Paatos – Paatos

ENTRETIEN : PAATOS

 

Origine : Suède
Style : Pop progressive
Formé en : 2000
Line-up :
Petronella Nettermalm – chant
Richard Nettermalm – batterie
Johan Wallen – claviers
Stefan Dimle – basse
Peter Nylander – guitares
Discographie :
Timeloss (2002)
Kallocain (2004)


Émanation de Landberk, l’un des groupes les plus cultes de la scène progressive suédoise, Paatos développe de subtiles atmosphères mélancoliques, avec à sa tête la charmante Petronella. C’est le bassiste Stefan Dimle, qui a connu les deux formations, qui s’est prêté au jeu des questions-réponses au sujet des deux albums à l’actif du quintette.

Progressia : Peux-tu, en premier lieu, nous rappeler ton parcours de musicien ?
Stefan Dimle
: Ma première et plus importante expérience musicale fut au sein de Landberk. Nous avons réalisé trois albums entre 1992 et 1996. Il y avait à l’époque assez peu de groupes, à l’exception d’Anekdoten et Anglagaard, évoluant dans le genre progressif en Suède. Musicalement, Landberk était assez proche de ce que peut faire Paatos aujourd’hui. À la suite de Landberk, j’ai lancé un groupe du nom de Morte Macabre, une collaboration entre deux membres de Landberk (NDLR : Stefan et Reine Fiske, premier guitariste de Paatos) et deux membres d’Anekdoten. Nous avons réalisé un album en reprenant des musiques de films d’horreur, en particulier italiens. Nous ne nous attendions pas à ce que ce projet reçoive un tel accueil, au plan international, et le succès a été tel que nous nous sommes embarqués dans une petite tournée. À la suite de ce projet, Reine et moi-même avons travaillé avec un chanteur suédois très connu chez nous, Turid, qui faisait son retour sur scène. Après la tournée de Turid, nous avons décidé de continuer avec Reine, et avons créé Paatos.

Avec le recul, êtes-vous toujours satisfaits de votre premier album ?
Oui, car lorsque nous avons décidé de réaliser ce premier disque, nous avons utilisé toutes les expériences et les cultures musicales de chacun d’entre nous. Il c’est vrai que nous n’avions pas de ligne directrice : nos influences étaient très variées, et si l’on prend les cinq titres de cet album, on se rend compte qu’elles partent chacune dans une direction très différente. Mais je crois que cela fait son charme. Car nous avions malgré tout une bonne expérience de l’enregistrement studio, de sorte que certains passages ont été mis en boîte à la première prise. Timeloss a été réalisé en très peu de temps : quelques jours de composition et autant d’enregistrement.

Peut-on dire que Paatos a développé, sur ce premier disque, une musique se situant quelque part entre le trip hop de Portishead et l’instrumentation progressive traditionnelle ?
Nous n’avions pas d’intention précise lors de la composition des titres. Ce n’est qu’après sa réalisation que cette référence est apparue, évidemment par le biais de la superbe voix de Petronella. Il y a aussi une similarité dans les ambiances. Mais en terme d’influences directes, ni Portishead ni King Crimson ne sont à citer : ce sont juste nos expériences de vie qui nous ont poussées à composer des titres plus ou moins tristes.

La voix de Petronella est proche de celle de Björk, comme sur  » Sensor « . Penses-tu que la comparaison soit juste ?
Oui, je crois. Sa manière d’interpréter les paroles est effectivement proche de celle de Björk, même si je ne pense pas qu’elle ait eu cette référence en tête lors de l’enregistrement. À nouveau, ce n’est qu’a posteriori que nous avons réalisé qu’il existait des éléments de comparaison entre Paatos et la musique de Björk, même si c’est une artiste que nous apprécions tous au sein du groupe. En tout cas, c’est toujours un plaisir d’entendre ce genre de comparaisons !

 » Quits  » est basé sur une rythmique électronique : est-ce une direction que vous comptez explorer dans le futur ?
Ce morceau est plus le résultat d’une expérimentation que d’un effort de composition. Notre batteur adore les ateliers et les nouvelles technologies. Pour ce rythme drum and bass, il était quasi-impossible de le reprendre à la batterie, jouée en direct, quand bien même notre batteur y a travaillé pendant des heures pour reproduire la séquence, tout en composant l’intégralité du morceau. Au fur et à mesure que ce dernier prenait des accents jazz, nous avons invité des musiciens à se joindre à nous, des saxophonistes et un tromboniste, issus de la scène bee-bop. Le tout s’est transformé en une longue improvisation, car nous ne savions pas quoi leur demander de jouer. Au final, nous sommes heureux d’avoir expérimenté de cette manière, et j’espère que nous pourrons aller encore plus loin dans cette voie, notamment avec l’emploi de rythmes drum and bass.

Entre Timeloss et Kallocain, deux évènements ont eu lieu, avec en premier lieu le départ de Reine. Peux-tu nous en dire plus sur ce départ ?
C’est arrivé lors de l’enregistrement de Timeloss en fait, quand il a créé un autre groupe, du nom de Dungen. Il se concentrait de plus en plus sur ce projet, et la direction musicale de Paatos ne lui convenait plus, je pense. Nous sommes toujours très liés, mais c’était mieux pour tout le monde, même si Reine est un formidable guitariste. Peut être collaborerons-nous dans le futur à nouveau, sur un nouveau Morte Macabre ?

Vous comptez donner une suite à Morte Macabre ?
Beaucoup de gens le souhaitent. Si nous avons encore un peu de temps entre deux projets, nous essaierons de relancer ce groupe !

Parfait ! Le second évènement est la signature sur Inside Out !
Nous étions en train de faire quelques dates de concert en Allemagne et en Belgique pour promouvoir Timeloss lorsque nous avons reçu une invitation par e-mail pour passer par le bureau de cette maison de disques, pour discuter un peu. Nous avons décidé de signer avec Inside Out sur place, car ils sont vraiment très professionnels. Même si la plupart des groupes signés chez eux sont éloignés de notre style, il nous a semblé que c’était le meilleur choix : le label avait adoré notre premier disque et les gens qui le gèrent sont adorables, de sorte que nous n’avons pas hésité bien longtemps. Je suis très heureux de leur travail sur Kallocain. Ce label devient un incontournable dans le genre progressif et s’ouvre peu à peu à tous les sous-genres de ce style de musique !

L’arrivée de Peter a-t-elle eu une influence sur le groupe ?
Bien sûr, et ce même si  » Gasoline  » et  » Hapiness  » ont été composés avec Reine. Peter a eu un énorme impact sur Kallocain. Avant de l’avoir rencontrer, nous avons auditionné énormément de gens, sans être satisfaits. Nous envisagions même sérieusement de mettre un terme à Paatos, faute d’alchimie avec le six cordistes… Peter est très exigeant avec lui-même et les autres : il a été un véritable requin de studio en Suède, et c’est son premier véritable groupe. Il s’y investit énormément.

Peut-on considérer que Kallocain est plus calme que son prédécesseur ?
Oui. Nous avons passé beaucoup de temps pour laisser mûrir les titres : nous les avons joué en concert, puis nous les avons récrits et réorientés, contrairement à ce qui c’était passé pour le premier album. Je crois que cela nous a incité à accentuer les effets d’ambiances et à travailler les atmosphères.

Il y a moins de mellotron et de sons de vieux instruments. Pourquoi ce changement dans l’instrumentation ?
Nous adorons le son du mellotron (NDLR : il imite le son de l’instrument…) et nous souhaitons continuer à l’utiliser, pour ce son profond et unique. Mais bien sûr, il faut évoluer : il y a plus de Fender Rhodes, de piano et de moog sur cet album, tout en cherchant à garder un équilibre entre tous ces sons. Sur les deux albums, nous avons utilisé le même piano, mais Kallocain a été bien plus composé à partir de cet instrument que son prédécesseur.

Peux-tu nous expliquer le titre de ce nouvel album ?
Kallocain est un livre très connu en Suède. Il a été écrit dans les années 40 par Karin Boye et évoque, dans le futur, un nouveau type de drogue, qui ouvre les esprits et qui rend fou. A l’époque, elle anticipait ce qui allait se produire vingt ou trente ans plus tard. Nous avions le livre sur nous lors de nos séances de composition, et on s’y reportait régulièrement. Cette drogue ouvre l’esprit à différents univers, et chaque titre est inspiré par un des chapitres du livre. Je pense d’ailleurs qu’on doit pouvoir trouver ce livre en France.

Comment Steven Wilson s’est-il retrouvé à assurer la production de ce disque?
Après Timeloss, Steven Wilson nous a dit qu’il appréciait beaucoup notre musique et notre son. Nos contacts se sont faits peu à peu plus fréquents, et nous avions même prévu de faire un album acoustique ensemble, ce qui ne s’est pas encore fait. Mike Akerfeldt (Opeth) aimait également le disque, et lorsque Porcupine Tree et Opeth ont tourné ensemble en Espagne, ils écoutaient Paatos tout le temps. Steven m’a envoyé un SMS à cette époque, en me disant que si nous devions faire un second album, il voulait en être le producteur. Nous l’avons donc indiqué à Inside Out, qui a accepté immédiatement cette proposition. Nous avons invité Steven à Stockholm et avons enregistré le disque dans le même studio que pour le second et le troisième et dernier Landberk. Le grand avantage de travailler avec Steven, c’est qu’il adore notre style musical : après avoir écouté une seule fois les démos, il nous a dit savoir exactement où il voulait nous amener, et nous n’avons jamais eu à débattre avec lui. Il avait carte blanche, sans discussions. Mike Akerfeldt nous avait déjà expliqué à quel point c’était un plaisir de travailler avec lui, et nous avions toute confiance !

Que vous a-t-il apporté concrètement ?
Il nous a beaucoup apporté, et c’est pour cela que nous comptons poursuivre cette collaboration, dès lors que nos agendas le permettront. Steven ne veut pas modifier notre musique, il veut juste la développer. Il ne nous a aidés que sur le son, jamais sur la composition. Je m’attendais à ce qu’il soit plus directif sur cet aspect, d’ailleurs !

Allez-vous promouvoir le disque sur scène ?
Nous avons déjà fait quelques concerts chez nous, en Suède, puis nous irons au Portugal en septembre. En octobre, nous irons en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas. Nous souhaiterions venir en France, car nous adorons votre scène musicale : nous avons déjà joué avec Magma et c’est un fantastique souvenir. Si on nous fait des propositions, nous viendrons avec plaisir !

Quels sont vos projets, après la tournée ?
(rires) Nous continuerons à jouer et à nous produire sur scène jusqu’à avoir suffisamment de titres composés pour un nouvel album. Aujourd’hui, nous n’avons qu’un seul nouveau morceau, donc cela devrait prendre du temps, d’autant plus que nous ne l’avons jamais joué tous ensemble ! Il s’appelle  » Embryo  » !

Une dernière question : vous avez réalisé, à l’image d’Art Zoyd, par exemple, une bande-son pour un classique de Murnau, Nosferatu. Cette musique sera-t-elle disponible sur album dans le futur ?
Ce serait merveilleux, car nous y avons travaillé dur. Nous avions été invités par un festival de cinéma en Suède pour jouer en direct lors d’une projection en l’honneur de l’anniversaire de ce classique du cinéma muet. L’organisateur était un fan de Morte Macabre, et il nous avait contactés pour que ce dernier groupe se charge du projet. Comme il n’existait plus, nous avons proposé que ce soit Paatos qui le remplace et il a accepté. Nous pourrions être amenés à rejouer cette musique à nouveau, et même peut être en faire un DVD, avec film et musique. Le DVD officiel est doté, je crois, d’une bande son exécrable, qui ne colle pas du tout avec l’ambiance sombre et gothique de ce classique !…

Propos recueillis par Djul et Aleks Lézy

site web : http://www.paatos.com/