes gens voire de jeunes guitaristes, viennent écouter mes concerts car ils aiment la guitare. Je ne cherche absolument pas à être une pop star et avoir des adolescentes à mes concerts ! Je n’ai pas envie de devoir toujours jouer la même chose et de faire des vidéos pour ma promotion. Quoique je vais peut-être faire une vidéo pour un des morceaux de mon prochain album, mais rien n’est encore décidé. Cela sera juste pour le plaisir avec un ami vidéaste et non pour attirer des fans. Je ne veux pas m’imposer des limitations !

Voyage of the Acolyte sera-t-il remasterisé ?
Virgin nous a parlé de leurs plans à ce propos. Ils pensent sortir des remasters des quatre premiers albums.

Quel regard portes-tu par rapport aux nouvelles technologies en matière de création musicale ?
La technologie n’est qu’un outil. J’aime utiliser tous les outils à ma disposition. Je ne me limite pas qu’à cela pour créer ma musique. Mais il est vrai que cela a permis de réels progrès en terme de production.

Et l’utilisation d’instruments plus anciens comme le mellotron ?
J’ai toujours été un grand supporteur de l’utilisation de cet instrument ! Il a un son magique. Mais avec les technologies actuelles, je peux faire sonner ma guitare comme un mellotron ! C’est un peu l’ancêtre de l’échantillonneur. Mais c’est aussi un outil qui est à disposition dans notre  » librairie de sons  » !

Propos recueillis par Jean-Daniel Kleisl
Photos : Pierre Romainville (avec les remerciements de la rédaction)

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