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Laurent Jaoui - Hérouville : le château hanté du rock

Sorti le: 01/09/2022

Par Florent Simon

Label: Castor Music

Site: https://www.castorastral.com/auteur/laurent-jaoui/

Connaissez-vous le “Honky Chateau”? Situé à Hérouville-en-Vexin, dans le Val-d’Oise, un petit village “sans histoires”, le château d’Hérouville, curieux chaînon manquant entre Claude Nougaro, Marvin Gaye, Trust et Fleetwood Mac, en a connu pourtant pléthore. Des petites comme des grandes.

Son passé, d’abord, est mythique: fondé en 1740, Frédéric Chopin et George Sand s’y seraient retrouvés en cachette, et Colette a été l’un de ses propriétaires. Longtemps laissé à l’abandon, c’est le compositeur Michel Magne qui, en 1960, le rénove et y installe un studio d’enregistrement pour ses travaux musicaux. Balayé par les flammes en 1969, il le reconstruit de plus belle et en fait un lieu de fête et de débauche sans pareille.

Devenu ainsi, première en France, un endroit où les artistes peuvent résider, manger, et se détendre dans ses espaces verts et sa piscine. Rien ni personne ne semble connaître d’interdits, le budget champagne dépasse souvent celui de la journée d’enregistrement ! C’est dans cette première gérance que passent les noms internationaux comme Elton John, Pink Floyd, T-Rex… mais aussi des groupes français comme Gong, Ange, ou Magma.

En 1974, largement endetté, Michel Magne passe le relais à Laurent Thibault (ancien bassiste et cofondateur de Magma), laissant place à une deuxième vague d’artistes non moins élogieux tels David Bowie, Iggy Pop, Jacques Higelin (qui en sera résident permanent pendant des années), mais aussi les Bee Gees ou Cat Stevens.

Malheureusement, la fête se terminera (encore) dans les pleurs et les dettes, et les studios fermeront en 1985 et pousseront, parmi d’autres raisons, au suicide de Michel Magne. Celui-ci n’aura jamais complètement digéré d’avoir perdu toutes ses créations et partitions dans l’incendie de 1969.

Mais alors, plus encore qu’une liste d’albums parmi lesquels des cultes, c’est le lieu de toutes les anecdotes plus folles les unes que les autres, dont l’énumération serait clinique. Citons quand même, parmi les plus fleuries: l’acide versé dans le champagne donné aux paysans du coin pendant un concert improvisé du Grateful Dead le 21 juin 1971; le fantôme hantant ses occupants, parfois de manière volontaire et blagueuse, parfois non… ; David Bowie faisant écouter à Laurent Thibault l’album M.D.K. de Magma en lui demandant de reproduire le même son de basse; Jacques Higelin en qualité d’habitant permanent, qui abat les arbustes du jardin afin de se chauffer… entre autres.

La dernière chose à savoir, et non des moindres, est que le lieu a été racheté et réaménagé en 2015 par 3 jeunes passionnés qui ont ressuscité les studios, notamment pour enregistrer les Arte Sessions sur cette même chaîne.

Après plusieurs années à naviguer entre radio, télé et écriture, Laurent Jaoui célèbre dans ce livre l’épopée de ce lieu mythique de la musique en France. Principalement centré sur la seconde période (1974-1985), ce récit inégal est magnifié par les souvenirs de Laurent Thibault, augmenté d’un entretien avec Alain Dister qui fait doublon avec le reste et d’une postface de Marie-Claude Magne. A rappeler également aux plus curieux qu’un documentaire est disponible sur France Télévisions jusqu’au 27/05/2024, se concentrant sur la première période (1969-1974).

Laissons Laurent Thibault conclure cet article par sa philosophie en tant qu’ingénieur du son, et qui fut la sienne durant toute sa vie de château : “Il faut avoir la peau dure et un certain idéal dans ce bas monde de plus en plus fou, (…), dans lequel le moindre risque fait peur, où rien n’est possible, par peur de combattre.”

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Michel Magne dans le studio « George Sand »