Magenta - We Are Legend

Sorti le: 05/06/2017

Par Jean-Philippe Haas

Label: Tigermoth Records

Site: http://www.magenta-web.com

Quatre années ont passé depuis The Twenty Seven Club et beaucoup, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du côté de chez Magenta. Rob Reed a réalisé son rêve, celui de composer un album à la Mike Oldfield (Sanctuary et sa suite… Sanctuary II), tandis que Christina Booth reprenait le micro après la douloureuse épreuve d’un cancer du sein, en sortant un album solo, The Light. We Are Legend, qui suit de près un DVD en concert (Chaos From the Stage), se présente donc comme un jalon important dans la carrière des Britanniques. Et s’il n’y a pas à proprement parler de concept sous-jacent (un cas rare dans la discographie du groupe), le visuel fait clairement référence à une Angleterre post-apocalyptique (une conséquence du Brexit ?), quasi-désertique, où se tiennent des survivants, face au soleil, semblant suggérer « nous sommes toujours là »… La Battersea Power Station (usine popularisée par la pochette d’Animals de Pink Floyd), posée sur ce paysage aride, n’est sans doute pas là par hasard, mais on laissera à d’autres le soin d’éclaircir la symbolique de sa présence…

Rob Reed laisse entendre qu’il était temps d’essayer de nouvelles choses après The Twenty Seven Club, bien que la notion de « nouveauté » ne revête pas le même sens pour un groupe de néo-prog qu’au sein du Rock In Opposition, par exemple… Si dans l’ensemble, la production semble plus dynamique que précédemment, les « innovations » ne sautent pas forcément aux oreilles sur « Trojan », un monstre de vingt-six minutes plutôt canonique en regard des critères établis il y a plusieurs décennies déjà ; quelques sonorités électroniques, une basse bien ronflante et un surcroît d’énergie électrique semblent être les seuls changements que propose le mastodonte par rapport à ses prédécesseurs. Pour le reste, on navigue dans les eaux territoriales du prog’ dit « classique », avec des mélodies pleureuses à foison (mais on aime ça, pas vrai?), des plages de guitare à la Rothery, des parties bien emphatiques à base de claviers, la voix délicieusement british de Christina, une paire de passages pop-rock en roue libre… et une histoire de SF. « Colours », un titre consacré à Van Gogh (quand on vous disait qu’il n’y a pas de concept…), ne brise pas davantage ces codes mais se rapproche de ce que faisait le groupe à ses débuts (Revolutions) avec en prime une poignée de claviers bien vintage façon Tony Banks dans le Genesis première époque. C’est peut-être du côté de « Legend » qu’on trouvera des choses « inhabituelles ». Un peu plus sombre que la moyenne tant au niveau musical que thématique (il traite du dernier homme sur Terre), un peu plus heavy par moments, ce titre offre même quelques secondes de dissonances, ce qui peut sembler impensable de la part d’une formation réputée pour sa puissance mélodique. En définitive, les « nouveautés » sont dispersées dans le flot des habitudes musicales de Rob Reed, qui a du mal à se défaire de ses tics de composition. Mais lorsqu’on écoute Magenta, on n’aime pas spécialement s’éloigner des côtes, et les Britanniques font ce qu’ils savent faire, avec conviction.

Une version 5.1 de We Are Legend est disponible sur le DVD bonus, ainsi qu’un certain nombre de suppléments, comme un monologue de Rob Reed, peu avare de compliments au sujet de son œuvre, des morceaux acoustiques, live et autres clips promotionnels du répertoire de Magenta ou assimilé : rien de totalement indispensable, bien que certaines versions alternatives ne soient pas dénuées d’intérêt. L’album se suffit à lui-même, et malgré ses trois longues compositions, il ne parvient pas à lasser comme le font souvent ce genre de productions, remplies de passages inutiles. Ici tout a sa place, et en la matière, c’est déjà une forme d’exploit.