Jethro Tull - The Zealot Gene

Jethro Tull - The Zealot Gene

Sorti le: 28/01/2022

Par Florent Simon

Label: InsideOut Music

Site: https://jethrotull.com/

«At last, the new collection of songs you have not really been waiting for.»

C’est par cette ligne que démarrent les notes de pochette rédigées par Ian Anderson. A 75 ans, c’est peu dire que le musicien, producteur, compositeur et frontman charismatique, est toujours actif. Ainsi, et à la surprise générale, il réactive le vaisseau-mère décollé en 1967 (dont il est le dernier porte-étendard depuis le départ de Martin Barre en 2012), 19 ans après le dernier album.

Ce nouveau concept-album marque donc le retour sous l’étiquette Jethro Tull. Son co-créateur le justifie ainsi : d’une part, par l’idée que cet album a une vocation de “band album”, contrairement aux derniers efforts en solo; d’autre part, par sa volonté d’honorer la relation avec ses musiciens, dont certains sont là depuis quelque temps.

A ses côtés en effet, David Goodier (basse), Florian Opahle (guitare) et John O’Hara (claviers) depuis plus de 10 ans, ou encore Scott Hammond (batterie) depuis 2017.

“Beware, beware the Zealot gene.”

Le titre de ce vingt-deuxième album fait référence aux Zélotes, ces membres zélés du mouvement nationaliste extrême qui jouèrent un rôle dans la révolte juive contre l’occupant romain. Aujourd’hui, ce terme fait penser aux personnes fanatiques dont les réseaux sociaux font office de chambre d’écho, déclamant des opinions tranchées de manière agressive et massive.

Les titres de morceaux, eux, font la part belle au “name dropping”. Ces saynètes, centrées sur des personnages hauts en couleur, traversent autant des thèmes d’actualité que celui de l’amour. Plus original, ceux-ci sont tous associés à des références bibliques, qui ont servi de point de départ à notre Ecossais. Celui-ci souhaitait mettre en avant l’aspect positif du “vivre ensemble”, sans faire du prosélytisme.

En résonnance à ce propos, la pochette oppose un contraste Noir/Blanc symbolisant selon lui «la nature polarisée des opinions» encouragée par les médias. En son centre, un portrait en noir et blanc de Ian Anderson, l’air sombre et grave. En se plaçant au milieu, veut-il nous dire que la musique peut réunir les deux camps?

“Which I have walked, will walk again.”

Musicalement, The Zealot Gene est également tiraillé entre des contrastes, ceux du rock et de la folk, répartis équitablement tout au long de l’album. Il a d’ailleurs été enregistré en deux temps : d’abord collectivement en 2017 dans la campagne anglaise pour les morceaux électriques, puis “à distance” durant l’été 2021 pour les morceaux acoustiques.

Ici pas de morceau-fleuve, et les styles sont moins variés que par le passé, mais on y retrouve les ingrédients qui font la marque du maître à souffler : flûte guillerette, voix réconfortante, guitare folk. A la manière d’un Aqualung, on navigue donc entre ces deux univers.

Bien que les morceaux rock ne soient pas désagréables, ils  peuvent parfois manquer de mordant, ce côté heavy spécifique du début des années 70. Nous retiendrons tout de même «Mine is the mountain» ou le morceau-titre pour leur ambiance plus élaborée. A l’inverse, les morceaux acoustiques, plus intimistes, sont toujours aussi riches et charmeurs. Des morceaux comme «Shoshanna sleeping» ou l’émouvant «In brief visitation» manifestent de la maîtrise de ces ambiances calmes et colorées.

Les petits bémols iront aux synthés au son cheap, au manque de prise de risque en termes de variété de tempo et de complexité mélodique, ou encore à la voix de Ian Anderson, toujours puissante et chaleureuse mais subtilement plus fatiguée qu’autrefois.

“I’ll take what’s offered.”

Pour résumer, le format autant que le style rapprochent cet album de la période initiée par Songs From The Wood, à tendance folk édulcoré, tranchant avec les épopées prog, et avec une touche moins catchy qu’avant (la faute au départ de Martin Barre?).

C’est donc un honorable vrai-faux retour que nous apporte Ian Anderson, qui divertira les fans autant qu’il régalera les novices. Ce disque à la production propre mais sage aurait juste mérité un peu plus de folie.

Réjouissons-nous, la légende Jethro Tull est toujours là, (presque) aussi épaisse que la brique !