Anathema – Anathema

INTERVIEW : ANATHEMA

 

Origine : Royaume-Uni
Style : Rock-metal atmospherique
Formé en : 1989
Line-up : Danny Cavanagh – guitares
Vincent Cavanagh – chant, guitares
Jamie Cavanagh – basse
John Douglas – batterie
Les Smith – claviers
Dernier album : A Natural Disaster (2003)


Un véritable désastre naturel (nous ne sommes jamais avares de jeux de mots faciles, NdlA) s’est produit chez tous les bons disquaires. Nous avons fait le point sur la situation avec Vincent Cavanagh, chanteur et guitariste d’Anathema. Avec un flegme tout britannique, Vincent s’est montré assez serein quant aux conséquences de la catastrophe.

Progressia : Maintenant que ton frère Jamie a rejoint le groupe, Anathema devient encore plus une affaire de famille ! Comment se passe votre collaboration ?
Vincent Cavanagh : En fait, nous sommes plusieurs centaines et nous allons prendre le pouvoir !!! (rires) Non, nous ne sommes que trois frères. Jamie a sa propre conception de la musique, et est aussi un modèle pour nous tous du fait de son grand dévouement pour cet art. Cela nous motive tous. D’ailleurs, il a toujours été plus ou moins dans le groupe, de manière non-officielle, avec une vision de notre travail plus proche que celle de quiconque en dehors du groupe.

Malgré des critiques très favorables, Anathema n’a toujours pas la popularité qu’il mérite. Comment expliques-tu cela ?
Auparavant, quand j’y pensais ça m’énervait, mais j’ai changé. J’ai réalisé qu’un grand nombre de facteurs ne dépendent pas de moi et je n’ai donc pas envie de me lamenter à propos d’une situation que je ne contrôle pas complètement. D’autant qu’elle n’est pas si mauvaise que ça. Ensuite, si nous voulions vraiment l’améliorer, il faudrait jouer le jeu de la promotion, voire du formatage pour livrer un produit conforme à certains critères, et nous ne le souhaitons pas, et nous ne pouvons pas encore nous offrir les services d’un attaché de presse. Mais franchement, tout cela me tracasse beaucoup moins qu’avant. Ma principale préoccupation est la musique.

Tu ne crois pas que de toutes façons, beaucoup de médias sont plutôt fermés aux groupes dont l’image est sombre, voire underground ?
Oui bien sûr, qu’il s’agisse de radios, magazines, télévisions… Mais encore une fois, je crois que je n’y peux rien ! Je me souviens d’une critique, dans Kerrang (NdRC : magazine anglo-saxon, à fort tirage, dédié au rock et plus particulièrement au hard rock. A fait ses choux gras de Guns’n’Roses notamment, qui le cita plus tard dans le titre « Get in the Ring ») je crois, qui se demandait si notre manque de popularité n’était pas lié à une mauvaise image à cause du nom du groupe ! Eh bien, même si c’était le cas, il nous faudrait une autre raison pour changer de nom, un véritable changement de style par exemple. Sans doute pas de style musical, car je ne crois pas que nous changerons notre rapport à la musique, notre façon d’écrire… mais peut-être notre manière de présenter les choses. Pourquoi pas… En tout cas cela ne m’empêche pas de dormir !

On rencontre parfois le succès sans rien faire de spécial…
Absolument ! C’est rare, mais il y a encore pas mal de choses à dire là-dessus. Nous n’avons jamais essayé d’être “à la mode”. Nous avons simplement suivi notre voie et si un jour notre style devient ‘tendance’, tant mieux !

A Natural Disaster semble moins expérimental que l’album précédent. Est-ce parce que vous ne vouliez pas aller trop loin ?
En fait, je n’en avais pas réellement conscience jusqu’à très récemment. Il n’y a pas de raison précise, et en tout cas pas de volonté consciente. Comme cette fois, contrairement aux albums précédents, tous les titres ont été écrits par Danny – hormis « Balance » dont j’ai écrit les paroles – son influence se ressent beaucoup plus. C’est un album très particulier, du genre qu’on ne ferait pas deux fois ! Je crois que le prochain sera très différent. Nous avons déjà quelques idées…

Votre musique exprime souvent la mélancolie, la tristesse ou la colère. Est-ce que ces sentiments reflètent vos humeurs habituelles, ou bien est-ce juste une façon de vous débarrasser de ce que vous ressentez parfois ?
C’est sans doute le deuxième cas. Pour être franc, Danny a traversé des moments difficiles ces deux dernières années. Certaines humeurs très sombres se retrouvent donc dans ses dernières compositions. Dans ce cas, le fait d’écrire et de jouer provoque comme une catharsis qui aide à se sentir mieux.

On entend dire parfois que les sentiments négatifs favorisent la créativité… Qu’en penses-tu ?
On ne peut pas généraliser. Certains artistes avec des vies apparemment sans soucis écrivent de la musique très sombre et de toute beauté. Quant à nous… (une pause) nous n’avons pas de problèmes d’inspiration de toutes façons ! (rires) Et même si nous n’avons pas des vies extrêmement confortables, nous n’avons pas de quoi nous plaindre nous plus : nous ne sommes pas nés à Jenine ou à Kaboul….

Quel est le titre de A Natural Disaster dont tu es le plus fier ?
Hmm, je ne sais pas vraiment. Probablement « Balance », puisque j’en ai écrit les paroles !

Espérez-vous que ce nouvel album soit un succès commercial ? Malgré ce que tu as dit précédemment, cela doit quand même compter pour vous, non ?
Bien sûr, cela compte, mais je n’ai pas d’attentes particulières. Ce n’est pas un album commercial de toutes façons, comment pourrait-il l’être ? Il n’y a pas de chansons adaptées aux formats des radios, à part « Flying » peut-être…

Nous avons cru reconnaître des influences comme celles de Peter Gabriel, The Gathering ou encore Radiohead. Es-tu d’accord ?
Les deux premiers, pas vraiment. Ressemblances, peut-être, influences, non. Danny et moi écoutons parfois The Gathering ; je les trouve bons mais ils ne nous influencent pas pour autant. Je n’écoute pas beaucoup Peter Gabriel. Quant à Radiohead, oui sans doute, mais tu sais nous écoutons beaucoup de groupes, et les gens trouvent toujours plein de ressemblances différentes !

Considères-tu Anathema comme un groupe progressif ?
Oui, si on considère qu’être progressif aujourd’hui ce n’est pas seulement faire de la musique à la Dream Theater (rires), mais plus largement écrire sans se fixer de limites, sans tenir compte des formats. Notre « truc », c’est ne pas trop réfléchir ! (NdRC : notre concours « Encore une nouvelle définition du progressif » est ouvert !)

Quels sont tes groupes progressifs préférés, s’il y en a ?
Godspeed You ! Black Emperor, Mogwai, Clinic…

Plutôt du côté post-rock alors ?
Ah, appelle ça comme tu veux ! Je ne suis pas très attaché aux étiquettes. Je ne lis pas beaucoup de magazines de musique d’ailleurs, je suis hors d’atteinte ! (rires)

Comment expliques-tu le fait qu’Anathema apparaisse toujours dans beaucoup de magazines de metal, alors que vous vous êtes éloignés de ce genre ?
Cela ne m’interpelle pas vraiment… Je suis heureux quand n’importe quel magazine parle d’Anathema. Si l’on ne parle de nous que dans des magazines de metal, c’est sûrement parce que nous ne faisons pas vraiment d’efforts pour faire parler de nous ailleurs.

Vous n‘avez donc pas particulièrement envie de vous débarrasser de votre image « metal »…
Non, en fait beaucoup de fans de metal nous suivent depuis le début. Ils ont évolué avec nous, et je trouve ça très bien. C’est drôle, il y a tellement de journalistes qui nous demandent si nous ne souhaiterions pas être « mainstream », avoir plus de succès, etc… Franchement, nous nous concentrons sur la musique. J’espérerais peut-être le succès si j’avais l’impression d’avoir sorti un chef-d’œuvre, ce qui n’a jamais encore été le cas même si je les trouve tous nos albums bons ou très bons. Et quand on sait que même les chefs-d’œuvre ne sont pas toujours reconnus…

Quel est ton avis sur la nouvelle scène metal ?
Il y a de bonnes choses, je crois, comme System of a Down, mais je ne l’écoute pas vraiment. (La question a sans doute fait l’objet d’un quiproquo entre « nouvelle scène metal » et « scène nu-metal », toutes deux s’exprimant « new metal scene » NdlA)

Quelle est ton opinion sur les différentes périodes de l’histoire du groupe, as-tu une vision de l’évolution de votre style à l’avenir ?
C’est un peu tôt pour en parler (on évitera donc de poser deux questions d’affilée, NdlA). Comme je te l’ai dit, il y a pas mal d’idées récentes ou plus anciennes mais que n’avons jamais exploitées ensemble, je ne sais pas encore ce que ça va donner. Nous commencerons à le faire dans une quinzaine de jours quand nous nous retrouverons en répétition, mais nous devons aussi préparer quelques concerts. Tu devrais peut-être venir nous voir en début d’année prochaine quand elles seront à peu près en place !

Pourquoi pas ?! De grosses surprises en perspective ?
C’est bien possible !

Est-ce qu’une idée doit recueillir un consensus au sein du groupe pour être retenue ?
Hmm… (un temps de réflexion) Pas forcément, il n’est pas absolument nécessaire que tout le monde soit à 100% emballé, à partir du moment où nous sommes plusieurs à la trouver bonne. Cela dit, la plupart du temps, nous sommes d’accord entre nous !

Un de nos lecteurs nous a fait remarquer que la musique d’Anathema pourrait être aussi intéressante dans une version acoustique…
C’est amusant que tu mentionnes ça car nous avons justement prévu d’essayer de jouer quelques titres en acoustique en Pologne le mois prochain. J’espère que les chansons prendront une autre dimension en sonnant différemment.

Que penses-tu du nouvel album d’Antimatter ?
Je ne l’ai pas encore entendu…

Dans quel pays avez-vous le public le plus solide d’après toi ?
France, Pologne, Allemagne, Italie, Belgique, Grèce… pas mal de pays européens en fait, j’aurais du mal à faire un classement !

Avez-vous prévu de donner quelques concerts en France ?
Oui, c’est prévu même si rien n’est déterminé pour le moment. Nous devrions tourner en Europe en début d’année prochaine. Cela dépendra aussi de l’avancement des prochains titres, du moment où nous souhaiterons travailler dessus, etc…

Nous arrivons au bout, quelque chose à ajouter ?
A bientôt !

Propos recueillis par Julien Weyer

site web : http://www.anathema.ws/

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