The Red Masque - Feathers For Flesh

Sorti le: 01/11/2004

Par Djul

Label: Big Balloon Music

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Comme nous aimerions, chez Progressia, recevoir plus de disques dotés d’une telle personnalité ! The Red Masque ne laissera personne indifférent avec sa musique, très ambitieuse, et sa grandiloquente chanteuse Lynnette Shelley. Quel plaisir de constater que la scène des musiques progressives arrive encore à accoucher de fortes têtes comme celle-ci.

Groupe américain né il y a trois ans à peine, The Red Masque sort déjà son second album, précédé d’une sulfureuse réputation. Déjà parrainés par Chris Cutler, pape des musiques nouvelles Outre-Atlantique, le quatuor est considéré comme l’un des groupes les plus importants du continent en matière d’ « avant-rock », grâce à un mélange séduisant sur le papier : zeuhl, gothique et progressif. Une alchimie qui semble a priori difficile à mettre en œuvre, et qui pourtant est avérée sur Feathers For Flesh.

Après une inquiétante introduction psalmodiée, décomposée en quatre mouvements, « House of Ash » démarre en trombe avec un rythme martial qui semble emprunté à Magma et un gros son distordu et sec. On sent d’emblée qu’aucun compromis ne sera accordé. Lynnette navigue entre chant grave et clair, en pleine crise de schizophrénie, sur fond de claviers ou de choeurs (ses trois compères gérant l’instrument et les voix secondaires) et de progressif agressif particulièrement complexe. « Passage » calme le jeu en débutant comme un titre de White Willow, sur un folk progressif paisible gorgé de flûtes, avant que le trio instrumental ne se déchaîne, Mrs Shelley se prenant même pour Siouxsie Sioux.
L’aspect théâtral de sa prestation est à son comble sur « Yellow Are His Opening Eyes » et surtout sur le final « Scarlet Experiment », qui enfonce le clou : The Red Masque compte en la personne de sa chanteuse une véritable grande malade. Elle utilise sa voix comme un instrument à part entière, comme a pu le faire, avec peut-être plus de talent encore, Diamanda Gallas.
La basse de Brandon Ross, totalement saturée, a un peu le même rôle que dans un Anekdoten et la guitare de Kiarash Emami se trouve soit en soutien, soit en contrepoint mélodique. Dès lors, lorsque le groupe se met en branle, il sonne comme un Magma gothique, atteignant parfois l’épaisseur de Black Sabbath.

Seul l’acoustique « Beggars & Thieves » reste intact (et calme !), en échappant à ce travail de déconstruction constant que fait subir The Red Masque à ses morceaux. Il est d’ailleurs étonnant de constater une telle volonté de démonter chaque idée pour la faire évoluer vers quelque chose de différent, allant en général du calme vers le déchaîné et inversement. Mais jamais le terme de digression ne vient à l’esprit à l’écoute de ces explorations stylistiques, grâce à une mise en place et un sens de l’écriture pertinents.

Sorte de Bauhaus progressif, avec le même amour de la mise en scène et de la théâtralité de la musique – sensation renforcée par l’usage immodéré de visuels très forts – The Red Masque ne manque pas d’atouts, sa principale originalité étant aussi son plus gros défaut. Il faudra en effet une bonne dose de courage pour le suivre dans ses pérégrinations, et une grande tolérance pour apprécier de bout en bout Feathers For Flesh.