Nik Bärtsch - Entendre

Sorti le: 19/03/2021

Par Chrysostome Ricaud

Label: ECM

Site: https://www.nikbaertsch.com

Nik Bärtsch est un de ces rares artistes dont on peut dire qu’ils ont créé un monde qui leur est propre. Pour qualifier l’univers du pianiste suisse-allemand on parle de ritual groove music (le titre de son premier album) ou de zen funk. Lorsqu’on énumère les ingrédients qui composent sa musique, on a du mal à comprendre comment ils peuvent cohabiter, et pourtant cela marche merveilleusement bien : du jazz, du minimalisme, de la polyrythmie et du groove. Il s’exprime habituellement avec deux ensembles différents, le quartet Ronin qui met l’accent sur le groove et le quintette Mobile qui se focalise plus sur l’approche rituelle.

Entendre, l’enregistrement dont il est question ici est quant à lui un disque pour piano seul, et ce n’est que la deuxième fois en vingt ans de carrière que notre Helvète s’exprime en solo. Depuis le début, ses compositions ne portent pas de nom propre mais sont toutes appelées Modul et numérotées. Nik ne les considère pas comme des écrits fixes, mais comme des bases pouvant être réinterprétées de manière différente, ce qu’il ne s’est jamais privé de faire tout au long de sa carrière.

Sur cet album, tous les modul sont des relectures pour piano seul d’œuvres que l’amateur assidu du pianiste a déjà entendu dans sa riche discographie. Pour autant il n’est en rien dispensable, leur réinterprétation totale suffisant à proposer un voyage inédit. Parfois Bärtsch fusionne deux modules afin de brouiller encore plus les pistes, comme c’est le cas ici avec « Modul 58_12 ». Quant à « Déjà-vu, Vienna », bien que portant pour la première fois un titre autre que son habituelle numérotation, il s’agit en fait du « Modul 42 ».

Pour poursuivre l’analyse de ce qui différencie ses formations, on peut dire qu’en solo c’est l’aspect classique contemporain de sa musique qui se trouve accentué. Les six titres de Entendre proposent une évasion à la puissance évocatrice riche où le musicien utilise efficacement de nombreuses techniques (percussion de l’instrument, cordes grattées ou étouffées) pour diversifier les sonorités de son seul piano. La dissociation opérée entre sa main droite et sa main gauche est impressionnante et donne l’illusion d’écouter un dialogue entre plusieurs musiciens.

Coupons court à tout malentendu, Entendre n’est pas un de ces disques pour piano seul proposant des mélopées à mettre en fond sonore pour se détendre. Chaque morceau est un voyage à travers des atmosphères très variées : effrayantes, inquiétantes, mystérieuses, haletantes, hésitantes ou apaisantes, la palette offerte par Nik Bärtsch est riche.