Guillaume Perret

14/01/2019

La Maroquinerie - Paris

Par Florent Canepa

Photos: Christian Arnaud

Site du groupe : https://www.guillaume-perret.com

La nouvelle formation de Guillaume Perret porte bien son nom. Elevation. Sur le fond, car il s’agissait ce soir-là de retranscrire en concert le voyage interstellaire de Thomas Pesquet ou plus exactement la bande son de 16 levers de soleil, le documentaire retraçant l’aventure de l’astronaute français. Mais sur la forme aussi tant l’intimité de la Maroquinerie et son acoustique particulière ont pu imprimer toute la profondeur de cet exercice.

Mais rembobinons un peu car c’est Festen, autre formation à la gloire du saxophone, qui a pour objectif de chauffer la salle et le fait de fort belle manière. Plus psyché que la performance à venir, le quartet transpire une énergie brute, finalement assez proche du Dogme de Vinterberg. Parfois très mélodique, souvent plus avant-gardiste voire alternatif, Festen transforme l’atmosphère puis emballe complètement l’auditoire jusqu’au final « Overlook Hotel », puissant, martial et atmosphérique tout à la fois. La sobriété des jeux de scène et des lumières limitent un peu la portée, mais on se dit qu’il faut vite se précipiter pour redécouvrir le petit dernier, Inside Stanley Kubrick, forcément cinématique et qui donne des accents rock à un jazz contemporain.

Vient le tour du prodige du saxophone français qui, l’air de rien, va nous convier à un véritable moment de communion de près de deux heures sans temps mort. Dès les premières notes, nous plongeons dans un halo bleu où son instrument devient une force d’harmonie, une matière vivante que l’on triture pour accoucher d’émotions fortes. Armé d’un séquenceur, Guillaume Perret, sans vantardise ou flagornerie, donne à entendre comme personne ses volutes de cuivre. Electrique, rock, atmosphérique ou ethnique : toutes les ambiances prennent de l’ampleur pour le plus grand bonheur des auditeurs, happés au passage par un plan lumière absolument parfait et une spatialisation du son à propos. On ne saurait reconnaître le talent du maître de cérémonie sans rendre hommage à ses acolytes qui jouent un rôle majeur dans la réussite. Le bassiste Julien Herné, monolithique et profond, qui pose la base du voyage galactique. Martin Wangermée, à la batterie, est bluffant de précision et nous propose même assez vite l’antithèse du solo de batterie soporifique. Quant à Yessaï Karapetian, c’est réellement son jeu de clavier qui permet à l’ensemble de décoller dans une apesanteur toute particulière faite de nappes et de sons synthétiques bien choisis.

L’ensemble, mêlé le cas échéant d’extraits des sons de la navette spatiale et de fréquences de la NASA, est un voyage initiatique mais pas totalement car il est aussi rythmé par des moments plus électrisants comme « A Certain Trip » ou lascifs sur « Into the Infinite ». Sur la fin, « Dans la paume de Gulliver », ici présenté sans les séquences rap, révèle sa force intrinsèque et on en revient presque à regretter cette présence vocale sur l’album. Lors de plusieurs climax, nous touchons au divin (« Peace », « Alea Jacta Est », trip-hop des temps modernes) et pour son final, Guillaume Perret, seul sur scène, remplit l’espace sonore grâce à un empilement de boucles et un trésor d’arrangements. L’homme, laconique, avoue à un moment du concert qu’il s’agit là du premier vrai concert depuis la fin de leur résidence et qu’il sent que c’est enfin à la hauteur de ce qu’il pouvait y avoir sur l’album-documentaire. Nous allons encore plus loin en affirmant que cet exercice live dépasse complètement le studio et donne une nouvelle vie, plus ample et corpulente, aux compositions. Ce soir-là, et pour clore l’année, nous vivions sans doute l’une des expériences live les plus excitantes de l’année !