Moody Blues - To Our Children’s Children's Children

Sorti le: 01/10/2002

Par Pierre Graffin

Label: Decca

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Même s’ils sont surtout connus pour leurs mélodies léchées et leurs arrangements parfois un peu sirupeux, les Moody Blues se sont affirmés dès le milieu des années soixante comme le seul groupe de R&B britannique. Leur succès, confidentiel, ne traversa pas les frontières de l’Angleterre et, en dépit de leurs efforts, les premiers singles pourtant parfaitement dans l’air du temps (« Go Now », « From The Bottom Of My Heart »…), passèrent totalement inaperçus outre-Atlantique. L’offre de Deram (voir chronique de Days Of Future Passed) arriva littéralement comme du pain béni pour le groupe qui vit son destin basculer du jour au lendemain, avec le succès planétaire de « Nights In White Satin ». C’est sur le disque suivant, In Search Of The Lost Chord, que l’orchestre symphonique laissa la place au mellotron qui allait rapidement devenir leur signature. Et c’est au cœur de cette période que naquit To Our Children’s Children’s Children, leur sixième album.

Très impressionnés par les premiers pas de l’homme sur la lune (comme le témoignent les vrombissements assourdissants du décollage de fusée sur « Higher And Higher »), les Moody Blues firent de cette épopée, sous l’impulsion initiale de leur producteur, la thématique centrale du disque qu’ils dédièrent aux générations futures comme le témoignage sonore d’une époque où l’humanité est devenue complètement maître de son destin. Une telle tâche peut paraître ambitieuse ou prétentieuse mais le message n’en reste pas moins très authentique et furieusement d’actualité, même si le traitement d’ensemble paraît un peu candide aujourd’hui.
A l’instar du 2001, Odyssée de l’Espace de Kubrick et sa réflexion globale sur l’éternité, on passe ici de l’infiniment grand, de la beauté de la Terre vue de l’espace sur « Higher And Higher », par exemple, à la vision d’un enfant (« Eyes Of A Child » I & II) sur le monde qui l’entoure, avec tout ce que cela implique de beau et de précieux mais aussi d’éphémère et de fragile. Alternant les passages grandiloquents à ceux empreints d’une pop délicieusement surannée (« Beyond ») ou d’une beauté diaphane («I Never Thought I’d Like To Be A Hundred »…), To Our Children’s Children’s Children s’impose comme l’oeuvre la plus constante dans la discographie des Moody Blues, dépeignant le mariage impossible de la scène psychédélique de l’époque et des structures musicales purement classiques.

Naturellement inrestituable sur scène à cause de la densité de sa production, cet album n’eut pas le succès commercial de ses prédécesseurs. Seuls « Gypsy » et le somptueux « Watching And Waiting » devinrent des titres récurrents au cours des tournées suivantes. Il se dégage de l’écoute de ce disque un profond sentiment général de solitude et de mélancolie qui en fait un cas à part dans la carrière du groupe, et un véritable OVNI en 1969. Mais To Our Children’s Children’s Children s’impose surtout en album de référence, remarquablement homogène.