In Love With - Coïtus Interruptus

Sorti le: 24/09/2018

Par Choréo

Label: Gigantonium

Site: http://www.sylvaindarrifourcq.com/Sylvain_Darrifourcq/IN_LOVE_WITH.html

Le label Gigantonium nous a habitué à des albums particulièrement fiévreux flirtant avec le free jazz (rappelez-vous du surprenant O.U.R.S. de Clément Janinet qui rendait hommage à Ornette Coleman) mais cette fois-ci, on atteint un stade supérieur… In Love With est l’un des nombreux projets dirigés par Sylvain Darifourcq. Ce trio constitué des frères Ceccaldi (Vincent au violoncelle et Théo au violon) et du batteur/compositeur en est à son second album, et ça envoie du très lourd ! Rires, frustration et parfois limite de l’agacement, voici ce qu’il vous attend en écoutant Coïtus Interruptus.

Il y a une idée directrice dans ces quatorze compositions, c’est celle de « l’évitement d’un point d’arrivée » (ce que suggère très fortement l’intitulé de l’album d’ailleurs). Influencé par les œuvres de Samuel Beckett et de William Faulkner, le maestro Darifourcq nous pond des morceaux aux temporalités différentes, assemblées de façon très ingénieuses mais surtout d’une frustration sans égale. Le principe est plus que respecté puisque l’on a l’impression d’être complètement bloqué dans une faille spatio-temporelle où les musiciens ne peuvent avancer ! On ne discerne pas les fins des compositions, toutes s’enchaînent, se font écho et l’on est perdu dans un magma rythmique hystérique. Le tout relevé avec des petites doses d’humour très bien placées où même les noms des pistes soulignent l’ironie du trio (« End of a Love Story » apparaît avant « Begining of a Love Story »). Les compositions sont répétées (« Repeat », ou comment écouter la même cellule pendant 1 min 17), distordues (« Lynch at the beach »), passent du coq à l’âne (« End of a Love Story » qui peut faire penser aux musiques de dessins animés), tiennent sur un fil (« Prologue ») et mélangent les tempi des musiciens. Par exemple, dans « Inversion Therapy » chacun des interprètes suit sa propre temporalité pour parfois rejoindre accidentellement ses comparses tout en gardant de façon obsessionnelle son rythme, rappelant certaines compositions de Steve Reich. Il y a des moments où l’on est tenté de dire que ce n’est plus du jazz mais bien du rock tant le violoncelle est lourd, la batterie surexcitée et le violon grinçant. On passe du jazz à la bossa nova, du métal au slow mielleux. C’est un drôle de mélange mais c’est pourtant si cohérent !

Un album diabolique, aux milles facettes. Tout est finalement présent dans l’incroyable pochette de Coïtus Interruptus : des métronomes infernaux qui tournent en boucles, un courant, des fragments de textes de Beckett et Faulkner, des polices mélangées et assemblées méticuleusement. C’est anarchique, rien n’est vraiment développé mais après tout c’est le principe même de ce disque ! On ressort de l’écoute fasciné par la virtuosité des musiciens, la frénésie des compositions et l’ingéniosité de Sylvain Darifourcq (oui oui, ce sont des compositions). Mission accomplie In Love With, vous nous avez bien frustrés !