ENTRETIEN : ALKEMY

 

Origine : France
Style : rock fusion progressif
Formé en : 2000
Line-up :
Aurélien Budynek : chant et guitare
Aurélie Martin : claviers
Lionel Bertrand : batterie
Philippe Sifre : basse et choeurs
Dernier album : Da 63 Projekt (2004)


Nouveau venu prometteur sur la scène progressive française, le quatuor d’aLkemy s’est entretenu avec nous afin de faire plus ample connaissance. La conversation tourne principalement autour de leur premier album Da 63 Projekt (chroniqué dans nos colonnes) et de son élaboration.

Comment a débuté l’histoire d’aLkemy ?
Aurélien :
A l’été 2000 j’ai enregistré quelques démos tout seul dans l’espoir de trouver d’autres musiciens pour former un groupe et jouer ces morceaux. J’avais déjà joué avec Lionel, à la batterie, dans un autre groupe pendant quelque temps avant ça et en écoutant les démos il a répondu présent. Puis à tout hasard, j’ai rencontré Philippe, à la basse, dans un chat sur le Net. Lui aussi a écouté les démos, on s’est tous réunis pour jouer ensemble et le courant est vraiment passé. On a joué à trois pendant à peu près un an, le temps d’enregistrer notre première démo. Pendant tout ce temps on recherchait aussi un clavier pour compléter notre son, mais sans succès, puis par le biais de Philippe on a rencontré Aurélie qui a rejoint la formation à l’été 2001.

Parlons de votre album. Pouvez-vous expliquer son titre, Da 63 Projekt ?
Aurélien :
tout simplement, c’est un projet dont la durée totale est de 63 minutes – et quelques secondes. Le  » Da  » est un effort purement commercial pour être classé dans les charts hip-hop et éveiller l’attention des Californiens. On a tous un Californien qui dort au fond de nous…

Que représente la pochette ?
Aurélien :
au départ c’est une photo du groupe – guitare à gauche, batterie à droite, croyez-le ou pas – passés sous plein de différents filtres et déformations. Davina Barreyre en est la responsable.

Aurélien, tu as composé la totalité des titres. Comment procèdes-tu pour l’écriture ?
Aurélien :
je n’ai pas de méthode particulière, les idées arrivent, ou pas, sous forme d’abord d’un riff, d’une mélodie ou d’une suite d’accords, de manière très simple. Le reste est surtout du  » travail de transpiration « , jouer avec les rythmes, les accents, les accords, les notes… Bien souvent je peux avoir une idée simple et rester en période de gestation, plusieurs mois voire même plusieurs années, avant d’y revenir et de trouver quelque chose d’intéressant à en tirer. Parfois, j’écris la première note et déjà, tout est là, dans ma tête, je n’ai plus qu’à écrire ce que cette note me dicte. Parfois, rien ne vient pendant plusieurs mois, puis tout arrive d’un coup. L’album, au niveau composition est assez hétérogène puisque les morceaux ont été écrits entre 1998 et 2002, et entre ces deux dates mes goûts, mes oreilles, mes méthodes, ma manière d’écouter et de percevoir la musique ont changé. Mais au final, le but est toujours le même, faire quelque chose de musical, qui ait du sens. Peu importe le chemin pour y arriver.

Les autres membres participent-ils aussi à la composition ?
Aurélien :
le reste du groupe n’intervient pas dans le procédé de composition mais participe surtout à l’arrangement, qui pour moi est au moins aussi important que la composition elle-même, les deux aspects sont indissociables. Souvent je vais avoir des idées pour les guider, que l’on garde, ou pas. J’enregistre souvent des démos seul avec des arrangements basiques que chacun enrichit ou modifie. Chacun construit sa partie autour de ça en se complétant, en essayant de former un tout qui fasse sens, qui soit naturel.

On retrouve pas mal d’influences diverses à travers cet album. Justement, quels sont les artistes qui vous ont inspirés ?
Aurélien :
mon éducation rock s’est faite d’un côté autour des guitar heroes – Satriani, Vai etc – et du blues ; Stevie Ray Vaughan, Paul Personne, B.B. King… et d’un autre côté, des guitaristes jazz et fusion comme Al Di Meola, Allan Holdsworth, Pat Metheny. Niveau composition, les influences peuvent aller du rock comme Led Zep, Queensrÿche, Dream Theater, à la fusion tels Chick Corea, Planet X, Mahavishnu Orchestra en passant par l’electro, Björk, Goldie, Massive Attack…
Lionel : Simon Phillips, U2, Nightwish… tous les groupes que j’écoute…
Aurélie : j’écoute beaucoup de musique classique du début du XXe siècle, Rachmaninov, Ravel, Debussy. Du jazz : Keith Jarrett, Pat Metheny Group, Michel Portal, Brad Mehldau. Du metal plutôt progressif : Dream Theater, Vanden Plas et d’autres styles divers comme Loreena McKennitt, Dead Can Dance, Buena Vista Social Club. Il semblerait que ma formation classique ait eu une influence certaine.
Philippe : personnellement, à la basse, beaucoup d’artistes m’influencent. Le toucher jazz de Pastorius, le toucher slap de Marcus Miller, le toucher des solos à la Di Piazza… Musicalement parlant, mes groupes de prédilection sont très variés : electro, trip/hop, electro jazz : Kyoto Jazz Massive, Kruder&Dorfmeister, LTJ Bukem… Jazz : Maceo Parker, Herbie Hancock, Miles Davis, Erik Truffaz, Julien Loureau, Madlib, Laurent de Wilde… Rock Prog : Flower kings, Spock’s Beard, King Crimson, Porcupine Tree, A Perfect Circle, Tool…

Il semble que la plupart des titres figuraient déjà sur votre première démo qui date de 2001. Y avez-vous apporté quelconques modifications afin de figurer sur Da 63 Projekt ?
Aurélien :
les sept titres qui composent Stockholm Syndrome se retrouvent tous sur Da 63 projekt. La plupart des modifications, hormis le fait de tout réenregistrer, sont surtout au niveau de l’arrangement, des structures et de l’interprétation. Quelques notes en moins et plus de sens global.
Lionel : faire de la technique plus musicale, plus de nuances, de dynamiques. Faire ressortir le tout comme de la musique plutôt que de la démonstration.
Aurélie : moi !
Aurélien : oui, la démo ne comportait pas de claviers à l’époque…
Philippe : j’ai amélioré mon jeu entre l’enregistrement de la maquette et celui de l’album, donc forcément, j’ai revu mes lignes de basses avec un touché plus fluide, plus groovy, pour donner plus de naturel à ces morceaux qui au départ paraissaient plus industriels, techniquement parlant.

Comment s’est déroulé l’enregistrement de l’album ?
Aurélien :
la batterie a d’abord été enregistrée en studio, live, pendant deux jours. On y trouve très peu d’edits (NdRC : retravail de certains points précis des parties jouées par un instrument, après avoir procédé à son enregistrement global, pour améliorer le résultat final. On utilisera la méthode par exemple, pour corriger une erreur sans avoir à réenregistrer tout le morceau), juste  » une moitié de morceau, puis l’autre  » sur un ou deux titres. A partir de ces pistes le reste a été enregistré chez moi, basse, guitare, chant et claviers, plus ou moins dans l’ordre. Le tout a duré environ deux mois et demi. Tout a été fait chez moi sur ordinateur, pour des raisons de budget.

Si vous deviez refaire une chose sur Da 63 Projekt, quelle serait-elle ?
Aurélien :
ce qui est fait est fait, et tout le monde a tout donné pendant l’enregistrement. On a fait de notre mieux, je n’aime pas me dire qu’il aurait fallu faire ci ou ça, donc l’album est comme il est c’est tout.
Lionel : la prise de son de la grosse caisse…
Aurélie : rien !! Non pas par auto-satisfaction, mais plutôt par principe. C’est un premier album, dans toute sa spontanéité, fidèle à ce qu’était aLkemy au moment de l’enregistrement. L’évolution personnelle de chacun mais aussi celle du groupe se ressentira probablement sur le prochain…
Philippe : ce CD est vraiment un aboutissement, j’en suis vraiment content. Je ne verrais rien de plus ni rien de moins, c’est tout nouveau, tout beau…

Comment vous êtes-vous retrouvés sur le label Unicorn Records ?
Aurélien :
une fois l’enregistrement et le mixage de Da 63 projekt terminés, j’ai envoyé des tas de disques à divers labels de par le monde. On a eu plusieurs réponses et les Canadiens de Unicorn se sont montrés les plus intéressés. Après plusieurs mois de discussions j’ai eu l’occasion de rencontrer Michel St-Père de Unicorn à Montréal, fin 2003. On a encore discuté et on est tombés d’accord pour sortir l’album début 2004, après qu’un nouveau mixage et mastering aient été faits.

Si vous deviez convaincre un particulier d’acheter votre disque, quels arguments mettriez-vous en avant ?
Aurélien :
le disque réunit beaucoup d’influences. Il mêle les rythmiques rock avec quelques accords plus jazzy, plus fusion, avec des solos dans la même idée. Et surtout, cette fusion là comporte du chant, comme peu d’autres groupes similaires.
Lionel : il représente un peu tous les styles de musique : rock, jazz, metal, funk-groove
Aurélie : les influences très diverses de chacun créent un style à part entière, plus qu’une addition de genres pris séparément ; c’est ce qui fait l’originalité d’aLkemy.
Philippe :laissez-vous emporter par toutes les couleurs de ce CD, toutes les influences qui en ressortent, laissez-vous envahir par le groove de  » On The Very Day « , par la clarté de  » Turtle Soup « , par la puissance de  » Sick Seekers « .

Quelle est votre définition de la musique progressive ? Déjà, vous considérez vous comme un groupe de progressif ?
Aurélien :
je n’aime pas trop mettre des étiquettes sur la musique que j’écoute et surtout je n’aime pas m’imposer une étiquette lorsque je compose. Au final, c’est un morceau de musique, quelle qu’elle soit et peu importe comment la classer. On aime ou on n’aime pas. Evidemment, l’instrumentation pose des limites de jeu et d’expérimentation, et contribue à garder un son homogène. Je crois que chacun peut voir un peu ce qu’il veut dans la définition du progressif, comme chacun voit ce qu’il veut en définissant le rock ou l’electro, je ne crois pas qu’on puisse trouver de définition précise et universelle. Quelqu’un va aimer un morceau rock pour sa violence, ses rythmiques et quelqu’un d’autre pour le côté mélodique et son harmonie, etc. Au final, il faut que la musique parle à l’auditeur et le touche, lui fasse ressentir quelque chose. Que l’auditeur sache ou pas ce qui fait que cette musique le touche ne fait pas partie du problème, il a juste de besoin de savoir qu’il aime ça. On peut y voir deux catégories : la musique qui te touche, et le reste.
Lionel : le progressif est en général un déballage de technique, de mesures asymétriques exploitées de manière pas toujours très musicale et abusive. C’est pourquoi ce style est assez fermé et surtout destiné aux musiciens et non au grand public. Malgré tout, il en ressort des groupes très intéressants et qui touchent un public moins élitiste. Pour moi, notre groupe est une alchimie de plusieurs influences musicales, d’où notre nom… On se sert de la technique pour faire quelque chose de musical, de mélodique.
Aurélie : progressif, dans le sens rythmique, tant au niveau des mesures asymétriques qu’évoque Lionel que de la structure globale des morceaux, peut-être. Mais je pense qu’aLkemy va plus loin, chaque membre du groupe ayant son style propre et assez prononcé, le mélange donne un résultat trop riche en influences pour être classé, et c’est tant mieux.
Philippe : je serai plus précis quant a notre style, mais de peur de mettre encore plein de cochonneries derrière le mot rock. En gros ça donnerait rock progressif/alternatif-fusion-funk. C’est moche hein… C’est pour ça, pas d’étiquette. C’est un peu la philosophie du groupe en fait. Et puis, qu’est-ce que le rock progressif ? Qu’est-ce que la musique classique ? Tout dépend de qui l’écoute. Pour certains le rock progressif ça sera de musique de taré, pour d’autres une berceuse, tout comme le classique.

Citez-moi trois de vos albums favoris, et expliquez votre choix.
Aurélien :
sans ordre particulier, Promised land de Queensrÿche. Sa noirceur, son expressivité, la production, la composition et l’interprétation sont des modèles pour moi. Vespertine de Björk. Du gai au triste, de la violence noire et subtile à la délicatesse, complexité et simplicité. Cet album est truffé de contrastes faisant ressortir chaque aspect. Les beats sont innovants et incroyables, les cordes et les chœurs mettent en valeur et intensifient les compositions. Et sur tout ça se pose la voix de Björk… Lateralus de Tool. Là aussi, c’est noir. Ce disque se démarque complètement des autres groupes par la structure des chansons et tout ce côté rythmique et polyrythmique que l’on retrouve rarement dans un album rock.
Lionel : Mother Earth de Within Temptation pour le mélange metal et voix cristalline. Jagged Little Pills de Alanis Morissette, pour la façon de composer, pour tout ce qu’elle retranscrit à travers ses chansons. The Mask And The Mirror de Loreena McKennitt pour le mélange extraordinaire d’influences musicales, d’instruments et l’émotion qu’on ressent à écouter ses disques.
Aurélie : Metropolis Part II de Dream Theater. Une œuvre classique… Le concerto pour la main gauche de Ravel. Spiritchaser de Dead Can Dance Pas d’explication, les mots ne seraient pas suffisants, c’est du ressenti.
Philippe : The Rite Of String, trio jazz acoustique avec Al Di Meola, Jean-Luc Ponty et Stanley Clarke. Une magnifique osmose musicale aux couleurs méditerranéennes avec des musiciens hors normes… magnifique, ça me fait lever le poil !!! Mas Borrachos d’Infectious Grooves qui nous a pondu l’album le plus funky de leur discographie. Ça change du coté très punk des anciens albums, là on ressent le groove infectieux, le gros slap de Trujillo, les grosses cocottes à la guitare, et toujours ce coté déjanté de la Cyco Family… ça me plaît !!! The Wall, le concept album le plus flippant que j’aie jamais entendu, surtout avec les images psychédéliques du film d’Alan Parker… Une puissance à vous couper le souffle…

Quels sont vos projets à venir ? Quelques concerts dans l’hexagone ?
Aurélien :
probablement quelques concerts cet été. Notre situation est difficile car je suis aux Etats-Unis huit mois par an. En plus de ça, des concerts pour un groupe comme nous sont difficiles à trouver en France, il est assez difficile d’évoluer sur scène mais on trouve quand même des solutions, on lutte et petit à petit on se fait un peu plus entendre. Heureusement que quelques associations organisent des concerts et des festivals pour soutenir ce mouvement rock peu représenté. Certaines personnes donnent leurs chances à des petits groupes plutôt qu’à de gros vendeurs, mais ces personnes là sont trop rares pour faire bouger le paysage musical et culturel en France. Je ne reproche pas jalousement à la Star Academy d’exister, je leur reproche de prendre toute la place.

Le mot de la fin : avez-vous quelque chose à ajouter que nous n’aurions abordé dans cet entretien ? Un petit mot pour nos lecteurs ?
Aurélien :
au nom du groupe, un grand merci aux lecteurs de Progressia pour leur soutien et à toutes les autres personnes qui nous soutiennent d’une manière ou d’une autre. Pour les petits groupes, le bouche à oreille – via les chroniques, les recommandations – reste le médium le plus efficace. Visitez notre site et achetez Da 63 Projekt !

Propos recueillis par Greg Filibert

site web : www.alkemy.fr.st

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