Glass Hammer – Glass Hammer

INTERVIEW : GLASS HAMMER

 

Origine : Etats-Unis
Style : Rock progressif
Formé en : 1992
Composition :
Steve Babb – basse, claviers, chant
Fred Schendel – guitares, claviers, chant
Walter Moore – batterie, chant
Susie Bogdanowicz – chant, chœurs
Matt Mendians – batterie
Dernier album : Shadowlands (2003)


Après un Lex Rex de haute tenue, et un Shadowlands peut être trop dans la continuité, Steve Babb, l’hémisphère gauche de Glass Hammer, revient pour nous sur la carrière déjà longue du groupe. Il annonce également quelques projets ambitieux, et même une nouvelle orientation du groupe ! Le temps de la remise en question est-il venu ?

Progressia : En guise d’introduction, pouvez-vous nous raconter brièvement votre carrière ?
Steve Babb :
Bien entendu ! Glass Hammer a enregistré huit albums à ce jour. Fred Schendel et moi-même avons fondé le groupe en 1992, sous la forme d’un projet studio. Notre premier album a eu un succès immédiat (après plus d’un an d’enregistrement) et nous nous sommes trouvés face au besoin de mettre en place un véritable groupe. Walter Moore nous a rejoints en tant que batteur et chanteur, et un autre ami, David Carter, a suivi. Cette formation a pu tourner (Michelle Young assurant les chœurs) devant des publics de taille conséquente, et nous avons enchaîné avec d’autres albums studio (Perelandra, Live and Revived, On To Evermore, Chronometree, The Middle-earth Album, Lex Rex, et Shadowlands), mais la formation de scène a beaucoup évolué. Le groupe est désormais constitué de plusieurs chanteuses qui partagent le chant avec Fred, Walter et moi-même, un guitariste acoustique et Matt Mendians à la batterie, et nous avons clôturé notre dernière série de concerts en 2003 par le Nearfest. Nos disques sont surtout inspirés par Tolkien, CS Lewis ou d’autres grands écrivains, pour un style qui s’inscrit dans le genre « progressif rétro-symphonique », dans la grande tradition de Yes, ELP, Camel et Kansas.

Peut-on considérer que Glass Hammer est le précurseur des groupes qui ont contribué au renouveau du progressif dans les années 90, tels Spock’s Beard ou The Flower Kings ?
Nous avons peut-être été les premiers de la nouvelle vague des années 90. La scène était très pauvre lorsque nous avons débuté, mais Ken Golden, de Laser’s Edge, a été un vrai guide pour nous. Puis les choses ont commencé à bouger, avec Spock’s Beard, Echolyn, Glass Hammer et quelques autres. Comme tu peux l’imaginer, nous sommes fiers d’avoir été des pionniers de cette nouvelle vague du progressif. Cela a toujours été mon intention, et c’est ce à quoi j’ai voulu m’atteler dès la fin des années 80.

Penses-tu qu’aujourd’hui, cette scène existe en tant que telle aux Etats-Unis?
Évidemment ! Il y a de nombreux groupes de nos jours. Mais le public reste restreint. En fait, il l’est à tel point que nous ne pouvons pas réellement tourner. Nos mises en place sont si complexes et nous sommes si nombreux que nous devons choisir consciencieusement nos concerts. Le Nearfest fut une opportunité formidable. Nous avons également fait quelques concerts locaux et nous allons sortir un disque live enregistré au Nearfest (avec Rich Williams de Kansas), ainsi qu’un DVD reprenant un autre concert. Mais nous sommes en très bons termes avec les autres groupes américains que nous avons eu l’occasion de rencontrer. Il y a de nombreux groupes ici, au Tennessee (Neal Morse, Somnambulist et Salem’s Hill pour n’en citer que trois). Finalement, lorsque l’on parle d’une « scène », je pense qu’il faut se référer au réseau Internet et à un public mondial, pris dans son ensemble.

Pour revenir à Glass Hammer, que penses-tu de “Lex Rex”, avec le recul?
Lex Rex reste l’un de nos disques les plus puissants, notamment grâce à l’histoire qu’il raconte. Je n’ai que rarement eu l’occasion de m’investir et de mettre autant de moi-même dans les paroles. Il restera donc l’un de mes albums favoris de Glass Hammer. De plus, bien des choses se sont produites avec ce disque, et musicalement, je crois que nous nous sommes démenés. Tout ce que nous avions imaginé du point de vue vocal a commencé à prendre forme à partir de ce disque. Ce fut une expérience formidable, et c’est un album qui continue à représenter beaucoup aux yeux de nos fans et de nos amis. Nos futurs CD et DVD live reprendront Lex Rex dans sa quasi-intégralité.

Il semble que vous ayez conservé une méthode similaire pour votre dernier album, Shadowlands : une chanteuse principale, des titres épiques, une instrumentation typiquement années 70…
Nous étions comblés avec Lex Rex. Il nous a semblé parvenir pour la première fois à définir ce que nous recherchions vraiment. Nous n’avions pas l’intention de nous éloigner de ce style pour Shadowlands. Beaucoup de gens trouvent que les deux disques sonnent très différemment, ce qui m’étonne beaucoup. Musicalement, je considère Shadowlands comme un Lex Rex Part Two, et si, sur le plan des paroles, ce n’est pas un concept album, les inspirations restent les mêmes. Notre équipe est également restée la même, à, quelques exceptions près. Susie et Walter ont pris une part plus importante dans la conception de Shadowlands, même si l’approche du chant reste identique. Nous avons en particulier doublé beaucoup de voix, en ajoutant une octave d’écart, ce qui sonne très bien. Nous faisions ce genre de choses en concert pour Lex Rex, et souhaitions continuer dans cette voie en studio pour Shadowlands. Nous avons ajouté quelques nouveaux instruments, mais nous aimons tellement nos vieux synthés analogiques que nous les utiliserons probablement jusqu’à ce qu’ils nous lâchent !

En revanche, cette fois, vous avez eu l’opportunité de travailler avec un trio à cordes. Comment avez-vous intégré ces instruments dans votre musique ? Avez-vous dû réécrire les titres à cet effet ?
Fred s’est investi récemment dans l’écriture de partitions pour cordes. Nous utilisions déjà le trio pour les disques que nous enregistrons pour d’autres artistes, et nous voulions le faire également pour nous-mêmes. Mais nous n’avons pas réarrangé les titres. Fred a juste composé les mélodies et certaines parties de claviers ont été remplacées par un véritable son de cordes. Le violoniste et le violoncelliste nous ont d’ailleurs rejoint pour un concert à Toronto, il y a peu. Nous les considérons comme des membres à part entière du groupe désormais : je pense donc qu’il y aura encore plus de cordes sur nos futurs albums.

Deux titres ressortent particulièrement à l’écoute de l’album : “Run Lisette”, avec sa remarquable construction et ses lignes vocales, et l’épique “Beyond the Great Beyond” et ses vingt minutes au compteur. Comment les décrirais-tu ?
La composition et l’écriture des paroles de “Run Lisette” furent un plaisir. Le titre s’articule autour d’un riff de basse et de l’ajout d’un véritable orgue. Vocalement, Walter Moore est le chanteur principal sur la première moitié, puis partage ce rôle avec Susie Bogdanowicz sur la seconde. Je me suis également consacré aux chœurs pour « Sara and Susie », dans le but de créer un véritable chœur… ce qui risque de représenter un vrai challenge de le jouer en concert. Les textes évoquent une bataille montée, de l’époque Napoléonienne. C’est une histoire assez brutale, dans laquelle Lisette sauve son cavalier en tuant sauvagement un soldat russe. Elle est tirée des mémoires du Baron Marbot. “Behind the Great Beyond” est quant à lui le chef d’œuvre de Fred. Le trio à cordes débute avant d’être rejoint par un piano. Puis le titre se développe jusqu’à atteindre l’un des meilleurs paroxysmes du groupe, un passage celtique avec violons et synthés. Ces deux titres sont effectivement les favoris de nos fans.

J’ai également appris que vous aviez ajouté de nouveaux instruments à votre déjà impressionnante collection. Comment les trouvez-vous et comment composez-vous avec ?
Certains de ces instruments nous appartiennent depuis que nous sommes très jeunes. Nous utilisons des pédales Taurus, un Mini-Moog, un CS-5 (Yamaha) un Orgue Hammond et un Leslie. Le Mellotron est en réalité un sample d’un vieux synthé Roland. Mais nous composons aux claviers, à la basse ou à la guitare, comme la plupart des groupes. Nous savons ce que nous voulons, et nous savons ce que pourront rendre ces instruments en studio. Donc, nous ne les ajoutons que plus tard, dans le processus d’enregistrement.

Glass Hammer est fondamentalement un duo. Avez-vous jamais pensé en faire un véritable groupe?
Nous avons de la chance de nous entendre si bien. Nous sommes également bien aidés par des amis talentueux qui contribuent à notre musique. Nous avons donc créé un « vrai » groupe, mais nous ne serons jamais « un groupe » au sens traditionnel du terme. Ma vision de Glass Hammer n’a pas à faire l’objet d’un débat ou d’un vote. J’ai joué dans des groupes pendant des années, et j’ai trouvé qu’il était très difficile de trouver une idée qui convienne à tous ! Ce mode de fonctionnement ne me satisfait pas, tout comme bien d’autres personnes. C’est pourquoi tant de groupes se séparent. Les duos ne font pas exception, mais Fred et moi-même nous entendons bien jusqu’à présent, et nous avons chacun notre mot à dire au sujet du groupe. Je ne vois pas le besoin d’apporter un changement à ce mode de fonctionnement. Nous allons peut être travailler de manière plus étroite avec notre nouveau batteur, Matt Mendians, sur nos deux prochains albums. Mais il est si conciliant que je ne m’attends pas à le voir faire autre chose que ce que nous avons en tête. Il adore jouer avec nous, et il aura toute la latitude nécessaire pour développer son jeu. Nous nous ouvrons sans cesse à de nouveaux talents, et essayons de nouvelles idées. Le cœur du groupe est en fait constitué de Walter, Fred, Susie et moi. Matt est le petit dernier et il jouera son rôle dans le futur projet. Nous les laisserons tous ajouter de leur talent, sans les contraindre, autant que possible. Notre écriture est unique et doit le rester, le groupe nous appartient, mais ils peuvent interpréter ce que nous composons pour eux à leur manière. Elle aussi, est unique.

N’avez-vous jamais envisager de tourner plus intensivement aux Etats-Unis, voir en Europe?
Le Nearfest n’était pas notre seul concert : il y en a eu quelques autres (Nashville, Knoxville, Chattanooga et Toronto), et grâce au DVD live, nos fans auront enfin l’occasion de nous voir sur scène. Il sortira durant l’été 2004, si tout se passe bien. Mais nous nous sommes rendus compte que tourner nous prend plus de temps que d’enregistrer, or le studio est notre “premier amour”, et c’est à nos yeux le plus important pour Glass Hammer. Je possède le studio, Fred et moi-même avons les instruments, c’est idéal. Par ailleurs, tous les membres de Glass Hamer sont des musiciens professionnels dans d’autres cadres, ou des étudiants à plein temps, ou encore doivent gérer leur fonds de commerce : nous ne pouvons donc pas nous éloigner de nos familles et de nos vies très longtemps. J’ai vécu la vie de tournée il y a des années, et j’étais cramé après cinq ans ! Nous apprécions néanmoins le fait de jouer, et rencontrer nos fans est fabuleux. Nous examinerons donc toutes les possibilités sans rien exclure, et il est plus que probable que nous continuions à tourner. Si un promoteur nous propose d’organiser une tournée sur votre continent, sans que nous perdions d’argent, nous tenterions notre chance… ou en tout cas nous examinerions la proposition très sérieusement !

Vous semblez être de grands fans du Seigneur des Anneaux, puisque depuis vos débuts, vous avez dédié deux albums entiers à la Trilogie. De quelle manière l’œuvre de Tolkien vous influence-t-elle, et comptez-vous sortir à nouveau un disque en relation avec la littérature ?
Tolkien a été le premier écrivain dont je suis tombé amoureux, à un âge où l’on est très impressionnable. C’est une oeuvre très musicale, dans le sens où les livres contiennent beaucoup de chansons et de poèmes. Les histories sont poignantes et le scénario est complexe et très inspirant. Le Silmarillion est ensuite devenu mon oeuvre favorite de Tolkien, et je suis certain qu’elle m’inspirera dans le futur. Cela prendra peut-être la forme d’un nouveau disque-hommage, ou l’histoire me servira peut-être de vase pour écrire ma propre histoire fantastique. Nous venons juste de faire un concert à Toronto, dont je te parlais un peu avant, et nous étions en costumes médiévaux devant un millier de fans de Glass Hammer, également déguisés. Ce fut une soirée magique entièrement consacrée à notre musique inspirée de Tolkien. De nombreux fans nous en demandent toujours plus, et nous reviendrons sans aucun doute sur le sujet prochainement.

En tant que fan, que penses-tu des films de Peter Jackson ?
“Le Retour du Roi” est de loin mon film préféré. Les membres de Glass Hammer l’ont vu ensemble pour la première fois à Toronto. Je suis également amateur de bandes originales, et ma femme et moi allons assister à une représentation de la musique de Howard Shore avec chœur et orchestre cette année. En ce qui concerne Jackson, je trouve qu’il a fait un travail extraordinaire. Je m’interroge sur certaines de ses coupes ou raccourcis, et certains détails m’agacent. Mais je crois comprendre ses motivations dans ses choix et la nécessité de ces derniers. D’un point de vue général, la trilogie est une œuvre monumentale, qui deviendra un classique dans les années à venir !

Peux-tu-nous en dire plus sur le DVD du groupe ? Que contiendra-t-il et quels seront les bonus ?
Les fans auront droit à un son de premier ordre, et beaucoup d’entre eux nous verront pour la première fois sur scène. La plupart des titres de Lex Rex y figureront, ainsi que certains tirés de Perelandra et Chronometree. Nous ajouterons quelques extraits de répétitions, balances, et d’autres concerts, notamment celui du Nearfest. Nous travaillons très dur sur sa réalisation. Ce DVD sera l’occasion d’entendre Lex Rex joué avec encore plus d’énergie, et ces versions me paraissent bien meilleures que les originales.

Vous êtes des stakhanovistes du studio, avec près d’un album par an. Souhaitez-vous baisser un peu le pied désormais ?
Heureusement, la qualité de Shadowlands n’a pas été affectée par notre rythme. Nous avons ajouté une nouvelle console de mixage à notre studio, et notre son s’est considérablement amélioré, en tout cas à mon avis. Nous ne nous sommes pas encore lancés dans un nouveau projet, et je crois qu’il nous faudra un peu de temps pour nous y remettre avec les idées claires. Je pense que le prochain album sera plus calme. Nous discutons de deux possibilités, et la seule question actuellement est de savoir par laquelle commencer. Peut-être allons nous suivre les deux pistes en même temps !

Plein de projets encore en cours, donc !
Nous allons mixer le live du Nearfest et masteriser le DVD. Nous avons également un enregistrement de la date de Toronto, que nous pourrions sortir. Par ailleurs, nous allons contribuer à un nouveau projet basé sur l’Odyssée d’Homère, « Colossus », avec un titre de vingt minutes, qui risque de nous prendre un peu de temps. Ensuite, nous espérons débuter l’écriture du nouvel album… ou des nouveaux albums : nous changeons parfois de priorités et rien n’est encore fixé. Mais je peux te donner plus de détails sur nos deux pistes d’exploration. La première serait de faire un disque presque dénudé, en ne se focalisant que sur l’essentiel. Ce sera un disque plus brut, avec moins d’effets de production (overdubs, etc.). Il sera composé de titres faciles à jouer en concert, et son écriture sera également basée sur nos répétitions, au moins en partie. L’autre projet est totalement différent, et aura pour but d’amplifier encore le « son » Glass Hammer, par l’apport d’un orchestre symphonique et d’un chœur. Nous ne souhaitons pas nous fonder à nouveau sur la combinaison traditionnelle d’éléments rock et symphonique, dans laquelle le groupe est juste supporté par l’orchestre, mais plutôt écrire une pièce pour chœur et orchestre, et qui intégrerait Glass Hammer. Cela semble impossible : c’est justement pour cela que nous voulons le faire. Il est temps pour le groupe de se mettre en danger et de mettre son public à l’épreuve, et tant que le résultat sera divertissant et plaisant, nous serons comblés.

Propos recueillis par Djul

site web : http://www.glasshammer.com

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