Trondheim Voices and Asle Karstad - Rooms & Rituals

Sorti le: 17/08/2018

Par Choréo

Label: Grappa

Site: http://www.trondheimvoices.no

En cet été caniculaire, un bon grand bol d’air frais tout droit venu de Norvège vient de passer dans les environs. Et ce n’est pas pour nous déplaire, bien au contraire ! Cet ouragan de créativité se nomme Trondheim Voices, c’est un groupe vocal exclusivement féminin fondé en 2001 qui ne cesse d’expérimenter autour de l’improvisation. Ces femmes sont reconnues pour leur installations qui relèvent plus de la performance que du concert. En effet, elles proposent des situations immersives à leur public, le plongeant ainsi dans une pièce sombre autour de lumières étranges, dans des églises ou encore des musées. C’est ce qu’elles appellent les Rooms and Rituals. L’album dont il est question est donc un regroupement de pièces venant de diverses performances faites dans des lieux différents. Autre notion très importante, chaque chanteuse dispose d’un petit boitier qui permet à chacune d’entre elles de modifier sa voix en temps réel en manipulant des effets. Ce formidable système appelé « Maccatrols » a été conçu exclusivement pour le groupe par Asle Karstad et son fils Arnvid Lau Karstad. La collaboration entre ce concepteur sonore et ces femmes ne date pas d’hier et il faut avouer que les nombreuses expérimentations faites depuis tout ce temps semblent bien avoir porté leurs fruits.

Pour commencer, il est important de saluer la superbe prise de son et le mixage de ce disque. La spatialisation des voix et les manipulations réalisées en direct par chacune des chanteuses font que cet album est incroyablement immersif. Chaque morceau est une sorte de bulle qui abrite un micro-univers dans lequel se déroulent des évènements surnaturels. Étant donné que presque chaque piste nous vient d’un lieu et donc d’une installation différente et qu’en plus ce sont des improvisations, leur identité n’est que renforcée. Ce sont des instants qui sont capturés plutôt que des enregistrements studio retravaillés et c’est ce qui fait que la magie opère. On est aussi bien plongé dans un monde dénué d’apesanteur (« Sardin Cluster » un morceau qui vous donnera des frissons tant il est beau) que dans une grotte cristalline (« Gleam ») ou encore dans un manoir délabré (« Room #6 » après lequel vous ne fermerez pas les yeux de la nuit…). Au bout d’un moment, on oublie que nous n’avons affaire qu’à des voix et l’on croit entendre des synthétiseurs, du vent, des oiseaux. Les douze interprètes maîtrisent à la perfection leurs formidables instruments (voix et Maccatrols).

Avec « Pulser », nous sommes propulsés au cœur d’une machine infernale. Ici on perd toute notion du réel et tout devient illusion. Des images nous apparaissent puis disparaissent instantanément comme englouties dans les engrenages de ces mécanisme démoniaques. Les voix jaillissent de toutes parts, se démultiplient et l’on est assommé sous le poids de la pression qui s’abat sur nous (le titre coup de cœur de l’album). « Berlin Memorial » est lui aussi un titre démentiel. Il se dégage de ce morceau une atmosphère tellement lourde et chargée de sens (enregistré dans l’Église du Souvenir à Berlin) que ça en devient bouleversant. Seuls des fragments de voix douloureux se détachent d’une masse intense et l’on voit se dessiner peu à peu un paysage ravagé par les conflits et sur lequel la mort plane. C’est extrêmement lugubre et ça prend aux tripes… Autant vous dire que les spectateurs qui étaient sur place ont dû subir une véritable onde de choc car il devait s’en dégager encore plus de puissance.

On peut donc féliciter Trondheim Voices et ses concepteurs sonores car ils nous ont offert un véritable diamant brut. Une technologie admirablement utilisée qui vient parer les diverses voix (prenant des intonations à la Björk ou en passant par des cris à la Mike Patton dans « Room #10 ») de ces talentueuses chanteuses. Il faut également souligner que ces morceaux ne sont que des improvisations donc encore un immense bravo à ces interprètes pour leur sens du détail et leur sensibilité musicale. C’est du grand art, c’est novateur et c’est extrêmement beau (vraiment), que demander de plus ? Tout ce qui nous reste à faire c’est de courir aller les voir en « concert » pour se faire embarquer de nouveau (et sûrement de façon encore plus intense) dans leurs merveilleux univers. On est impatient de voir la suite !