Marillion

26/05/2004

Elysée Montmartre - Paris

Par Xavier Méra

Photos:

Site du groupe : www.marillion.com

Setlist :

The Invisible Man - Marbles I - You're Gone - Angelina - Marbles II - Don't Hurt Yourself - Fantastic Place - Marbles III - The Damage - Marbles IV - Neverland - This is the 21st Century - Quartz - Bridge - Living with the Big Lie - The Party - Between You and Me - Estonia - The Uninvited Guest - King. Rappels : Cover My Eyes - Easter

Son nouvel album à peine sorti, Marillion s’est embarqué dans une tournée européenne pour défendre ses billes. La difficulté de ce genre de jeu est qu’il peut être très ennuyeux ou franchement passionnant, suivant le talent et l’humeur des joueurs. Toutefois, la réputation de nos petits écoliers britanniques n’est plus à faire pour ce qui est de se donner en spectacle. Preuve en est que l’Élysée Montmartre affichait complet depuis plusieurs jours, malgré le fait que la majorité des spectateurs présents n’avaient probablement pas eu le temps de s’imprégner pleinement du contenu du nouveau Marbles, et la prestation simultanée de Peter Gabriel à Bercy. Quoi qu’il en soit, nous étions nombreux à ne pas manquer la récré.

En divisant le concert en deux parties séparées d’un court intermède, la première étant entièrement consacrée au nouvel album, Marbles, Marillion prenait des risques. Il est en effet fréquent, pour un amateur de Marillion, de retenir son jugement sur le dernier album, jusqu’au moment où il est « digéré ». Marbles est controversé. L’est-il vraiment plus que les autres aux moments de leurs sorties ? On peut en douter. Mais le fait est que rarement les albums de Marillion ont immédiatement soulevé l’enthousiasme, même chez les fans. Pas de facilité donc, dans ce choix de set-list : Marillion est venu pour s’exposer.

Le test du premier set fut-il concluant ? Peut-être certains se sont-ils ennuyés, mais il est clair que ce fut globalement un succès. Il est vrai qu’aucune demoiselle en transe, persuadée d’avoir rencontré le regard de Steve Hogarth, ne s’est jetée dans la fosse, que les fans de sexe masculin ne hurlaient pas comme des cochons à l’abattoir en faisant des signes de mains à la gloire des forces démoniaques. Il est aussi vrai que le caractère introspectif de Marbles ne se prêtait pas à pareilles demonstrations : aucun signe, donc, de ce genre d’enthousiasme que l’on observe souvent dans un concert rock. A la place, le groupe s’est trouvé devant une audience attentive, majoritairement disposée à se plonger dans l’ambiance « à fleur de peau » de Marbles. Les refrains n’ont pas été repris en cœur par la foule, ils étaient chuchotés par ceux qui les connaissaient. S’il est possible d’être sage et passionné à la fois, c’est ainsi qu’on peut décrire la performance du groupe et la réponse de son public lors de la première partie du show. Une fois « Neverland » terminé, un tonnerre d’applaudissements ininterrompu pendant plusieurs minutes a grondé dans la cour de récréation. Bravo les enfants. 

Quelques minutes plus tard, une pluie de ballons en provenance du public s’abattait sur la scène, provoquant l’hilarité des musiciens venus entamer le deuxième set. Cette anecdote paraîtrait insignifiante si elle ne reflétait pas l’état d’esprit général de la soirée : il y a des sourires qui ne trompent pas. En les voyant, tout observateur désintéressé aurait alors pu constater à quel point il faisait bon être là. Après une ambiance presque recueillie pendant le set Marbles, la seconde partie laissa la place à une ferveur plus relâchée, puisque le groupe allait enchaîner hymne sur hymne, tous bien connus du public, à commencer par « This is the 21st Century », assurément un des moments forts du concert. A l’exception deRadiation et marillion.com, tous les albums de l’ère Hogarth sont représentés et, sans doute en récompense de sa chaleur, le public a droit à un rappel supplémentaire, H insistant auprès de ses compagnons pour interpréter l’imparable « Easter ». 

Un bilan général s’impose, pour souligner la qualité de cet excellent concert, une grande bouffée émotionnelle d’un peu plus de deux heures, où chacun était au meilleur de sa forme. Le son était excellent, chaque instrument parfaitement audible et, chose rare, le volume n’était pas trop fort. Les personnes présentes ont pu découvrir ou avoir confirmation que la musique de Marillion est le mariage parfait entre l’accessibilité d’une sensibilité pop-rock et une sophistication typique des musiques progressives. C’est plus évident en concert où l’émotion est moins « filtrée » qu’en studio. S’il y avait une justice en ce monde, non seulement les framboises seraient disponibles en abondance pour tout le monde, la dérive des continents serait stoppée et votre serviteur sortirait avec Holly Hunter, mais en plus, Marillion aurait au moins le succès de Muse et de Radiohead, succès qui serait encore plus grand qu’aujourd’hui puisque les fans de Pascal Obispo ignoreraient leur idole actuelle et grossiraient le public de ces groupes. Si Marillion passe par chez vous, ne manquez pas la soirée !