Yes

16/07/2003

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Par Pierre Graffin

Photos:

Site du groupe :

LIVE REPORT : YES

 

Artiste : Yes
Lieu :Paris, Palais des Congrès
Date : 28 juin 2003
Photos :
www.yes-world.com

On ne compte plus les années depuis le dernier concert de cette formation de Yes. Après d’incessants changements de personnel, même le fan le plus aguerri s’y perd. Mais si un concert des Anglais est toujours un évènement, un concert du « grand » Yes ne se rate sous aucun prétexte. Cette tournée permet de mesurer le degré de cohésion du groupe en même temps que la qualité de ses interprétations. Où en est donc Yes après plus de trente ans au service de la musique ?

Rien d’exceptionnel, pourrait-on penser, au fait que Yes se produise à Paris, au Palais des Congrès ce 28 juin 2003, le groupe ayant déjà visité l’Olympia il y a deux ans à peine, pour soutenir sur scène leur dernier album, Magnification. Néanmoins, au milieu des changements de line-up récurrents – et fatiguants – de ces trente dernières années, nous eûmes cette fois droit à la énième reformation de la grande époque, composée de Jon Anderson au chant, Steve Howe à la guitare, Chris Squire à la basse, Alan White à la batterie et Rick Wakeman – dont c’était le sempiternel grand retour, largement vendu en quatre mètres par trois sur les murs – aux claviers.

Ce line-up légendaire a marqué de manière indélébile l’histoire du rock progressif – et du rock tout court – d’albums aussi cultes qu’incontournables, tels Fragile et surtout Close To The Edge pour n’en citer que deux. Un bref coup d’œil sur le site officiel de Yes permit néanmoins de confirmer ce que l’on pouvait à juste titre anticiper : le groupe fait l’impasse totale sur une grande partie de sa discographie, de Drama à The Ladder. C’est un choix discutable : même si messieurs Howe et Wakeman étaient absents – sauf sur Union – de la plupart des albums de la période 1980 à 2001, cette partie de la discographie du groupe recèle pourtant quelques pépites, comme 90125 ou Talk.
Il est beaucoup plus ennuyeux encore que le groupe décide de passer outre Relayer : même si cette position est compréhensible politiquement avec un Wakeman absent de l’enregistrement et remplacé par Patrick Moraz. Cela le devient beaucoup moins artistiquement parlant… Seule concession du Sieur Wakeman : la présence de deux titres de Magnification, album auquel il n’avait pas non plus participé.

La première impression en entrant dans un Palais des Congrès presque plein est la sobriété de la scène. Une sorte de mobile représentant le célèbre logo du groupe est accroché au plafond et dessine une ombre sur un rideau blanc en fond de scène. Pas de première partie : le groupe s’installe progressivement avec, de gauche à droite, Howe, Anderson, Squire et Wakeman, White siégeant naturellement derrière, à peine surélevé.
Comme c’est désormais la coutume sur cette tournée, c’est un extrait de L’oiseau de Feu de Stravinsky qui ouvre le bal. Pratique un brin pompeuse, convenons-en, mais qui permet de découvrir, si certains l’ignoraient encore, à quel point ce compositeur fut une influence majeure pour tous les membres de Yes et pour Wakeman en particulier. Les premières notes de « Siberian Khatru » retentissent alors sous les applaudissements d’un public tout acquis à la cause du groupe. Point de virtuosité ni d’originalité dans l’interprétation : on est juste un peu décontenancé par une balance qui met la guitare de Howe exagérément en valeur, mais agréablement surpris par la qualité du son, notamment due à l’acoustique exceptionnelle du lieu.
Anderson nous fait ensuite part de son plaisir d’être à nouveau ici, à Paris, et remercie l’audience de son silence recueilli pendant l’interprétation. Une brève introduction avant un « Magnification » dont le traitement live est d’ailleurs beaucoup plus réussi qu’en studio, malgré l’absence d’orchestre. « Don’t Kill The Whale » permet à Anderson de faire un peu de prosélytisme écologique et le titre réveille un public un peu dans l’expectative, malgré un solo très attendu de Wakeman qui ne tiendra d’ailleurs pas toutes ses promesses. A ce stade du concert, soit le soufflé se tient, soit il retombe. C’est hélas ce moment que choisit Anderson pour faire un long discours où il évoque, pèle mêle : les oiseaux, les arbres, le soleil, la terre, sa fille Deborah dont c’est l’anniversaire, la force et la beauté de l’amour, etc. pour introduire le deuxième et dernier extrait de Magnification : « In The Presence Of ». Le concert prend alors un virage inattendu : vont s’enchaîner une série de titres particulièrement inadaptés à une prestation en public et parfois même soporifiques (« We Have Heaven », « And You And I »), malgré quelques interventions de Wakeman confinant parfois au génie, alternant surtout de longs soli de chacun des membres dont on s’interroge toujours sur la réelle nécessité. La discographie de Yes n’est-elle pas suffisamment riche et variée pour avoir à « meubler » quelques précieuses minutes sur un concert de deux heures avec un choix de titres aussi discutables ? Le solo de Steve Howe sera d’ailleurs aussi brillant qu’interminable et ne servira qu’à introduire… un entracte d’un quart d’heure !

La reprise n’est guère plus enthousiasmante puisque c’est au tour d’Anderson d’interpréter seul, puis discrètement accompagné de Wakeman, un « Show Me » plutôt joli mais anachronique, avant que le maître es-claviers ne se fende d’une démonstration complètement surréaliste d’orgues d’église où l’on reconnaît, ça et là, quelques courts extraits de The Six Wives Of Henry VIII, Journey To The Center Of The Earth ou bien The Myths & Legends Of King Arthur & The Knights Of The Round Table. C’est bluffant techniquement mais très indigeste, sans âme, et en tout cas beaucoup trop long. Ce n’est hélas ni « Heart Of The Sunrise » ni « Long Distance Runaround » qui réussiront à retendre le fil du concert, malgré une interprétation sans faille.
S’ensuivra une démonstration de l’efficacité de la section rythmique avec un duo White/Squire manifestement sous-exploité jusqu’alors. Un somptueux mais assez glacial « Awaken » viendra clore ce concert avant que le public ne fasse revenir les cinq compères pour le très – trop ? – attendu « Roundabout » et un « Yours Is No Disgrace » qui mettra un terme définitif à cette prestation.

Le bilan de cette reformation très attendue est donc mitigé. On regrettera la présence de soli beaucoup trop longs et parfois inutiles ainsi qu’une setlist particulièrement discutable – où sont les « Close To The Edge », « Going For The One », « Nous Sommes Du Soleil », « I’ve Seen All Good People » ? – dont le choix fut certainement motivé, et c’est bien dommage, par des raisons plus politiques qu’artistiques. On espère seulement sans trop y croire néanmoins, que cette tournée mondiale permettra au groupe de renouer les liens qui permirent la naissance, il y a trente ans, d’albums désormais cultes et, pourquoi pas, d’enregistrer ensemble un vrai bon album de Yes dans les mois à venir.

Pierre Graffin

site web : http://www.yesworld.com/