Nihil

31/01/2004

Fnac forum - Paris

Par Florian Gonfreville

Photos:

Site du groupe :

Setlist :

Disfigured - Mensonges - Pandora's Box - Frailty (thy name is woman) - The Time Machine. Rappels : S.O.S ([in]visible) - S.A.F.E (inédit)

Pandore incarna le cadeau empoisonné des dieux aux hommes pour les punir de la possession du feu. Libérant de leur boite tous les maux de la Terre, elle sema malgré elle la noirceur, la détresse… et l’espoir ! Nihil la défend avec Pandora’s Box, présenté sur la scène de la Fnac Forum. Groupe à l’étiquette mouvante, Nihil a choisi un nouveau terrain à conquérir avec l’électro-acoustique.

Pour comprendre l’apparition de Nihil – ne pas les confondre avec leurs homonymes suisses – dans les pages de Progressia, il est nécessaire de considérer la philosophie du progressif dans son acception large. De fait, quoi de réellement prog, dans les créations de ce groupe bordelais qui défend, dans cette tournée de show cases, son troisième album Pandora’s Box

La dénomination même de rock pourrait presque surprendre, tant la musique distillée ce soir par la formation est minimaliste. Nihil porte bien son nom ! Une introduction se résume à quelques notes de piano qui durent, se répètent, atteignent les différents murs de la pièce avant d’être rejointes par d’autres, à peine couvertes par la voix. La guitare s’y mèle parfois, puis de plus en plus. Basse ronde et batterie savent faire bon ménage avec ce silence à peine couvert – comme Pandore lorsqu’elle fut donnée comme épouse à Epiméthée (NdRC : entre Nihil et Jadallys la référence classique revient en force !).
Nihil se retrouve régulièrement mentionné aux côtés de groupes plus metal, et à l’écoute de ceshow-case on se trouve un peu surpris ! Du rock lourd tiré de l’absence sonore, voilà qui est inédit. Et pourtant : la formation fait découvrir sur scène un nouvel aspect de sa créativité : les différents titres joués ce soir proviennent en majeure partie de ses albums précédents, 1 :00 A.M. et [IN]visible, renommés et revisités sur Pandora’s Box en version électro-acoustique.

La musique prend un tout autre relief : dans la lignée d’un Tool, d’un Sigur Ros, voire d’un Pearl Jam époque Ten ou d’un Radiohead, Nihil donne de l’expression à des titres qui vont extrêmement bien à la scène intimiste de ce mini concert. La voix de Pyer constitue un atout réel, et l’on devine qu’elle se feutre pour l’occasion. Curieusement, pour un groupe habitué à des prestations sans aucun doute plus agressives ou plus brutes comme au Printemps de Bourges, les différents musiciens se tiennent un peu mal à l’aise en face d’un public nombreux pour une si petite pièce. Celui-ci, composé tant d’amateurs dedoom metal ou de hardcore que de « gothiques », est recueilli, sagement assis qui sur une chaise, qui par terre.

Lorsqu’ils jouent cependant, les membres de Nihil ne montrent aucune inquiétude. Les morceaux sont parfaitement maîtrisés et chacun tient sa place. Une fois de plus, Pyer concentre les regards et incarne parfaitement ces morceaux dont la nature dépressive, torturée et anxieuse se révèle en public bien autrement que sur album. Il suffit d’écouter l’inmanquable de cePandora’s Box, le morceau-titre justement, pour conserver le refrain en tête. Il est en effet étonnant de voir combien la voix incarne ce « ’cause I’ll never, no I’ll never open the cage » à vous l’insérer entre les oreilles – cette cage, serait-ce votre crâne ? –, transmettant parfaitement ce climat de calme folie malsaine, atteinte – c’est important – sans artifice sonore d’aucune sorte. « The Time Machine », aussi connu sous le nom de « Deus Pendulum » et son lanscinant « It’s over », repris en lame de fond par Célia Laugery, invitée surprise, aura le même effet. La schizophrénie latente guette au fur et à mesure des progressions – nous y voilà ! – qui constituent l’ossature de chaque titre.

Car c’est en cela que Nihil figure dans ces pages : ses progressions. Les morceaux de ce concert débuteront tous gentiment pour mal tourner – c’est du coup aussi leur défaut : ils se ressemblent beaucoup – l’un après l’autre, dans des atmosphères déchirées comme la voix du chanteur qui montre alors, en puissance, quel lien le groupe peut avoir avec le metal. Le contraste est d’autant plus efficace que la subtilité de son murmure et la délicatesse des musiciens – n’oublions pas le vide entre chaque note – se dégradent peu à peu sans être réellement perceptibles : on se retrouve alors parfois dans un rock puissant et plein de douleur.
De l’émotion, du changement : sans être totalement progressif, Nihil montre en défendant ses titres sur scène qu’il n’entretient pas moins une liaison avec le courant. Un concert en première partie de The Gathering à Lyon le 18 mars 2004 finira d’établir cette certitude.