Earthless

25/05/2019

La Maroquinerie - Paris

Par Florent Canepa

Photos: Christian Arnaud

Site du groupe : www.earthlessofficial.com

Setlist :

Uluru Rock - Black Heaven - Electric Flame - Gifted by the Wind - Violence of the Red Sea - Communication Breakdown (Led Zeppelin) - Purple Haze (The Jimi Hendrix Experience) - Volt Rush

Ce soir-là à la Maroquinerie, un arôme seventies envahissait l’atmosphère. Si c’est bien le stoner rock qui posait ses valises pour une première partie réussie, la tête d’affiche, Earthless donnait à entendre, cordes métalliques à l’appui, les flexuosités d’un rock psychédélique. Une salle, deux ambiances connexes. Les Bordelais de Mars Red Sky, en activité depuis 2007, ont ouvert le festival de décibels, anticipant la sortie prochaine d’un album dont quelques titres ont été présentés ce soir-là. Solide et trapu, le trio joue sa partition post-Black Sabbath, heureux d’être là et de l’accueil chaleureux d’un public euphorique. C’est finalement au bassiste Jimmy Kinast qu’incombe la tâche de faire rire et communiquer avec le public. Le groupe, avide de scènes même jusqu’aux US, sait enrôler les troupes grâce à sa combinaison de riffs comme des odes au désert (Kyuss ayant défriché ces terres arides) et de voix spectrales. Les projections d’arrière-scène remplissent bien leur rôle d’accompagnement et on peut saluer l’effort visuel des Français qui rythme de façon aléatoire les compositions. Une batterie qui frappe fort, une basse bulbeuse et suffisamment d’incisif en guitares permettent de passer l’examen du rôle parfois ingrat du chauffeur de salle.

Quand Earthless arrive (de San Diego comme ils le précisent), le bouillonnement est donc déjà en place et le public prêt à recevoir une avalanche de vibrations. Ici point de Sabbath, c’est Led Zep qui coule dans les veines du trio américain – hommage appuyé lors d’une reprise très électrisante de « Communication Breakdown ». Il faut dire que le groupe bénéficie du talent indéniable d’Isaiah Mitchell, sorte de guitar-hero psyché qui égrène les notes non-stop sur son manche et crée la kyrielle sonique. On peut parfois reprocher l’effet « tombé infini » (pour faire court – ou plutôt long : un morceau met environ cinq minutes à mourir) mais on ne peut qu’être impressionné par le déluge halluciné qui s’abat. La foule commence joyeusement à gigoter puis allègrement s’adonner aux joies du body surfing.

Pas de doute, c’est en live que s’est forgée la réputation des Californiens, notamment à travers l’originel puis discographique Live at Roadburn. Point de stoner ou de marijuana ici, mais une concentration quasi virtuose de tous les instants, désoiffée par une eau plate plutôt que par des flots de bière. C’est aussi l’art de l’improvisation qui est au cœur du dispositif avec – par la force des choses – ses vents contraires (le démarrage un peu long, la fin un peu vaine) et ses instants d’euphorie (« Gifted by the Wind »). Autre identité notable : le chant ici plutôt présent pour un groupe normalement instrumental et il est très réussi. On se dit même que les structures vocales aident à faire gagner en efficacité le propos mélodique. C’est évident lors des reprises forcément et notamment sur l’enflammé « Purple Haze » d’un autre guitar hero survolté. Côté jeux de scène, Earthless est plutôt économe : bassiste immobile, batteur cognant les fûts à propos mais sans communication avec le public et guitariste/chanteur plus concentré sur son jeu qui l’accapare ou le transporte selon les détours.

On est loin du jam car tout est distribué avec méthode et corps. Un groupe trop rare mais qui nous faisait ce soir-là l’honneur de distribuer des acouphènes tonitruants, des volts à répétition et des occasions salutaires de sautiller partout.